Toni Erdmann de Maren Ade (2016) - 7/10
Dans la jungle du capitalisme qui s’abat sur la plupart des pays européens déambulent de nombreux spécimens aliénés. C’est alors qu’on y trouve Winfried Conradi, une sorte de Teddy Bear des cavernes et sa fille Ines Conradi, un dauphin devenu requin de la maintenance financière. Loin des yeux, loin du cœur comme le veut l’adage : l’ambition professionnelle, le rythme de vie, les relations sociales, la géographie, l’humour. Beaucoup de choses séparent ces deux êtres qui se fourvoient dans les pérégrinations de leur quotidien. Avec Toni Erdmann, Maren Ade met en scène non pas un film drôle mais plutôt un drôle de film sur la relation sourde et muette entre un père et sa fille. Car même si la réalisatrice a parfois les yeux plus gros que le ventre dans son désir à faire fusionner les genres et à vouloir faire courir son récit sur plusieurs pistes (satire sociale, comédie burlesque, drame familiale), Toni Erdmann s’avère à bien des égards un tour de force qui puise sa fascination dans sa direction d’acteurs formidable mais surtout dans sa concomitance thématique principale : le réel et l’artifice.
Avec un décorum urbain et une mise en scène sèche à la Lars Von Trier qui se rapprochent du documentaire naturaliste dans la représentation de son environnement et la minutie des liens sociaux, Maren Ade crée une œuvre fleuve, longue de 2h45 qui étire le temps, allonge les scènes au maximum pour discerner le vrai du faux, faire exploser l’hypocrisie des mots et du langage corporel. Et c’est là toute la beauté de l’œuvre où l’empathie gagne un capital sympathie foudroyant : chaque scène peut paraitre aléatoire ou même dérisoire mais la banalité de la vie contient en elle-même une faculté à nous questionner sur les intentions hypocrites et franches qui nous unissent les uns aux autres. L’artifice de l’humour est-il le miroir d’un manque ? Toni Erdmann n’est pas révolutionnaire en soi, même un peu convenu avec ses moments « obligés » mais utilise un humour peu récurent, une humanité où la fiction devient invisible, une drôlerie non immédiate : non pas celle du rire mais celle du malaise.
Autant pour les personnages que pour le spectateur qui se met à rire jaune devant des actions ubuesques qui tirent leurs sèves de cet entre-deux perpétuel : la recherche de la vérité du temps qui passe. Comme en témoigne cette fameuse séquence aussi absurde que froide où Ines mange un petit-four recouvert du foutre de son amant. A travers ce père qui déboule dans la vie bien mouvementée de sa fille, ce n’est pas seulement Winfried, mais c’est aussi Maren Ade qui caractérise une quête quasi ethnologique par le prisme du personnage de Toni Erdmann, faux agent free-lance qui n’est autre que Winfried avec une perruque et des fausses dents ridicules. Certes, la subtilité n’est pas toujours le maitre mot d’une œuvre qui aime enfoncer des portes ouvertes dans son exploration du consumérisme des mœurs et dans le libéralisme professionnel, dans sa volonté de nous asséner de façon bilatérale la distance entre la violence économique qui se confronte à la niaiserie d’une rencontre (séquence sur le chantier) mais Maren Ade nous tombe pas dans le piège de la simple dénonciation ou de la bluette comédie familiale.
C’est même plus tendancieux et fascinant que cela : Toni Erdmann n’est pas une ode à la famille, ne glorifie pas le bien être mais le cherche sans le découvrir. La belle fresque familiale que certains nous vendent n’est autre qu’un reflet amer, une douleur pessimiste sur le cycle de la vie où la roue tourne encore et encore sans que les choses ne changent. Le temps passe, les morts s’additionnent, les accolades cyniques sont légion mais la solitude reste la même devant l’impuissance nihiliste de la rencontre avec soi-même malgré une mise à nue salvatrice, au sens propre comme au figuré. Lors d’une dispute entre les deux, Ines expliquera avec désinvolture que l’humour de son père et ses artifices ne pourront pas empêcher sa fille de sauter par la fenêtre si elle en avait envie. Le génie de Maren Ade est là, celui de détourner les rires pour en faire des larmes dans une confrontation sombre qui n’aura aucun vainqueur entre un clown triste et une entrepreneuse avide de carrière.
Avec un décorum urbain et une mise en scène sèche à la Lars Von Trier qui se rapprochent du documentaire naturaliste dans la représentation de son environnement et la minutie des liens sociaux, Maren Ade crée une œuvre fleuve, longue de 2h45 qui étire le temps, allonge les scènes au maximum pour discerner le vrai du faux, faire exploser l’hypocrisie des mots et du langage corporel. Et c’est là toute la beauté de l’œuvre où l’empathie gagne un capital sympathie foudroyant : chaque scène peut paraitre aléatoire ou même dérisoire mais la banalité de la vie contient en elle-même une faculté à nous questionner sur les intentions hypocrites et franches qui nous unissent les uns aux autres. L’artifice de l’humour est-il le miroir d’un manque ? Toni Erdmann n’est pas révolutionnaire en soi, même un peu convenu avec ses moments « obligés » mais utilise un humour peu récurent, une humanité où la fiction devient invisible, une drôlerie non immédiate : non pas celle du rire mais celle du malaise.
Autant pour les personnages que pour le spectateur qui se met à rire jaune devant des actions ubuesques qui tirent leurs sèves de cet entre-deux perpétuel : la recherche de la vérité du temps qui passe. Comme en témoigne cette fameuse séquence aussi absurde que froide où Ines mange un petit-four recouvert du foutre de son amant. A travers ce père qui déboule dans la vie bien mouvementée de sa fille, ce n’est pas seulement Winfried, mais c’est aussi Maren Ade qui caractérise une quête quasi ethnologique par le prisme du personnage de Toni Erdmann, faux agent free-lance qui n’est autre que Winfried avec une perruque et des fausses dents ridicules. Certes, la subtilité n’est pas toujours le maitre mot d’une œuvre qui aime enfoncer des portes ouvertes dans son exploration du consumérisme des mœurs et dans le libéralisme professionnel, dans sa volonté de nous asséner de façon bilatérale la distance entre la violence économique qui se confronte à la niaiserie d’une rencontre (séquence sur le chantier) mais Maren Ade nous tombe pas dans le piège de la simple dénonciation ou de la bluette comédie familiale.
C’est même plus tendancieux et fascinant que cela : Toni Erdmann n’est pas une ode à la famille, ne glorifie pas le bien être mais le cherche sans le découvrir. La belle fresque familiale que certains nous vendent n’est autre qu’un reflet amer, une douleur pessimiste sur le cycle de la vie où la roue tourne encore et encore sans que les choses ne changent. Le temps passe, les morts s’additionnent, les accolades cyniques sont légion mais la solitude reste la même devant l’impuissance nihiliste de la rencontre avec soi-même malgré une mise à nue salvatrice, au sens propre comme au figuré. Lors d’une dispute entre les deux, Ines expliquera avec désinvolture que l’humour de son père et ses artifices ne pourront pas empêcher sa fille de sauter par la fenêtre si elle en avait envie. Le génie de Maren Ade est là, celui de détourner les rires pour en faire des larmes dans une confrontation sombre qui n’aura aucun vainqueur entre un clown triste et une entrepreneuse avide de carrière.