Quiconque me connaît un minimum saura que j'apprécie énormément le cinéma d'animation, d'une part parce que le médium n'a visuellement aucune limite, mais aussi parce qu'il n'y a rien de plus compliqué de que de faire un film intéressant aussi bien pour un jeune public que pour les plus grands qui vont généralement les accompagner. Ceux qui me connaissent mieux savent que j'affectionne tout particulièrement le cinéma d'animation en stop-motion, parce qu'il aura signifié pour moi certains de mes premiers amours de cinéma (je pense notamment à
The Nightmare before Christmas qui reste encore aujourd'hui l'un de mes films favoris), et aussi parce que sa patte visuelle est tout simplement inimitable et que le travail pour la fournir est avant tout question de patience, tellement au point que les studios continuant à livrer ce genre de productions se font de plus en plus rares. Si on pense forcément à Aardman, spécialiste dans ce domaine, les américains de Laika se font peu à peu remarquer, notamment grâce à un artisanat revendiqué. Néanmoins, et malgré des productions comme
Coraline, Laika n'avait jusqu'ici pas réussi à livrer un film qui arriverait à écraser la concurrence, qu'elle soit 2D ou 3D. C'est aujourd'hui chose faite :
Kubo and the two strings est non seulement un très grand film, mais c'est aussi peut-être bien le meilleur film d'animation qu'il m'ait été donné de voir durant ces dernières années, les exceptions me venant en tête étant
Valse avec Bachir,
Summer Wars et le diptyque
Happy Feet.
Alors pourquoi cet engouement certain de ma part ? Tout simplement parce que déjà, et c'est bien la première chose qui étonne dès l'introduction,
Kubo est une petite merveille d'un point de vue formel. Jamais la stop-motion n'a paru aussi aboutie, aussi bien du côté de l'animation que du rendu visuel, et à cela s'ajoute une direction artistique irréprochable. A l'heure où la 3D permet de créer absolument tout ce que l'on souhaite, c'est un comble de se rendre compte que
Kubo met la pâtée à la totalité de la concurrence, cette même concurrence qui, la plupart du temps, se contente d'un rendu visuel tout ce qu'il y a de plus banal (Disney, Dreamworks, Sony, Illumination : c'est bien vous que je vise). Le moindre plan de
Kubo est en enchantement pour les yeux, d'autant plus qu'on navigue dans de la fantasy pure où l'on a rarement l'impression d'avoir déjà vu ailleurs ce qu'il y a à l'écran (s'inspirant judicieusement de la culture asiatique), et je ne parle même pas de la mise en scène qui est d'une élégance rare, surtout pour un premier film.
C'est bien simple, le film est d'une classe exceptionnelle quand il s'agit de mettre en scène des moments forts (cette introduction qui rentre dans le vif du sujet), inquiétants (les apparitions des sœurs jumelles, personnages au design juste énorme
) ou encore des séquences d'action dantesques : le combat sur le bateau est non seulement la meilleure séquence d'action que j'ai pu voir cette année, mais aussi un défi technique impressionnant pour de la stop-motion (le film dans sa globalité gère à merveille l'équilibre fragile entre animation à la main et effets CG). Mais
Kubo, ce n'est pas juste une histoire de forme, c'est aussi une de ces belles histoires qui me rappelle pourquoi je vais au cinéma. Nul doute que Travis Knight, l'une des têtes pensantes du studio avant d'être réalisateur, parle à travers
Kubo de la nécessité de raconter des histoires fortes et efficaces au cinéma, à l'heure où celles que l'on nous raconte actuellement sont généralement vides et sans fin, prétextant la mise en place d'une ou plusieurs suites pour des raisons financières. Avec
Kubo, rien de cela, le projet a beau être d'une ambition rare, cela reste un film qui se suffit à lui-même et qui vient rappeler que l'implication émotionnelle est la clé d'une bonne histoire, mais aussi que l'âge de l'audience n'est pas une raison pour se limiter dans ses intentions.
Ainsi,
Kubo fait partie de ces rares films d'animation qui ne prennent pas de haut le public enfantin, et qui lui font confiance pour comprendre des thématiques adultes montrées de façon simple. Ainsi, dès l'introduction, on y montre les conséquences de la violence à travers un nouveau-né ayant perdu un œil, ou encore une mère atteinte d'Alzheimer dont le fils est obligé de s'occuper d'elle chaque soir, et plus tard dans le métrage on évoque la nécessité de se détacher des figures parentales, sans pour autant les renier, pour pouvoir grandir (sur ce point, le film est d'une beauté terrible). Une confiance salutaire en la jeune génération qui, encore une fois, jure avec la concurrence qui chercher à faire rire plutôt qu'à faire réfléchir, là où
Kubo fait les deux (l'humour est particulièrement réussi) en assurant derrière un spectacle total, avec en plus un casting vocal de qualité (Theron, McConaughey, Fiennes ou encore Rooney Mara). Hormis quelques facilités dans le climax final, je n'ai que peu de réserves sur ce film que je considère d'ores et déjà comme un bijou à part entière, une nouvelle preuve que même si la majorité de la production cinématographique évolue sans réelles ambitions, il suffit de quelques passionnés, de personnes qui croient réellement à la toute-puissance du cinéma, pour redonner la foi au public.