Journal érotique d’un bûcheron (aka la Forêt aux mille désirs aka le Bûcheron loupe la branche (version hard))
(Jean-Marie Pallardy – 1974)
Stupeur dans le monde de la science ! Alors qu’il vient de recevoir le prix Nobel de physique, le professeur Muller est introuvable. Son fils Jean-Marc mène néanmoins l’enquête et ne tarde pas à trouver la raison de cette disparition : lassé de la vie chaotique du monde moderne, le bon scientifique a décidé de larguer les amarres pour aller vivre dans une joyeuse communauté de bûcherons paillards. Jean-Marc décide de l’y rejoindre pour le convaincre de revenir afin de répondre à ses obligations scientifiques, mais après avoir rencontré la belle Isabelle, c’est peut-être lui qui va jouer d’une certaine cognée pour fendre quelques culs…
(voix enjôleuse) « Nous serions plus à l’aise là-bas, Monsieur le Ministre.
– J’ai toujours rêvé d’être bûcheron.»Je me souviens que lorsque j’étais petit j’ai toujours ressenti une vive admiration pour cet homme :Les lecteurs de BKR ? hmpf ! Ça écrit des critiques et ça ne sait même pas débiter des buches avec une hache de cinq kilos ! Lavettes, va !
Le grand air, la communion avec la nature, une vie saine auprès d’une femme aimante, de gentilles filles avec des tresses et surtout l’exercice quotidien de saines activités agraires oui, tout cela était pour mes jeunes mirettes le summum d’une vie pleine et réussie. Bien des années plus tard, c’est donc non sans émotion que je tombe sur ce film de Pallardy qui, tout en me comblant de plaisir, me confirme dans l’idée que ma vie n’a pas été celle qu’elle aurait dû être. Un peu comme Jeremiah Johnson ou le chien Buck, il y a toujours eu en moi un appel de la forêt, une attirance instinctive pour ce type de terre où la vie semble grouiller à chaque pas et où on espère rencontrer à chaque instant une manifestation merveilleuse de ce lieu magique, comme le surgissement, derrière un fourré, d’un Totoro ou encore d’une nymphe à gros seins... mais je m’égare, revenons plutôt à ce film, cela m’évitera d’attiser mes regrets.
Pour faire simple, nous sommes ici face à une sorte d’ode à la nature mallickienne avant la lettre. Evidemment, les commentaires du prof Muller sont un peu éloignés de ceux en voix off des personnages de la Ligne rouge ; Si l’on était un peu taquin, on dirait même qu’ils sentent un peu le jaja et le mauvais cigarillo mais qu’importe, on y sent aussi la sincérité d’une réelle communion avec la nature. L’histoire a été filmée dans un magnifique domaine, et on est très vite abasourdi par la multitude de plans nous montrant les trésors arboricoles de dame Nature. Oubliez les décors de Jeremiah Johnson, ce n’est rien face à la profusion végétale de la Forêt aux mille désirs. Moi-même botaniste amateur depuis la lecture des Rêveries du Promeneur solitaire, j’ai trouvé mon petit plaisir en dénombrant les différentes variétés d’arbres que Pallardy, sans doute en bon amateur distingué lui aussi, n’a de cesse d’inclure dans ses plans. Jugez plutôt, ici, un podocarpus :
Là, un chêne tauzin :Admirez au loin le splendide specimen d’albizia du Japon :Ici, je pencherais pour un charme-houblon (je ne suis pas totalement sûr) :Là, en revanche aucun doute possible, il s’agit d’un thuya de Malaisie et ce que tient la jeune femme est vraisemblablement un Vosne Romanée 1968 (cru spécial villageoise) :
Voir le Journal érotique d’un bûcheron, c’est un peu se promener dans le jardin d’Eden. La nature y est luxuriante, accueillante et variée. On y trouve certes parfois de bien curieux champignons :
... mais pas d'inquiétude ! à voir le plaisir avec lequel les promeneuses les mangent goûlument, ils ont l’air tout ce qu’il y a de plus comestibles. Non, nous sommes, exactement comme dans Mon Voisin Totoro, dans une forêt très pacifique, sans danger, à mille lieues de la détestable forêt amazonienne de Cannibal Holocaust. J’ai évoqué les Rêveries du promeneur solitaire de Rousseau, il me faudrait aussi citer sa théorie du bon sauvage, l’autochtone ici n’ayant pas le sens de la propriété, partageant aussi bien son meilleur vin que ses compagnes. Au premier abord, l’homme a certes l’air un peu frustre mais il convient de ne pas se laisser tromper par cette apparence. L’homme est véritablement bon, et quand en plus il peut prendre l’apparence d’un Frank Zappa, impossible de ne pas l’aimer : Du reste, ces hommes ont forcément des qualités surnaturelles puisque leurs compagnes sont toutes des femmes qui relégueraient Aphrodite au rang de bonniche portugaise malpropre. Solidement installées sur leurs chevaux, elles ont l’allure de fières amazones, et l’amateur de certaines pellicules pornographiques de l’époque reconnaîtront certains minois comme celui de Claudine Beccarie ou de Frédérique Barral. Quant à Willeke van Ammelrooy dans le rôle d’Isabelle, on comprend bien pourquoi la dame fut la muse de Pallardy. Les scènes durant lesquelles on voit le couple folâtrer dans la forêt sous une musique 70’s très liquoreuse donnent une image oubliable de ce qu’est la vrai bonheur d’un couple :
♫ Chabadabada, chabadabada ♫
Passons sur les dialogues, assez minimalistes et parfois un brin incongrus :
« Mens sana et corpore sano ! Parfaitement ! Une âme sainte (sic) dans un corps sain ! »
Cette relative pauvreté n’entache en rien le talent des acteurs qui, quoique amateurs, ont su se sublimer, se pousser dans leurs derniers retranchement afin de se livrer totalement :
Bref, pour terminer, si comme moi vous avez été marque par une certaine scène dans le Délivrance de Boorman, le Journal érotique est l’antidote absolu. En ces heures sombres où notre pauvre planète est bien malmenée, il a tout du brûlot écologiste apte à faire bouger les consciences. Un film maîtrisé de bout en bout. Et nécessaire.8/10