[Dunandan] Mes Critiques en 2017

[Mark Chopper]

Je ne pense pas qu'on ait un film avec des notes aussi régulières dans la base.

[Dunandan]

Du coup c'est Ringo et pas Dante dans ta présentation.

Sinon je m'aperçois que je n'ai plus beaucoup de souvenirs de ses films...

Je fais tellement attention à ne pas les confondre qu'il fallait que je fasse la gaffe au moins une fois ^^.

Moi aussi j'ai un peu de mal à retenir des images précises de ses films, mais il faut dire qu'il "s'amuse" à varier les registres et aussi que son style est moins "marquant" que certains autres réalisateurs de HK plus formalistes que lui. Je pense que ça doit mieux passer les secondes fois...

@ Mark : faut voir aussi le "monstros". Difficile de lui trouver de gros défauts.

[Dunandan]

Une nuit à Mongkok, Derek Yee (2004)

Une très bonne surprise. Et pourtant ça ne démarrait pas très fort avec ce flashback en noir en blanc pas très joliment travaillé sur la forme (comme si on avait appuyé simplement sur le bouton de la caméra sans retravailler les contrastes), une introduction qui compense par la qualité de son fond en mettant en scène un enchaînement de circonstances malheureux avec deux gangs qui se mettent sur la gueule en finissant par plusieurs pertes chacun de leur côté. Mais ce film a soudainement remonté dans mon estime avec l'entrée en scène de ce tueur débutant venant de la compagne, engagé soit-disant pour mettre un terme à cette série meurtrière, tant il était présenté à la base comme un simple sidekick sur lequel personne n'aurait misé un kopeck, alors qu'il se révèle beaucoup plus malin et profond que prévu. Et avec la prostituée qui l'accompagne bon gré mal gré, ils constituent tous deux un drôle de duo, des laissés-pour-compte encerclés par un milieu, de manière mi-tragique, mi-comique, gangrené par la corruption et l'appel du pognon qui rappellent furieusement les protagonistes du Bras armé de la loi.

Mais plus qu'un petit retour rafraîchissant aux sources mêlant ingénieusement une touche sociale à sa ligne directrice, ce polar déjoue malicieusement nos attentes, tout d'abord par son refus absolu d'esthétiser la violence (dont l'intérêt est redoublé par des ressorts narratifs souvent crédibles), puis par la nouveauté du cadre d'ailleurs très bien mis en valeur dans ses mouvements de foule (réputé comme l'un des milieux les plus peuplés du monde) et ses petits coins peu ragoûtants, qui trouvent sens dans les réactions des personnages (tous dotés d'une interprétation et d'une écriture de qualité) qui sont ramenés ainsi à une dimension très humaine (bien qu'un bref passage autour du tueur nous donne l'impression du contraire), souvent débordés par la situation qu'ils essaient de résoudre. Et sans jamais banaliser leurs actions et leurs conséquences, ce film a l'intelligence de ne jamais leur porter de jugement. Pour revenir à notre duo, ça les rend d'autant plus touchants, et la manière apparemment décalée dont le tueur agit, comme s'il était dans une dimension parallèle (notamment son curieux rapport à l'argent), prend aussi tout son sens vu la petite réflexion sous-jacente sur ses origines qui prendra une allure tragique impliquant un grand nombre de personnages.

Ainsi, en accord avec le parti-pris réaliste adopté, la fin fait bien mal, dotée d'une violence extrêmement crue et d'un dénouement qui prend à la gorge que ne renierait pas Ringo Lam par son nihilisme ambiant (ça demeure quand même un poil plus optimiste), où le sens de la justice devient un pur non-sens, comme l'atteste cette course-poursuite accumulant fausses pistes, coïncidences, et coups fourrés (ça rappelle cette fois-ci PTU avec lequel il partage aussi son unité de lieu et de temps, créant au passage un bon sentiment d'urgence, surtout que c'est Noël et que tout le monde veut rapidement finir le job), tant dans son déroulement que dans son aboutissement qui se résume à un bon gros coup de bol côté flics (sacrée descente à l'hôtel, d'ailleurs habitée par une belle tension autour de l'ouverture de la porte), du moins pour certains. Bref, malgré un début en demie teinte et peut-être une réalisation en dessous du reste, probablement l'un des meilleurs polars HK de ces quinze dernières années, rien que ça.

Note : 8/10

[Dunandan]

Et sinon je retourne ma veste pour Le Syndicat du crime 3: 6.5/10

[Mark Chopper]

T'es en mode HK biatche là.

[Dunandan]

Dans quel sens? Parce que j'enquille ou à cause du Syndicat du crime 3 ?

Bon, il faut dire que j'évite le plus possible les mauvaises surprises, et concernant le cas Syndicat du crime 3, j'ai la caution Anita Mui. J'avais oublié qu'elle pétait autant la classe dans celui-là .

[Jed_Trigado]

Il est superbe le Syndicat du Crime 3, on pourra polémiquer comme on veut sur la gestation du film, Tsui Hark en a fait une œuvre très personnelle.

[Mark Chopper]

Il est superbement chiant.

[Jed_Trigado]

Ça, c'est très relatif.

Même si Tsui n'aura pas été d'une élégance totale en volant le projet initial de John Woo, je continue a croire que ce récit basé en pleine guerre du Vietnam reste un film important humainement pour lui.

[Dunandan]

Hôtel du Nord, Marcel Carné (1938)

Hôtel du nord captive d'abord par la mise en valeur de son cadre, vivant comme jamais, doté d'un superbe sens du cadrage et de la photo qui sublime ce petit coin du canal St Martin (et dire que c'est réalisé en studio). Un boulot qui annonce la façon dont J-P Jeunet idéalisera le Paris de l'avant-guerre. Sous la forme d'un huis-clos, on y croise divers personnages pittoresques animés sous la belle plume d'Henri Jeanson qui figure comme un remplaçant idéal de Prévert tant leurs styles se ressemblent.

Mais ce qui surprend, ce sont les thèmes graves abordés, tels que le suicide, l'homosexualité, l'adultère, et surtout la lâcheté des hommes face à leurs responsabilités. Pourtant ça ne parait jamais pathétique, c'est même porté par une certaine poésie grâce à la collaboration Carné/Jeanson qui sublime la banalité tragique de la vie de ces personnages, en leur prêtant une jolie profondeur par la force des mots, bien que ce soit assez vénéneux dans la tournure des choses en ne leur laissant aucunement la possibilité de se libérer de leurs démons, du moins sur cette Terre.

Ainsi, Carné crée de superbes personnages, et on retiendra avant tout ses deux couples emblématiques qui se battent en vain pour respirer un meilleur air, je pense tout particulièrement à celui formé par une Arlette plus vraie que nature (d'ailleurs responsable de l'une des plus belles tirades du film - atmosphère, atmosphère... -), et Louis Jouvet qui lui donne la réplique en magnifique loser, forcé à cacher sa véritable nature pour mieux échapper à son passé.

Hôtel du Nord, c'est d'abord ses tranches de vie, où alternent rêves et déceptions dans un tourbillon de belles phrases qui font mouche dans leur tentative de capter la condition humaine dans ce qu'elle peut avoir de plus sombre, mais tout en lui reflétant une certaine beauté dans cette même tentative. Bref, Carné m'impressionne dans cette capacité à oeuvrer dans un si petit espace en offrant tant sur tous les plans, ce qui est la marque des plus grands.

Note : 8.5/10

[Dunandan]

Alegas, il me semble, après vérification, que Prévert n'était pas dialoguiste de ce film...

[Alegas]

Effectivement, j'avais jamais fait gaffe à son absence au générique : vu le niveau des dialogues c'était évident pour moi qu'il était derrière.
Du coup celui là c'est clairement son meilleur film fait sans Prévert.

[Dunandan]

Si je n'avais pas vu le bonus après, je serais aussi tombé dans le panneau .

[Dunandan]

La main du diable, Maurice Tourneur (1943)

Habile dans sa façon de réaliser son film fantastique avec peu de moyens, Tourneur livre une sympathique réadaptation du mythe de Faust. Ainsi sait-il instaurer une bonne petite ambiance dès le début, culminant avec l'entrée en scène de cette pauvre âme en peine. Il sait capter l'attention par un casting convaincant, et surtout le jeu habité de Pierre Fresnay, donnant la réplique à Pierre Palau, non moins impressionnant en diable enjoué et plutôt machiavélique.

La force du film repose surtout sur ses thématiques universelles portant sur l'ambition et la gloire, bien retranscrites à l'écran par la tentative vouée d'avance à l'échec de ce peintre peu talentueux mais décidé de bien paraître, une médiocrité que ne cessera de rappeler sa compagne qui voudrait elle aussi profiter de son succès. Ainsi, la séquence centrale de son pacte passe comme une lettre à la poste (malgré le surjeu du restaurateur, on se croirait dans Tintin), et la suite se fait logique, le plongeant vers une irrésistible descente aux enfers une fois venue l'heure des comptes.

Mais aussi inspiré soit-il dans le fond, La main du diable convainc un peu moins par ses effets. Pourtant, son esthétique inspirée de l'impressionnisme allemand révèle de belles choses, avec de jolis effets d'ombres murales, de grands tableaux torturés, ou encore cette fameuse séquence sur les anciennes victimes qui ouvrent une petite porte vers le passé tout en offrant un brin de considération au protagoniste. Dommage cependant que ce boulot formel ne soit pas plus constant, alors que La féline et Vaudou (réalisés par son propre fils, Jacques Tourneur) m'avaient plus impressionné en distillant du fantastique au sein même du quotidien. Tandis que là j'ai trouvé la tentative plus bancale, comme si on m'invitait de l'extérieur mais sans réellement parvenir à m'embarquer complètement.

Malgré tout, tous les ingrédients sont là pour passer un bon petit moment et ça reste une référence solide du genre, portée surtout par un solide casting, un scénario plutôt bien emballé, et qui montre encore une fois qu'il suffit d'un zest d'inventivité et d'implication pour faire vivre une telle histoire, mais je n'ai juste pas trouvé l'expérience transcendante, ce n'est pas faute d'avoir essayé (deuxième tentative et même envie de somnoler en approchant de la fin).

Note : 6.5/10

[Dunandan]

Ça, c'est très relatif.

Même si Tsui n'aura pas été d'une élégance totale en volant le projet initial de John Woo, je continue a croire que ce récit basé en pleine guerre du Vietnam reste un film important humainement pour lui.

C'est justement en le voyant sans avoir trop en tête les films de Woo mais plutôt les siens, qu'en effet je me suis bien plus rendu compte à quel point ce film est plus personnel qu'il n'y paraît (la séquence autour de l'oncle surtout).

Et même sans ça, c'est quand même un beau film, malgré quelques longueurs et un style qui nage encore entre plusieurs eaux (il fallait quand même que ça reste relativement cohérent pour le spectateur, donc du coup reprise à donf des ralentis et du thème musical ^^).