Le Pacha de Georges Lautner
(1968)
Ce n'est pas un secret, je suis loin d'être un grand fan de Lautner. Le bonhomme a une réputation assez impressionnante et pourtant, je ne suis que rarement convaincu par ses films, ayant l'impression de voir bien mieux ailleurs chez d'autres réalisateurs de l'époque (et notamment Henri Verneuil). Dans les exceptions, il y a Le Septième Juré, mais aussi Le Pacha, film qui au premier abord a pas mal d'intentions qui pourraient me rebuter, mais qui arrive à me convaincre au final. Il est clairement difficile de comparer ce film avec d'autres productions du même genre de l'époque, tant Le Pacha a une atmosphère, un parti-pris qui le rend un peu unique en son genre. Le film est un peu à la croisée des chemins entre deux modes qui n'étaient pas encore populaires en France, à savoir le polar hard-boiled (je peux me tromper, mais je doute qu'on trouve un film policier français aussi violent et jusqu'au boutiste avant celui-ci) et la mouvance 60/70's où l'on montrait au public français des milieux underground dépeints de façon plus ou moins fidèles.
Du coup, on se retrouve face à un film où Gabin incarne un flic au bout du rouleau et qui, conscient de son âge et de sa retraite/mort proche, va chercher à éliminer pour de bon la racaille qu'il traque depuis des lustres. Forcément, ça jure avec le Gabin de l'époque, aux allures de sage patriarche, mais ça fonctionne étonnement bien, notamment grâce aux dialogues d'Audiard (le premier dialogue de Gabin, ou encore son monologue sur ses intentions finales, ça figure clairement dans les meilleures lignes écrites par le dialoguiste), et du coup Le Pacha a un côté moderne vraiment plaisant, qui jure avec la façon dont il est filmé. Car l'autre particularité du film de Lautner, c'est clairement ses intentions visuelles, et là pour le coup c'est à mon sens le point qui peut décontenancer plus d'un spectateur, car autant on peut pas enlever au film une envie d'originalité, autant il a parfois des allures de métrage violemment kitsch sur certaines séquences. Entre le commissariat épuré avec tout le monde devant des gros écrans, l’appartement coloré de Dany Carrel et la boîte de nuit hippie, on est loin d'être devant du réalisme à tout prix, et pour le coup je saurais pas vraiment dire si c'est un défaut ou une qualité, même si c'est loin de me déranger.
Là où je suis un peu moins convaincu en revanche, ça va être du côté de la mise en scène, car là où Lautner signe de très bonnes séquences (le braquage du début notamment) on sent aussi vite ses limites de metteur en scène sur les dialogues où ça se contente de simples champs/contre-champs. Là encore, c'est pas vraiment gênant à la vision, mais c'est vraiment ce qui empêche à mes yeux au film d'être une pure référence du genre (et encore une fois, le même film par Verneuil ça serait la classe au-dessus). Côté BO, je suis pas du tout fan de Gainsbourg à la base, loin de là, du coup que ce soit l'utilisation de la chanson Requiem pour un con ou son apparition bien gratuite à l'écran, c'est des choix que j'ai du mal à comprendre, mais à côté de ça la version instrumentale passe très bien pour accompagner le film, même si elle est beaucoup trop utilisée (limite on l'entend à chaque changement de décor). Enfin, côté casting rien à redire, je répéterais juste pour la énième fois que Gabin est génial et qu'on manque cruellement d'acteurs de ce genre. Au final, j'ai un peu l'impression d'avoir cité plus de défauts que de qualités, mais Le Pacha reste quand même un film que j'apprécie vraiment, un polar bien atypique que ce soit par son ton ou son ambiance, mais néanmoins perfectible.
7,5/10