Un peu déçu par cette seconde intrusion dans le cinéma de Murneau, moi qui avait beaucoup apprécié
L'Aurore qui reste encore aujourd'hui un de mes films muets favoris. Alors clairement j'y retrouve le même Murneau expérimental, voire même plus sur ce film, mais à côté de ça je dois bien avouer avoir eu du mal à me passionner pour le récit proposé, et forcément dans le cadre d'un film muet le fait de rester captivé devant l'écran joue énormément dans l'appréciation du film. Pourtant ça démarre plutôt bien avec une première partie sur laquelle je n'ai pas grand chose à redire. On y suit l'histoire du portier (super bien interprété) d'un hôtel prestigieux qui, à cause de son grand âge, va se voir peu à peu relégué à des postes beaucoup moins envieux, au grand désespoir du bonhomme qui n'a justement que ce travail pour briller en société, auprès de sa famille ou de ses voisins. C'est donc une descente aux enfers plutôt originale que l'on suit là (et pour le coup, le terme n'est pas exagéré, le héros va littéralement descendre les marches qui le conduiront à son purgatoire personnel), et autant de la part d'un mec sans talent ça aurait pu donner quelque chose de bien insignifiant, autant là on parle de Murneau, l'un des réalisateurs les plus innovants de son époque quand il s'agit de parler de l'inventivité formelle, et sur ce point le film est loin de décevoir.
C'est bien simple, je n'ai pas souvenir d'un film muet aussi expérimental visuellement. Ça ose énormément de choses, notamment quand il s'agit de mouvement de caméra, et on a donc ce qui est peut-être (ça reste à vérifier) la première véritable caméra embarquée de l'histoire du cinéma
. Et c'est pas utilisé n'importe comment, non il y a vraiment une recherche de sensation avec notamment des plans qui suivent le héros en passant à travers la porte-tambour de l'hôtel, ou qui passent d'un homme à un autre lors d'un dîner à table. Si on rajoute à ça une pelletée de petites touches originales (le fondu avec les bouches qui se superposent, le court plan où l'on voit l'hôtel s'effondrer vers le héros, etc...), on obtient clairement un film sacrément avant-gardiste. Malheureusement, et malgré la portée sociale que tente d'avoir le récit, je ne peux pas spécialement en dire autant sur le scénario, qui me paraît sacrément étiré pour pas grand chose, la preuve avec le dernier acte qui consiste à voir deux hommes manger et se moquer d'autres convives pendant plus de dix minutes sans interruption, le genre de moment où l'on a envie de dire qu'il suffisait de quelques plans pour comprendre où voulait en venir le réalisateur. Et puis le coup de l'épilogue, je ne peux pas. Le film avait tout pour se finir de façon magistrale, avec ce superbe plan de l'homme isolé dans la pièce dans laquelle il finira jusqu'à la fin de ses jours, et non finalement on se tape un carton ironique prétextant un épilogue parce que l'auteur a pitié de son personnage
. C'est con car ça bousille à mon sens tout le propos que tente d'avoir le film (à savoir la cruauté des hommes, et la nécessité d'avoir une fin de vie digne), et tout ça pour un final guignolesque qui dure beaucoup trop longtemps. Il y avait le potentiel d'un grand film comme
L'Aurore, mais autant je m'y retrouve sur la forme, autant sur la gestion de la longueur et de la finalité du script j'ai vraiment du mal.