Pedicab Driver - Sammo Hung (1989)
Nous sommes à la fin des années 80, la Golden Harvest menée par Raymond Chow est alors au zénith de sa puissance financière et n'hésitera pas à en faire profiter ses deux poules aux œufs d'or : Jackie Chan et Sammo Hung, en acceptant de financer des films sur lesquels ils auront les mains libres (Police Story II, Project A II, Eastern Condors ou Shanghai Express). L'antagonisme et l'amitié solide entre les deux hommes-orchestres est bien connue, mais pour une fois, ils vont se renvoyer la balle en cette année 1989 avec deux films au décorum similaire : Miracles, le semi-échec artistique de Jackie et Pedicab Driver, qui lui est l'aboutissement stylistique de Hung.
Ne faites pas gaffe à cette affiche d'exploitation trompeuse, Pedicab est tout sauf une comédie grasse et inoffensive qui a contribué à la prospérité commerciale du gros Sammo mais bien la synthèse parfaite de ses deux périodes (violente et comique). En gros, ça commence comme une comédie puis ça monte en puissance dans la noirceur à tel point que le final est certainement le plus éprouvant qu'il ait jamais fait. Hung détruit progressivement les rouages bien huilés de ses précédents faits d'armes, ce qui fait que votre serviteur s'est bien demandé pendant 50 minutes où était le chef d'oeuvre vendu par une poignée de veinards ayant eu la chance de le visionner (j'ai du me contenter d'un VCD au format, vu que le dvd n'a jamais été édité nulle part edit : depuis, j'ai eu l'occasion de revoir le film dans un dvd d'une qualité remarquable) croyant voir là une sympathique comédie kung fu aux chorégraphies très réussies, même s'il faut le reconnaitre que le film est quand moins gâté en production design que Miracles. Si pour beaucoup Prodigal Son semblait être jusque là son film le plus abouti (ce que je n'ai jamais pensé pour ma part, faute à une seconde partie qui retombe dans le comique comme si de rien n’était), Pedicab l'enfonce de deux têtes ne serait-ce que dans l'évolution de la dramaturgie (ces personnages auquel on ne croit pas un instant et qui finissent par nous émouvoir !?) et l'extrême maitrise du découpage qui ferait pleurer de honte les gros metteurs en scène de blockbusters (le duel Sammo/Billy Chau est l'un des morceau de bravoure les plus intenses jamais filmés à HK) tellement l'espace est utilisé à bon escient pour construire des chorés millimétrées (il y a des cascades où l'on voit bien qu'a un demi-centimètre de décalage le mec finit à l'hosto).
Mais une fois encore, Sammo nous livre un film d'arts martiaux violent et schizophrène comme lui seul à le secret, montrant bien son professionnalisme à livrer un produit cohérent et généreux jusqu'au bout (n'est-ce pas Jackie ?), osant nous prendre à revers (je pense surtout au couple Max Mok/Fennie Yuen qui prend une dimension glauquissime, j'en avais les poils de bras tout hérissés pendant la scène du repas !) à tel point que les rares éléments comiques de la seconde partie n'arrivent même plus à nous faire rire. Qui a dit que le kung fu pian ne pouvait pas être anticonformiste ?
10/10