Le jour d'avant, Sorj Chalandon (2017)
Un homme dont le frère mineur est mort lors d'un coup de grisou décide, après une vie entière à avoir été hanté par ce drame, de se venger de celui qu'il tient pour responsable. Chalandon écrit sur ce postulat un livre surprenant, évitant le piège du roman tract, restituant la dureté de la vie des mineurs et qui dresse le portrait sensible et touchant d'un homme simple écrasé par le poids du passé.
7/10
Survivre, Frederika Amalia Finkelstein (2017)
Peu effrayée par le fait d'avoir été littéralement traînée dans la boue par le landerneau littéraire il y a trois ans lors de publication de son premier roman, L'Oubli, livre halluciné sur une jeune vingtenaire tentant par tous les moyens d'échapper au souvenir de la Shoah alors que tout dans sa vie et son quotidien l'y ramène, Frederika Amalia Finkelstein récidive avec un livre centré sur les récents attentats djihadistes.
Ce sujet étant battu et rebattu par des dizaines de publications ces derniers mois, c'est peu de dire que j'attendais de pied ferme de voir ce que l'une des auteurs les plus prometteurs de la littérature française allait en faire. Le résultat est à la hauteur des espérances, ceux qui ont détesté son livre précédent détesteront à nouveau et les autres seront comblés, même si Survivre est sans doute handicapé par le fait que l'effet de surprise n'est cette fois ci plus de mise.
Finkelstein brouille a nouveau les pistes en choisissant une narratrice que l'on peut aisément confondre avec elle-même. Cette jeune femme raconte son quotidien, son entrée dans le monde du travail et l'ennuie que cela génère, ses soirées d'ennui à errer dans les bars mais, surtout, elle nous confesse son obsession : le mal et la violence qui se répand dans nos villes depuis quelques années. Elle raconte comment l'effroi ressenti à la suite du 13-Novembre a laissé place à une fascination malsaine et morbide pour les images violentes et les assassinats de masse. A ce titre, Finkelstein ne choisit par la tiédeur et n'épargne rien à son lecteur. Description de photos de corps massacrés, de décapitations d'enfants, d'immolation,... les descriptions insoutenables sont légions. Et pourtant, il n'y a pas de complaisance. Ces passages sont au contraire essentiels puisque c'est là le sujet même du livre. Comment survivre dans un monde où le mal (dans son acceptation la plus générale) a finit par gagner nos villes occidentales que nous prenions pour des citadelles imprenables ? Le sentiment de nausée est donc essentiel car c'est précisément l'univers mental dans lequel évolue la narratrice.
Mais Survivre ne se contente pas de choquer bêtement. Au contraire, c'est une des grandes forces du livre, Finkelstein ne se contente pas d'un constat cynique et effrayant du monde. Sans rien négliger des atrocités auxquelles l'actualité nous confronte, elle ose pourtant esquisser le début d'un espoir, d'une prise de conscience, d'un désir irrépressible de répondre au mal par le bien.
Survivre est sans doute un roman générationnel. C'est le roman de la sidération ressentie par une génération devant le massacre de gens de la même génération par des gens du même âge et qui avaient pourtant vécu, appris et ressenti les mêmes choses. C'est aussi un roman qui donne a voir comment naît une prise de conscience et un désir de révolte face à l'état du monde. Survivre est un roman traversé de passages cauchemardesques, qui se lit d'une traite, sans reprendre son souffle, et qui parvient, malgré ses maladresses, à toucher à l'intime comme peu de livres peuvent le faire. Grosse claque.
9/10