Dunkirk (Dunkerque) de Christopher Nolan
(2017)
Il y a encore quelques années, Christopher Nolan faisait partie de ces réalisateurs dont j'attendais impatiemment chacun de ses nouveaux films. La tendance a néanmoins quelque peu changée ces derniers temps, la faute à ses sorties successives Dark Knight Rises et Interstellar, qui m'ont déçu chacun à leur manière, et du coup j'attendais ce Dunkirk avec curiosité, mais sans réel enthousiasme (la faute aussi à une promo quelque peu ratée). A l'arrivée, et à ma très grande surprise, c'est le film qui me réconcilie en partie avec le réalisateur, car certes j'y trouve encore quelques-uns de ses défauts, comme une mise en scène qui donne l'impression de ne pas évoluer depuis quatre ou cinq films, mais à côté de ça j'y vois une proposition de cinéma comme on en fait rarement, et voir ça de la part d'un des rares réalisateurs ayant son final cut au sein d'une major américaine fait quand même sacrément plaisir. Au milieu des blockbusters aseptisés, sans vision artistique, où le spectaculaire prime sur le reste, et où les budgets colossaux sont rarement justifiés, quelle surprise que de voir ce film débarquer en plein été, lui qui n'a pourtant pas grand chose de vendeur au final, si ce n'est le nom de son réalisateur.
Casting quasiment inconnu du grand public (il n'y a bien que Tom Hardy qui est un minimum vendeur, et pourtant on ne voit son visage complet que sur un plan, on est loin du défilé de stars de ses précédents métrages), ambiance dépressive à souhait, volonté d'anti-spectaculaire, Dunkirk n'a rien du film de guerre que tentait de vendre la Warner, et le film donne globalement l'impression d'être un gros braquage fait par Nolan (car bon, un film comme ça à 100 millions, peu de monde peut se le permettre). Pas de combat donc, pas ou peu d'action, Dunkirk se veut être un film presque expérimental sur sa façon de dépeindre la guerre. Pas de glorification de l'armée ou du combat en général, ici la guerre est quelque chose qui fait peur aux hommes, qui les change, les rend mutiques devant leur sort funeste qui se rapproche de plus en plus, et toute la mise en scène de Nolan va jouer sur cette vision, avec quelque chose de très contemplatif, et où le dialogue n'est utilisé qu'en dernier recours (et ça fait vraiment du bien de voir un gars comme Nolan faire parler ses images avant ses acteurs, ça change). D'ailleurs, globalement le film donne l'impression qu'il aurait pu se passer d'un scénario par moment, tant tout se joue à quelque chose de très sensitif.
Formellement, malgré la tendance de Nolan à répéter les mêmes plans dès qu'il verse dans l'action (les dogfights se ressemblent tous), c'est pas loin d'être l'un de ses plus beaux films visuellement parlant. Dès qu'il pose sa caméra et qu'il compose un plan de plage où les personnages sont isolés dans le cadre, ça donne lieu à des plans qui flattent la rétine (bon par contre il aurait pu virer en post-prod les bâtiments d'après-guerre car là ça fait vraiment tâche), et pourtant ça ne contredit jamais la vision crade et peu glorieuse qu'il fait de l’événement (bon par contre il prend quelques libertés, car comme le montre le film de Verneuil sur le même sujet, à la base il est censé faire super beau sur ces quelques jours). Même côté montage il y a de l'idée, avec une construction en trois timelines imbriquées les unes dans les autres qui fait un peu gadget en apparence, mais qui permet d'avoir un rythme bien soutenu du début jusqu'à la fin. Par contre, je suis moins fan des répétitions de situations, dès que les destins de personnages s'entrecroisent, et là pour le coup on sent les limites du concept.
Côté casting, Nolan fait preuve de bon goût avec plein de têtes qui font plaisir à voir (Cillian Murphy, Mark Rylance, James D'Arcy, et Tom Hardy bien sûr) mais là où il étonne carrément c'est dans la confiance qu'il porte à son acteur principal débutant qui s'avère être une excellente surprise, portant la majorité du récit sur ses épaules. Enfin, si la musique de Zimmer en a énervé plus d'un, de mon côté elle ne m'a jamais gêné, sans non plus me marquer. Pour le coup, je trouve qu'elle accompagne très bien le film, mais clairement il faudrait que Nolan apprenne à faire parler le silence, car là sur un film pareil ça aurait pu magnifier quelques séquences. Sans signer un grand film comme il a pu le faire auparavant, Nolan livre là un film atypique et étonnamment solide vu sa prise de risques. Le genre de pellicule qui ne plaira pas à tout le monde vu ses intentions formelles et scénaristiques pour le moins extrêmes, mais qui fait plaisir à voir en ces temps où l'on a l'impression de revoir sans cesse les mêmes gros budgets.
7,5/10