MARIE-OCTOBRE•••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••Julien Duvivier / 1959 .............................
7.5/10•••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••Quand Duvivier flirte avec l'espace restreint d'un luxueux salon pour composer une chasse au salaud que n'aurait pas renié Agatha Christie, il ne fait pas les choses à moitié. Jugez plutôt.
Pour mener son ballet mortuaire qui consiste en un jeu d'hommes de fort tempérament, anciens résistants bien décidés à démasquer le traître qui boit dans le même verre qu'eux, le cinéaste rassemble des gueules de prestige. Meurisse, Ventura, Blier, Reggiani, Darrieux, n'en jetez plus, la coupe est pleine, et je l'ai pour ma part sirotée jusqu'à la lie. En bon gourmand, j'en aurais même bien repris une rasade quand bien même mon équilibre commençait à devenir hésitant au moment où le denier acte, un peu manqué, me laissait penaud dans mon canapé.
Parce qu'il n'y a pas à tortiller, une péloche de cette trempe, aussi imparfaite soit-elle dans son ensemble, apporte de l'eau au moulin de tous les aigris qui regrettent le temps ou le cinéma français était le terrain de jeu d'une belle galerie de fortes têtes impossible, ou presque, à mettre en échec. Des bonhommes au verbe clair, des femmes qui donnent envie de tomber amoureux, des acteurs, tout simplement, qui inspirent un profond respect. Quand Blier, seul contre tous, saisit ses cordes vocales pour une plaidoirie au tranchant sponsorisé par Hattori Hanzo, les poils se dressent. Quand Meurisse met dos au mur la belle Marie-Octobre, incisant les esprits de sa diction parfaite et son regard profond, seul le silence daigne s'exprimer quand il se trouve à court de mots.
Le grand film n'est pas loin. Dommage que la fin, précipitée et appelée à grand renfort de choix narratifs discutables, fasse retomber le soufflet. La mise en scène également, solide à n'en pas douter, mais un peu paresseuse sur la durée, peut décevoir : Duvivier, à ce niveau là, a fait beaucoup mieux, même si sa gestion de l'espace, vu l'exercice de style qu'il relève, est assez remarquable.
Quelques petits gestes manqués qui ne sauraient éteindre l'enthousiasme sincère qui fut le mien pendant une bonne heure et demie. Emballé à un rythme parfaitement géré, marqué par une direction d'acteurs étincelante, Marie-Octobre voit Duvivier relever sans coup férir l'exercice pourtant périlleux du huis clos.