De mémoire, c'est un film de Spielberg qui me semblait non seulement engagé mais partisan envers son propre «camp». Gros
Mea culpa, car si effectivement en suivant le point de vue du Mossad, forcément la perspective se retrouve biaisée, jamais
Munich me paraît accusable de choisir un quelconque camp plutôt qu'un autre. Et c'est là que je trouve que la narration, malgré sa simplicité apparente («oeil pour oeil, dent pour dent»), se révèle bluffante et va au-delà du film de vendetta. Car au fond, tout en balançant des références plutôt précises au contexte géopolitique de l'époque, le récit se veut surtout universel (on pourrait mettre la CIA à la place que ça ne changerait pas grand chose à l'intrigue), nous faisant assister progressivement à la désillusion d'un homme tout ce qui a de plus normal et qui croit se battre pour la justice de son pays, pour nous faire ensuite voyager en zones obscures et fortement ambivalentes, avant de clore le récit de manière angoissante lorsqu'on mesure l'ampleur de ces poupées russes en guise de politiques étrangères.
Spielberg nous offre ainsi un thriller paranoïaque de première classe, avec un point de vue malin, où la banalité du quotidien côtoie l'Histoire, comme ces séquences où on discutaille autour de la table des missions comme s'il s'agissait d'un bon plat à préparer. Cela ne crée pas forcément de l'empathie, mais en tous cas ça les rend plus abordables, humains, authentiques (et pas juste eux, mais aussi leurs cibles, ce qui est pour moi un tour de force en plus de laisser un petit goût d'amertume). C'est d'ailleurs durant ce même de genre de scènes que le plus souvent le propos s'affine, se nuance, à l'image de cette séquence-clé où une petite halte incongrue est proposée entre adversaires, et où un certain terrain d'entente finit par se construire qui se résume à une chose forte, essentielle et apolitique, à savoir l'importance d'avoir un chez-soi. Un propos certes simple, mais qui transcende toutes les frontières pour atteindre l'intime de l'humain (c'est d'ailleurs dingue combien toutes les scènes qui me semblent importantes, voire touchantes, sont produites dans un appartement ou la pièce d'une maison). Dans le même ordre d'idées, cette lecture particulièrement intéressante et visionnaire entre médias et spectaculaire concernant les attentats et «ce que doit voir le monde», et qui contraste violemment avec ce que vivent réellement les personnages.
La réalisation, Spielberg oblige, est aussi très solide, au service d'une reconstitution d'époque particulièrement réussie où l'on nous fait voyager aux quatre coins du monde pour retrouver les responsables de cette tragédie humaine. Les missions sont toujours filmées d'une manière particulièrement intense, sans nier la possibilité d'échec (il n'a vraiment pas de chance le poseur de bombes), le tout sans oublier de livrer des plans de toute beauté techniquement parlant (celui dans la voiture où chaque détail de la mission nous est montré par l'image, du grand art). Par contre je ne comprends pas trop l'intérêt de faire des parallèles entre l'intrigue et les
flashbacks de l'attentat de Munich, même d'un point de vue dramatique ça ne fonctionne pas très bien, je trouve. Mais si on ajoute à cela un casting impliqué et des personnages intéressants à suivre du fait que la plupart ne sont pas vraiment des spécialistes mais des bricoleurs à leur manière (j'aime particulièrement celui de Geoffrey Rush qui est le premier à instiller le doute dans l'équipe, mais les autres ne sont pas en reste avec entre autres Éric Bana qui y trouve l'un de ses plus beaux rôles), on n'est pas loin du chef-d'oeuvre (ça a beau être maîtrisé, subtil, filmé à hauteur d'homme, ça manque un peu d'émotion pour ma part). En tous cas,
Munich est un film qui dépasse largement les attentes de
l'entertainment hollywoodien standard en nous offrant la vision d'un monde politique d'une noirceur rarement atteinte dans un Spielberg, mais sans oublier l'humain en chemin (des deux bords), dont la pertinence semble (tristement) intemporelle.
Note : 8.5/10