Dans le genre revision à la hausse à laquelle je ne m'attendais guère, ce cinquième long-métrage des studios Disney se pose là. Arrivant après les échecs financiers successifs de
Pinocchio et
Fantasia, on pourrait penser que
Bambi, à l'instar de
Dumbo, va être un film où l'économie de moyens et de temps va se ressentir, et finalement pas du tout, et j'oserais presque dire qu'avec
Fantasia il est le premier très bon film du studio d'animation. Pourtant, il faut avouer que
Bambi de paye pas de mine à la vue de son scénario. Sur une durée d'un peu plus d'une heure, il est question du cycle de la vie (le film débute et se termine au printemps, chaque acte correspondant à une saison de l'année) dans une forêt peuplée d'animaux, et de l'apprentissage d'un jeune faon face aux joies et à la dureté de la vie. Pourtant, c'est bien avec cette base toute simple que le studio Disney livre une œuvre pour le moins intemporelle, qui peut se voir autant comme une fable écologique (l'homme, toujours hors-champ, y est montré comme une espèce n'apportant que la mort) que comme une grande fresque sur la vie, de la naïveté de l'enfance à l'indépendance nécessaire pour passer à l'âge adulte.
Un script faussement simpliste donc, et qui arrive très bien à équilibrer son contenu pour le rendre aussi intéressant pour les enfants que pour les adultes. Une première à mon sens pour le studio, car quand bien même les œuvres précédentes pouvaient dévoiler des éléments plus sombres ou cruels, on sentait que les films s'adressaient surtout aux plus jeunes. Ok, on a beaucoup de scènes avec le lapin qui fait office de personnage humoristique, mais il a davantage une fonction de professeur auprès de Bambi, et on donc plus dans le passage obligée d'apprentissage que dans une scène rigolote gratuite. L'autre grande force du film tient dans son approche visuelle, et autant
Dumbo était un film dessiné de façon pas toujours inspirée, autant ici c'est quasiment un tableau à chaque plan. Rarement il m'a été donné de voir un film d'animation traditionnel aussi beau formellement, surtout vu l'âge du film, et cela tient aussi bien dans le coup de crayon que dans les choix de mise en scène. Ainsi, il y a une vraie prise de position quand à la manière de filmer cette forêt, notamment en lui insufflant une véritable mythologie, l'exemple le plus frappant étant les quelques apparitions du prince de la forêt, où ça joue à fond la carte de l'iconisation. Une approche qui rappelle d'ailleurs étrangement beaucoup d'aspects du futur
The Lion King, qui a sûrement beaucoup emprunté à ce
Bambi.
Enfin, à noter des passages complètement dingues visuellement du côté du dernier acte. Déjà le combat avec le cerf part dans un délire visuel très réussi, avec choix osé de couleurs et contrastes appuyés au maximum, mais c'est surtout l'incendie de forêt qui reste en tête, et qui offre un fabuleux climax final qui, encore une fois, pose un constat bien amère sur le rapport entre l'homme et la nature. Côté musique, c'est clairement le Disney de l'époque que je préfère (
Fantasia mis à part pour des raisons évidentes) avec des rares chansons qui sont très bien ancrées dans le récit et qui servent la narration (la chanson de la pluie qui amène l'automne). Une composition très réussie donc, bourrée de thèmes qui restent bien en tête. Revision salutaire donc d'un film dont je ne retenais que son retournement de situation ultra-célèbre, et qui s'impose à mes yeux comme l'un des premiers Disney réellement mémorables.