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RAVI SHANKAR
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Juin 1967, Monterey : stupeur ! Jimi se tient debout et s’est glissé la main dans le futal afin de faire Dieu sait quoi avec son engin ! Mais qui diable regardait-il donc sur scène ? Un guitar hero ? Que non pas ! Plutôt un…
SITAR HERO !
Ravi Shankar est le musicien bien connu par les amateurs des Fab Four pour avoir eu comme élève un certain George Harrison dont la fascination pour la musique indienne fut par la suite abondamment illustrée par nombre de chansons (
Norwegian Wood,
Tomorrow Never Knows...). Grâce à leur amitié, Shankar surfa sur une notoriété auprès de la jeunesse blanche américaine, comme une sorte de figure musicale exotique et à la mode qu’il était de bon ton de connaître en plein
Flower Power.
Après, pas d’escroquerie non plus dans cette notoriété, comme l’atteste le fabuleux passage de sa prestation lors du festival de Monterey. Ravi est bien un cador dans son domaine. Bon, ne connaissant pas non plus les arcanes de la musique carnatique indienne, je me garderais bien de prétendre qu’il est le plus grand joueur de sitar de tous les temps, mais si j’en crois nombre de témoignages de musiciens ou de compositeurs ayant reconnu son influence (sans Shankar, la musique de Philip Glass ne serait peut-être pas ce qu’elle est aujourd’hui), on peut affirmer sans trop se tromper qu’il reste un représentant de la musique indienne (et de la musique dite "world music", expression toujours un peu absurde je trouve) de toute première force. John Coltrane, qui eut lui aussi des leçons particulières avec Shankar, prénomma son fils Ravi en guise d’hommage et, pour revenir à Monterey, la plupart des témoins affirment avoir vu un Hendrix absolument fasciné par sa prestation.
Ouais, toi l’Indien, je t’aime bien !
Dans le documentaire de Pennebaker, la séquence où l'on voit le concert de Ravi est fameuse, malgré des cadrages foireux et des gros plans sans intérêt alors que des plans plus larges auraient permis de faire sentir visuellement la virtuosité et la cohésion des trois musiciens. Reste que Shankar garde un souvenir très fort de sa performance ce jour-là, et la réaction euphorique du public à la fin semble effectivement attester qu’on était face à un instant musical pas comme les autres. Chose amusante, le lendemain Shankar assista à la performance d’Hendrix et fut totalement choqué de voir le sort réservé à sa guitare (c’est le fameux concert où il brûla à la fin son instrument). Réaction révélatrice de la différence entre deux ces deux génies. Pour l’un la musique est une affaire de transe mystique avec son instrument pour tutoyer les dieux tandis que pour le second, la transe a autant à voir avec la musique qu’avec une attitude rock. Quelles que soient nos préférences par rapport à ces approches, difficile de nier que ceux qui ont pu assister alors aux performances des deux virtuoses ont eu une putain de chance.
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JIM O'ROURKE
Les amateurs de
Sonic Youth le connaissent, il est celui qui fut leur monsieur multi-instrumentiste de 1999 à 2005 et qui contribua à remettre le groupe sur le devant de la scène alors qu’il était en perte de vitesse. Mais ce n’est qu’une facette parmi d’autres de sa prolifique carrière. Vivant au Japon depuis pas mal d’années, il est aussi un producteur recherché et un expérimentateur toujours à sortir tous les quatre matins un album en collaboration avec d’autres artistes. Je vous ferai grâce de tous ses travaux expérimentaux au profit de ses albums pop où acoustique et symphonique se mélangent avec grâce et font d’
Eureka, d’
Insignifiance ou encore du fabuleux
Visitor (composé d’un unique instrumental de quarante minutes), de véritables petits joyaux atemporels.
9
ELVIS PRESLEY
Certes, on peut ricaner devant les spectacles affligeants du King à Las Vegas vers la fin de sa vie, ou de ses concerts à Hawai, dans lesquels il apparaissait comme une sorte de bouffon bouffi à colliers de fleurs. Reste que, lorsque les Beatles viennent lui rendre visite en 1965, à une époque où c’était déjà le début de la fin pour Elvis, et que Lennon lui glisse un « avant vous, il n’y avait rien », il résume – même s’il y avait dans ces paroles un peu de diplomatie flatteuse – un fait que nombre de jeunes musiciens ont ressenti dans les années 50 en découvrant pour la première fois le King : l’impression de vivre un tremblement de terre, un séisme culturel après lequel plus rien ne serait comme avant. Il est celui qui par sa gestuelle suggestive rendit sulfureux le rock’n roll, tout en le rendant, pas sa voix, ses mélodies, irrésistible et finalement acceptable, facilitant du même coup derrière lui l’accès à la célébrité aussi bien des rockers blancs que des artistes noirs. Bref, Elvis Presley, c’était la preuve incarnée qu’on pouvait à la fois se tartiner de gomina et être un monstre de classe et de talent. Avec le King, voici la fin de la troisième fournée et je vous dis...