Ayant été fortement mitigé par
Taking Shelter, c'est finalement assez logique que je sois aussi également déçu par
Mud qui reprend certains
gimmicks du réalisateur. Pourtant, je nourrissais une certaine attente vis-à vis de ce film, car au-delà de la réception quasi unanime de la critique et du public, l'allusion au
Monde parfait de Clint Eastwood titillait ma curiosité. Alors déjà, je trouve cette référence assez malvenue, car même si on retrouve une relation adulte/enfant et le cadre de l'Amérique profonde et désenchantée cher au réalisateur au même titre que pour Eastwood, les intentions ne sont pas du tout les mêmes. Alors que l'enfant demeurait assez passif dans ce dernier, ici, il s'agit plus d'un jeune adulte qui fait ses premiers pas dans la vie, avec ce curieux marginal lui servant de père de substitution (particulièrement dans les relations parentales et amoureuses) avant de se rendre compte que la réalité est plus complexe qu'il ne l'imaginait. On n'est donc pas au même stade, et la dynamique qui va avec aborde en ce sens puisqu'on ne perçoit plus la réalité adulte à travers des yeux d'enfants (ce qui m'avait beaucoup "enchanté" dans le film de Eastwood), mais ici ce sont plutôt les gamins qui prennent leur vie en charge, allant à contre-courant de ces adultes qui ont tous quelque chose de pourri ou de perdu.
En tous cas, j'ai bien aimé la note d'intention de
Mud qui aborde d'une manière très mature des questions qui auraient pu tomber dans le cliché. Ici, pas de héros ou de méchants, c'est filmé à hauteur d'homme. Il y a certes une certaine simplicité dans le script, mais en même temps c'est assez subtil comme c'est amené, parsemant quelques symboles qui ouvrent tout un champ de réflexion sur les personnages (les tatouages, le cadre, le bateau, et même le nom du protagoniste). À ce titre le casting est solide, en tête les deux gamins, plein d'authenticité. Le cadre du Mississipi apporte aussi un truc indéniable, bien mis en valeur par une réalisation qui instaure une certaine atmosphère sans pour autant verser dans le misérabilisme. Mais il n'en reste pas moins que j'ai trouvé les relations interpersonnelles assez peu caractérisées, voire un peu forcées, le tout avec un tempo lancinant pas toujours utile. Sans oublier quelques facilités dans le déroulement qui amoindrissent le réalisme voulu (certains rapports de force entre les gamins et les adultes qui sont trop mis à égalité pour que ça paraisse pleinement sincère, ou encore cette foutue mare dont on renifle la résolution dès son apparition). Ça reste une jolie histoire intimiste, notamment sur la perte de l'innocence et de l'amour qu'on espère maîtriser mais qui peut nous échapper à tout moment (par contre la manière dont Juniper creuse son malheur alors qu'il y avait moyen de son côté, me dépasse), le tout dénué de manichéisme, mais qui ne m'a juste jamais amèné ailleurs comme l'avait si bien réussi
Un monde parfait, et pour une virée chez les bouseux, j'ai même préféré
Joe, peut-être moins brillant dans son propos, mais qui m'avait un peu plus remué.
Note : 6.5/10