NIGHT CALL de Dan Gillroy (2014)
Solitaire et asocial, un jeune homme aux dents longues découvre par hasard l'existence d'un journalisme spécialisé dans la recherche d'images chocs d'accidents et de meurtres. Il flaire là l'occasion tant espérée de lancer son business et va plonger pieds et poings liés dans l'univers du journalisme de caniveau, n'hésitant pas à aller de plus en plus loin dans la dérive. La critique du journalisme à sensation et de ses excès n'est pas une nouveauté dans l'histoire du cinéma : de Five Star Final en passant par Cannibal Holocaust, le 7è art n'aura cessé de scruter les aspects sombres de la profession de reporter.
S'attaquer à un tel sujet suppose donc que l'on ait quelque chose de neuf à raconter, ou du moins un angle qui permette d'offrir un nouveau regard sur ce sujet battu et rabattu. Malheureusement, le film de Dan Gilroy ne parvient jamais à dépasser ce pourquoi il est programmé depuis le début. Pire : il enfonce le clou en amenant son protagoniste principal à aller de plus en plus loin dans le moralement condamnable. On sent bien la volonté de choquer le spectateur mais le film s'en trouve alors réduit au statut de démonstration lourdingue en plus de nous laisser la désagréable impression d'utiliser les méthodes montrées du doigt pendant tout le film.
On aurait aimé que le cinéaste parvienne à créer quelque chose de son postulat de départ, qu'il réussisse à faire naître un trouble, un malaise qui rende le film vraiment percutant. A la place, on se retrouve avec un objet froid, prêchant des convaincus et qui semble réinventer l'eau chaude.
Reste un aspect intéressant du film, qui dépasse la simple critique des médias. Le scénario de Gilroy a le mérite de parvenir à capter quelque chose de très contemporain avec ce personnage de Lou. Complètement isolé et déconnecté de la réalité, il a fondé ses rêves de succès et toutes ses connaissances sur la ressource en apparence inépuisable qu'est internet. Il me semble qu'il y a quelque chose de très intéressant dans cette description d'un personnage asocial, complètement obsédé par la réussite et qui, derrière l'apparente liberté qu'il pense avoir acquis par son apprentissage seul en ligne, est en réalité totalement prisonnier d'une idéologie ultra libérale où la soif de reconnaissance et de réussite sociale le transforme en sociopathe. Tout s'achète et rien n'a de prix autre que monétaire.
Cet aspect intéressant ne reste malheureusement que secondaire dans le film et ne parvient donc pas à dissimuler les défauts de celui-ci.
Ajoutez à cela une mise en scène peu inspirée, piochant chez Mann ou Refn et des comédiens pas vraiment au top de leur forme (Gyllenhaal est particulièrement irritant) et l'on se retrouve avec un film finalement peu intéressant, enfonçant des portes ouvertes et laborieux dans sa démonstration.
5/10