C'était clairement ma plus grosse attente de fin d'année, ne serait-ce que sur le papier avec Dupontel et sa liberté créative sur le projet le plus ambitieux de sa carrière à ce jour, et puis les premières images sont venues confirmer l'arrivée d'un film exceptionnel dans le paysage cinématographique français. On le sait depuis longtemps : Dupontel a toujours eu un grand amour envers le cinéma, et ça se ressent particulièrement dans ses influences principales, notamment l'admiration qu'il porte à Terry Gilliam, et
Au revoir là-haut s'avère être sa plus belle déclaration d'amour au 7ème Art, comme si tout ce qu'il avait fait auparavant se devait d'amener à ce film. Du coup, il y a l'impression de voir Dupontel se lâcher complètement en terme d'ambition scénaristique et formelle, au point que ça rappelle parfois le brio d'un certaine Jeunet sur
Un long dimanche de fiançailles, dans lequel il avait joué.
Une ambition qui se ressent dès le début avec une introduction dans les tranchées où les idées de mise en scène se succèdent (le plan-séquence sur le chien, la première apparition de Pradelle, le passage dans le trou avec des idées de plans carrément expressionnistes) et qui ne s'arrête finalement jamais, Dupontel enchaînant les longs plans, les changements de focales et les mouvements complexes avec une générosité totale. C'est clairement un Dupontel réalisateur en mode show-off qui est là, ce qui ne s'avère pas gênant en soi vu qu'il est l'un des rares français à pouvoir se le permettre (le mec est quand même capable de récréer le fameux plan du miroir de
Contact ), mais du coup ça donne parfois l'impression qu'il est plus intéressé par la façon de mettre en image une scène plutôt que par la scène elle-même. Un aspect du film qui se retrouve dans sa dramaturgie, et de ce côté là le constat est évident : si Dupontel est totalement à l'aise dans les séquences où le rire est requis (la visite de Maillard chez Péricourd, les visites du maire
), ou alors qu'une dose d'absurde est présente (le passage des handicapés
), il l'est beaucoup moins dès qu'il s'agit de faire parler l'émotion. Sur ce point, le film aurait carrément pu être plus efficace, et nul doute que le fait que Dupontel joue dans le film fasse partie du problème, sachant qu'il joue le personnage de Maillard en remplacement de son acteur prévu à la base.
Pour le reste, si on peut noter quelques défauts d'écriture (la toute fin paraît trop facile, trop précipitée, globalement le film donne l'impression de privilégier le rythme aux personnages), Dupontel se débrouille vraiment bien sur un film pas spécialement évident à l'origine, d'autant qu'il aborde des sujets assez rares au cinéma, notamment celui des profiteurs de guerre, qui en prennent ici pour leur grade. La reconstitution s'avère particulièrement bien foutue, le film a coûté vingt millions et ça se ressent sur chaque plan. Quand au casting, Dupontel a de nouveau le nez fin et la direction d'acteurs facile, et tout le monde, jusqu'aux troisièmes rôles, s'avèrent bons à l'écran. Nahuel Pérez Biscayart que je découvre ici a une véritable présence à l'écran malgré ses actions limitées, et l'autre grande surprise du film s'avère être Laurent Lafitte, acteur que je ne trouvais pas désagréable déjà auparavant mais qui là a le rôle vedette, un bad-guy qu'on sent interprété avec beaucoup de plaisir. A défaut d'avoir un grand film comme le Jeunet, la faute à une dramaturgie moins bien gérée, on a quand même un excellent métrage, certainement le meilleur de Dupontel en tant que réalisateur. Entre celui-là, le Valette et le Klapisch, le cinéma français a quand même de beaux restes en cette année 2017.