Les avis de vos dernières lectures

[Mr Jack]

Il manquait juste un peu de profondeur au personnage principal, ça aurait été bien d'aller plus loin dans le lien avec son ex-femme, faire le lien avec son obsession pour Cordova, entremêler tout ça et jouer encore plus avec son mental, toucher la folie du doigt.

Même si la balade dans les sous-terrains et au Peak reste un super moment mais qui, remis dans la perspective finale, prend un sens finalement plus banal, perd de son mystère.

[Jack Spret]

"Sa Majesté des mouches" de William Golding - 1954

¤¤¤

Avec un postulat de base simpliste, l'auteur interroge sa société et les enfants qu'elle produit. Sans repère, ils répéteront les modèles sociaux pour lesquels ils ont été éduqués mais ils s'y adaptent au paroxysme de leurs limites.
Un groupe va chercher à trouver sereinement une solution pacifique à la fuite de l'île tandis que l'autre va chercher à dominer l'ensemble en faisant étalage de la force et de la manipulation. Un mélange des deux aurait été un excellent compromis mais le but du roman est là: provoquer ces deux procédés extrêmes et inverses pour faire naître toute l'horreur dont l'être humain est capable une fois affranchi des barrières de la civilisation.
S'il est difficile de s'attacher véritablement aux personnages de par leur jeune âge, ils sont tous très bien écrits et développés et on a aucun mal à s'y retrouver. Golding sait mettre en valeur son atoll par des descriptions poétiques, mélancoliques et toujours teintées d'une nostalgie du monde moderne. Les seuls défauts qui submergent sont la difficulté à se rendre compte du temps qui passe et le final, complètement raté et qui annihile toute la pression engendrée par les derniers chapitres. Mais ça reste un "must read" autant par son intrigue novatrice qui en aura inspiré plus d'un, que par sa capacité à nous renvoyer au visage toutes nos imperfections.

[Val]

Le jour d'avant, Sorj Chalandon (2017)

Un homme dont le frère mineur est mort lors d'un coup de grisou décide, après une vie entière à avoir été hanté par ce drame, de se venger de celui qu'il tient pour responsable. Chalandon écrit sur ce postulat un livre surprenant, évitant le piège du roman tract, restituant la dureté de la vie des mineurs et qui dresse le portrait sensible et touchant d'un homme simple écrasé par le poids du passé.

7/10

Survivre, Frederika Amalia Finkelstein (2017)

Peu effrayée par le fait d'avoir été littéralement traînée dans la boue par le landerneau littéraire il y a trois ans lors de publication de son premier roman, L'Oubli, livre halluciné sur une jeune vingtenaire tentant par tous les moyens d'échapper au souvenir de la Shoah alors que tout dans sa vie et son quotidien l'y ramène, Frederika Amalia Finkelstein récidive avec un livre centré sur les récents attentats djihadistes.

Ce sujet étant battu et rebattu par des dizaines de publications ces derniers mois, c'est peu de dire que j'attendais de pied ferme de voir ce que l'une des auteurs les plus prometteurs de la littérature française allait en faire. Le résultat est à la hauteur des espérances, ceux qui ont détesté son livre précédent détesteront à nouveau et les autres seront comblés, même si Survivre est sans doute handicapé par le fait que l'effet de surprise n'est cette fois ci plus de mise.

Finkelstein brouille a nouveau les pistes en choisissant une narratrice que l'on peut aisément confondre avec elle-même. Cette jeune femme raconte son quotidien, son entrée dans le monde du travail et l'ennuie que cela génère, ses soirées d'ennui à errer dans les bars mais, surtout, elle nous confesse son obsession : le mal et la violence qui se répand dans nos villes depuis quelques années. Elle raconte comment l'effroi ressenti à la suite du 13-Novembre a laissé place à une fascination malsaine et morbide pour les images violentes et les assassinats de masse. A ce titre, Finkelstein ne choisit par la tiédeur et n'épargne rien à son lecteur. Description de photos de corps massacrés, de décapitations d'enfants, d'immolation,... les descriptions insoutenables sont légions. Et pourtant, il n'y a pas de complaisance. Ces passages sont au contraire essentiels puisque c'est là le sujet même du livre. Comment survivre dans un monde où le mal (dans son acceptation la plus générale) a finit par gagner nos villes occidentales que nous prenions pour des citadelles imprenables ? Le sentiment de nausée est donc essentiel car c'est précisément l'univers mental dans lequel évolue la narratrice.
Mais Survivre ne se contente pas de choquer bêtement. Au contraire, c'est une des grandes forces du livre, Finkelstein ne se contente pas d'un constat cynique et effrayant du monde. Sans rien négliger des atrocités auxquelles l'actualité nous confronte, elle ose pourtant esquisser le début d'un espoir, d'une prise de conscience, d'un désir irrépressible de répondre au mal par le bien.

Survivre est sans doute un roman générationnel. C'est le roman de la sidération ressentie par une génération devant le massacre de gens de la même génération par des gens du même âge et qui avaient pourtant vécu, appris et ressenti les mêmes choses. C'est aussi un roman qui donne a voir comment naît une prise de conscience et un désir de révolte face à l'état du monde. Survivre est un roman traversé de passages cauchemardesques, qui se lit d'une traite, sans reprendre son souffle, et qui parvient, malgré ses maladresses, à toucher à l'intime comme peu de livres peuvent le faire. Grosse claque.

9/10

[Val]

Tiens ferme ta couronne, Yannick Haenel (2017)

L'idée de départ était alléchante et fait illusion pendant 70 pages environ : un scénariste sans travail a écrit un scénario sur la vie de Herman Melville et décide de le proposer à Michael Cimino. On se dit qu'avec un pareil sujet, il y avait la possibilité de livrer quelquechose de très grand sur ces deux artistes et sur la création.

Malheureusement, le livre ne tient jamais ses promesses et est avant tout le récit d'un mec qui ne fout rien de ses journées, si ce n'est regarder en boucle Apocalypse Now pour y découvrir ce qu'il pense être une vérité cachée (et là, il faut se farcir près de 100 pages où le mec explique scènes par scènes ce qui se passe dans le film).
Aussi, a un moment donné, il fait une faciale à la copine de son voisin.

Il faut aussi supporter les raccourcis et pensées brutes indigentes de l'auteur qui compare Cimino à Carax (rien à voir) et qui nous explique que le cinéma ne serait qu'une question de parole et non d'image (sic).

L'exemple typique du bouquin qui n'a rien à dire, écrit par un oisif qui, a force d'être enfermé dans le petit milieu parisien littéraire, ne vit plus rien et n'a donc plus rien à raconter. Mais bon, il faut bien justifier l'à valoir refilé par son copain Philippe Sollers et qui permet de vivre en ne foutant rien en pondant un "bouquin" tous les 3 ans.

Vu l'accueil de la presse/des copains, ça sent le Renaudot (à moins que ce soit Simon Liberati^^).

[Mark Chopper]

Tu vas tenter Les Fantômes du vieux pays ? Il me tente bien, mais bon, un crash-test serait le bienvenu

[Val]

Je ne sais pas, il me tente pas trop. J'ai l'impression de toujours lire le même bouquin avec la littérature US contemporaine (française aussi, mais un peu moins).

Ça sent un peu trop le mec qui a suivi les cours d'écriture des facs US. Mais qui sait, je tenterais peut-être. En tout cas, je l'ai déjà vendu, si des clients me font des retours, je ferais signe.

[Mark Chopper]

J'ai l'impression de toujours lire le même bouquin avec la littérature US contemporaine

Tu n'as pas tort... C'est pourquoi j'en lis de moins en moins.

Beaucoup essaient de faire du Philip Roth, mais sans avoir son niveau (et se taper un pavé pour, à la fin, se dire "tout ça pour ça", c'est pénible).

Mais celui-ci me tente (comme le Jonathan Safran Foer qui sort dans un mois).

[Val]

Le pavé d'Alan Moore me tente bien, et j'espère de bonnes surprises du côté des premiers romans français.

[pabelbaba]

Le pavé d'Alan Moore, même ses fans ont l'air d'avoir du mal.

[Mark Chopper]

Le pavé d'Alan Moore me tente bien, et j'espère de bonnes surprises du côté des premiers romans français.

Tu vois que tu pourrais bosser aux Inrocks.

[Jack Spret]

"Des milliards de tapis de cheveux" d'Andreas Eschbach - 1995

¤¤¤

Quelle claque ! Un roman choral dystopique qui surprend tellement qu'il a été difficile d'en décrocher et de passer à autre chose après. Le récit est empreint d'un esprit caractéristique au romantisme allemand, avec ces pointes de mélancolie profondes dissimulées derrière un voile épique.
Eschbach concocte tout un système politique, social et religieux qui tient la route et dont nous avons absolument toutes les explications au fur et à mesure que l'on avance dans le livre. La narration découpée en chapitres qui évolue dans l'ordre chronologique avec des bonds plus ou moins espacés dans l'histoire de l'Empire, interconnectant actes et personnages des chapitres précédents pour donner une ampleur de grande saga SF en seulement 300 pages, je dis bravo !
Pas grand chose à dire d'autre si ce n'est que c'est un véritable bijou qui m'a autant mis KO que "Les monades urbaines", "Fahrenheit 451" ou "Ravage".

[osorojo]

Ben dis donc, tu le vends bien, hop dans mes envies

[elpingos]

Il est génial ce bouquin

[Jack Spret]

"Le joueur" de Fiodor Dostoïevski - 1866

¤¤¤

Bouclé en un mois, ce roman n'en reste pas moins une réussite par sa capacité à nous rendre palpable la sensation que ressent un joueur de roulette lorsque l'enjeu signifie sa perte. Les anecdotes et les détails sont croustillants car autobiographiques, Dostoïevski étant lui même possédé à l'écriture du roman par cette drogue du jeu.
Autodestructeur en même temps que comique, "Le joueur" bénéficie d'un capital sympathie par sa fraîcheur et représente également l'entrée de l'écrivain dans la maturité, alors rédigé en pleine écriture de "Crime et Châtiment". On sent l'aliénation qu'ont pu avoir les tables de jeux européennes dont l'auteur se plaît à les dénigrer, elles et les sociétés qui les ont crés par des personnages risibles et nuisibles et des monologues très critiques envers leurs politiques.
Si je me souviens que "L'éternel mari" m'avait fait une forte impression, je pense qu'un passage par "Le joueur" est obligatoire si l'on veut connaître un tant soit peu le style et le personnage avant de s'engager dans ses plus grosses oeuvres.

[pabelbaba]

Tu fais plaisir!