La manière dont on m'avait vendu ce film avait tout pour m'inquiéter, à savoir qu'il ne serait qu'une reprise étirée (le mot est faible) de cette séquence où discutent autour d'une table les personnages de Christopher Waltz et Di Caprio dans
Django Unchained. Mais à ma grande surprise, et même s'il y a d'autres choses que j'aurais à redire (j'en parlerai après), cette forme de huis-clos passe mieux ici. Déjà, on a droit à une fluidité exemplaire du déroulement de l'histoire (pas le temps de s'emmerder même si le tempo est assez lent), et surtout on y trouve une utilisation en béton du 70mm, habituellement utilisé pour filmer les grands espaces, mais prenant ici tout son sens en raison de l'orientation de
Hateful Eight qui ressemble à un cluedo géant, avec de sacrés enfoiros dans les rôles titres, le
background en prime. La mise en scène de Tarantino, brillante, se renouvele donc une fois de plus en s'adaptant de manière pertinente à son sujet, vu qu'aucun personnage ne semble celui qu'il prétend être, avec une caméra qui tourne en permanence autour d'eux (via une sacrée maîtrise du plan-séquence) pour ne pas en rater une miette. Les dialogues ou les attitudes (comme souvent avec Tarantino) ne sont pas en reste, c'est juste du caviar, entre les divers accents, le rythme parfaitement géré entre chaque tirade, le film respire, et les personnages aussi. Même le sous-texte est intéressant, chacun représentant en quelque sorte une partie de cette histoire complexe des États-Unis en train de régler ses comptes, mais plus que cela, c'est ce travail d'orfèvre ne laissant rien au hasard qui m'a impressionné et capté mon attention, instaurant une tension de tous les instants tout en procurant un plaisir fou en notre qualité de pur observateur de leurs faits, gestes, et dires.
Je serais par contre plus tatillon avec le dernier tiers, même si j'y ai pris aussi un certain plaisir (plus régressif), à savoir ce fameux rebondissement et le
flashback qui s'ensuit dans l'acte IV nous expliquant comment cette affaire a été montée. J'ai en effet toujours eu un peu de mal avec ce réflexe post-moderniste de nous montrer les tenants et aboutissants brisant ainsi la magie de ce qui était en train de se dérouler (la voix-off sur-explicative un peu lourdingue n'aide pas en ce sens), le tout devenant une vaste comédie macabre à coup de plans gores et de ralentis forçant le trait de cette folie meurtrière. Mais c'est là que j'ai compris également que
Hateful Eight était en train de passer à autre chose, assumant plus son côté
Bis que
western (dont les codes sont d'ailleurs bien mis à mal vu qu'à part Le bourreau, on ne sait jamais à quoi s'attendre d'eux), pour le meilleur et le pire, avec du coup un résultat volontairement outrancier qui détonne avec le reste. Le tout se conclue par une fin extrêmement noire, étrangement satisfaisante dans la façon dont elle est amenée vu qu'on arrive à être de connivence avec les survivants jusque dans leur dernier souffle, quand bien même tout était plié depuis un certain moment déjà. Si on ajoute à cela des acteurs impliqués (aucun, même Tatum, n'est mauvais ici, et je pense surtout à Jennifer Jason Leigh qui, par son côté fofolle tour à tour attachant, dérangeant, et comique par le drôle de duo qu'elle forme avec Kurt Russell, est le véritable liant du film) et l'un des meilleurs
scores de Morricone (depuis facilement
Les Incorruptibles), on tient quand même là un sacré kiff malgré certaines ruptures de ton qui ne passent pas toujours très bien.
Note : 7.5/10