Silence |
Réalisé par Martin Scorsese |
5.75/10 |
Critique
Je ne sais pas comment le dernier Scorsese va être accueilli par le public, mais il est clair qu'il faut que le spectateur soit motivé par le thème afin d'y adhérer. Personnellement, je suis fâchée avec la religion, même si la réflexion philosophique soulevée n'est pas inintéressante, Scorsese propose une histoire qui tourne un peu en rond, une répétition de scène qui ne pourra que lasser les moins inspirée par cette adaptation sur les croyances. Thème qui reste encore d'actualité et qui je pense ne cessera d'alimenter les discussions et les conflits mondiaux.
Il y a encore quelques mois, je n'aurais pas parié un yen sur Andrew Garfield, mais depuis que Mel Gibson nous a enflammé le grand écran en 2016 avec "Tu ne tueras point", je ne me faisais pas trop de bile sur sa prestation et il est vrai qu'il porte le film sur ses épaules avec une présence dans 90% des plans.
J'ai beaucoup de mal avec le héros (le père Sebastião Rodrigues) qui a la fois n'est pas une caricature du prêtre parfait, mais qui est tout de même un beau donneur de leçons, alors qu'il n'applique même pas ses conseils à lui-même. Ses défauts font de Silence un film profondément humain mais la religion phagocyte tout celà. Dans la vraie vie, les hommes de foi exercent leur "métier" mais ont des moments de relâchement, de vie quotidienne banale qui aussi les ramènent à la réalité les mettant au même plan que n'importe quelle autre être humain; dans Silence, Padre Rodrigues a rarement des instants en mode "religion-off", il a quelques égarements et des moments de doutes toujours sur l'existence du Seigneur mais Scorsese ne débranche jamais la prise sacrée.
Du coup, pour un public athée, cette obnubilation donne un aspect de fanatisme, voire d’extrémisme. Où est la limite entre secte, religion ?
En remettant les choses dans son contexte, l'action est située dans des villages où la misère absolue demeure, et on sait que les gens dans le besoin se tournent vers la religion, delà à vénérer un homme de Dieu comme on nous le montre reflété l'obscurantisme profond de cette époque car il est vu comme un sauveur. La notion de paradis revient régulièrement, les chrétiens japonais s'engouffrent dans cette vision idyllique d'une vie post-mortem qui serait à l’opposé de leur triste vie sur terre.
Scorsese met aussi en avant le coté hypocrite des hommes de foi qui donnent l'absolution sans comprendre la langue, des prêtres défroqués qui continuent à y croire secrètement etc...tout est histoire de symboles et de paraître.
Le rythme de Silence est assez méditatif et cyclique alternant des scènes de maltraitances (physiques ou psychologiques), puis de questionnements, confessions... puis arrive enfin une voie possible vers la lumière et la fin de la souffrance.
Andrew Garfield offre une prestation sobre avec une sorte de dissociation entre les actes de l'homme de foi qui ne fait pas un pas de travers et montre qu'il ne renoncera pas à sa foi (non sans rappeler Black death) ce qui a des conséquences sur son propre devenir mais aussi sur celui de ses fidèles: ces choix cruciaux donnent à réfléchir, le héros fait-il preuve de courage, de bêtise, de sadomasochisme, de folie, du fanatisme ? Est-ce un acte de sacrifice symbolique magnifique (un martyr ?); c'est au public de se faire sa propre opinion qui peut évoluer au fil de la narration.
La mise en scène est sobre académique, montre la souffrance sans en faire trop, quelques jolis plans de paysages embrumés mais c'est surtout la crasse et la boue que l'on retiendra. Le rythme lancinant est difficile à encaisser, c'est un des gros défauts du film, même si on comprend que ce cheminement ne doit pas être traité de façon précipitée.
Un thème universel et inépuisable contant un Jésuite en plein dilemme qui assiste aux tortures les plus infâmes de ses disciples, tout ça pour l'Amour de Dieu, bien sur!