[Olrik] Critiquorama 2016

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Re: [Olrik] Critiquorama 2016

Messagepar Val » Dim 26 Juin 2016, 21:03

Grand film mélancolique le De Funès, j'y reviendrai.
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Fin du jour (La) - 9/10

Messagepar Olrik » Lun 12 Sep 2016, 09:53

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la Fin du jour
(Julien Duvivier - 1939)

Dans une maison de retraite pour vieux comédiens de théâtre, trois acteurs aux fortes personnalités cohabitent tant bien que mal. Marny, acteur talentueux qui n’a jamais rencontré le succès doit composer avec un vieil ennemi, Saint-Clair, vieux beau ayant collectionné les succès féminins et ayant fait cocu Marny avec la femme de sa vie. Entre les deux, Cabrissade, fort en gueule dont le drame est d’avoir toute sa vie joué les doublures.

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« Confidence pour confidence, l’immortelle Antony, c’est une pièce emmerdante.
– C’est d’Alexandre Dumas !
– C’est peut-être d’Alexandre Dumas mais c’est emmerdant quand même. »


Dans la vaste filmographie de Duvivier, la Fin du Jour est souvent considéré comme l’un de ses chefs-d’œuvre, si ce n’est son chef-d’œuvre. D’abord parce que ses trois portraits d’acteurs, profondément humains, vont droit au cœur, en particulier celui de Michel Simon. Son personnage de cabotin peut amuser puis agacer au bout d’un moment, quand arrive sa tirade auprès du directeur de l’hospice pour défendre le métier d’acteur, on écoute et on est saisi. De ce visage difforme jaillit une parole touchante et dès cet instant Cabrissade devient le héros du film. Le spectateur n’aura plus qu’à guetter la moindre de ses apparitions et qu’à admirer, stupéfait, les cinq dernière minutes sans doute les plus bouleversantes de toute la filmographie de Duvivier.

Ensuite, il y a ce côté « Sunset Boulevard », ce film sur des acteurs dont l’époque est révolue. Au-delà de l’âge des acteurs, il y a toute une désuétude du théâtre qui transparaît. La remarque inaugurale d’un accessoiriste à propos de l’intérêt d’Antony d’Alexandre Dumas donne le ton et sera illustrée par d’autres saillies (notamment de la part de Saint-Clair) : Molière, Racine, Shakespeare, Musset et j’en passe, tout cela est bien poussiéreux. Le public demande autre chose que ces vieilles badernes de la littérature. Par exemple le cirque ou, bien sûr, le cinéma. « J’ai vu le contrôleur de l’Assistance, le cinéma d’en face, il fait douze cent balles les enfants ! », se plaint un des machinistes devant le four de la représentation d’Antony, tandis qu’un de ses collègue lance un lapidaire « l’art est foutu ! ». Marny, Saint-Clair, Cabrissade et leurs vieux compagnons sont des vestiges d’un temps révolu… du moins en apparence. Lorsque Marny rencontre un jeune homme qui lui avoue que lui et ses camarades de lycée lui vouaient un culte, il comprend, malgré toute la rancœur de ces années sans gloire, que l’art théâtral est finalement éternel. Cabrissade et sa magnifique tirade sur l’acteur de théâtre ne prouvera pas autre chose. Le gros plan fixé sur le visage épais de Simon fait de lui alors l’incarnation de l’acteur à la Victor Hugo, condensé à la fois de grotesque et de sublime. Je ne suis pas un fin connaisseur de la filmographie de Michel Simon mais je ne demande maintenant qu’à découvrir après une telle scène.

Enfin, sorti la même année que la Règle du jeu, difficile de ne pas en voir en filigrane, derrière cette histoire de pension pour vieille gens incarnant l’art, l’Histoire qui se profile à l’horizon. L’ambiance de la maison de retraite est souvent fiévreuse car ses pensionnaires sont incertains de l’avenir qu’on leur réserve (faisant face à des soucis financiers, l’établissement risque la fermeture). « La fin du jour » devient la fin d’une ère, celle de l’allégresse incarnée dans le film par la jeunesse (l’admirateur de Marny et un couple de jeunes scouts amoureux dont Cabrissade est l’ami). Une ère plus ténébreuse allait bientôt survenir, ère cette fois-ci symbolisée par Saint-Clair et sa folie mais aussi par la scène de l’enterrement, scène néanmoins adoucie par le formidable éloge funèbre sortant de la bouche de Marny, éloge transformant la mort en une leçon de vie profondément humaine et pleine d’espoir. Ça tombait bien, le spectateur allait bientôt en avoir besoin.


9/10


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Re: [Olrik] Critiquorama 2016

Messagepar Alegas » Mar 13 Sep 2016, 08:55

Comment elle fait plaisir cette critique. :super:

Faut que je me motive à mater d'autres Duvivier. Tu sais ce que vaux Un carnet de bal ? Il sort chez Gaumont pour cette fin d'année.
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Re: [Olrik] Critiquorama 2016

Messagepar Olrik » Mer 14 Sep 2016, 12:25

Non, je ne l'ai pas vu. Le présence de Fernandel ne me rassure pas mais je suis prêt à faire une exception tant les films de Duvivier ne m'ont jusqu'à présent jamais déçu. Je vais bientôt tenter sa version muette d'Au Bonheur des dames, de Zola.
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Charme discret de la bourgeoisie (Le) - 9/10

Messagepar Olrik » Mer 14 Sep 2016, 12:37

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Le Charme discret de la bourgeoisie

(Luis Bunuel - 1974)


Le film présente une succession de dîners avortés pour des raisons allant du restaurateur qui utilise son établissement comme morgue, aux grandes manœuvres militaires exécutées dans le jardin ou encore des gangsters qui font irruption dans la salle à manger. Cela n’empêche pas les trois couples de bourgeois de l’histoire de continuer à vivre leur tranquille vie de bourgeois, avec leurs opinions de bourgeois, leurs préjugés de bourgeois et leurs petites bassesses de bourgeois.


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Le Colonel – La marijuana n’est pas une drogue. Regardez ce qui se passe au Vietnam par exemple. Le général en chef, les simples soldats, tout le monde fume.
Simone Thévenot – Et le résultat c’est qu’ils bombardent leurs propres troupes au moins une fois par semaine.
Le Colonel – Mais non, Madame. S’ils bombardent leurs propres troupes, c’est qu’ils ont leurs raisons.


Savoir que ce film a eu en 1974 l’Oscar du meilleur film étranger prouve qu’il ne faut pas totalement désespérer de la digne institution américaine, malgré ses nombreux oublis, même si on imagine que ce genre de choix serait peut-être difficile à concevoir de nos jours. Car avec le Charme discret de la bourgeoisie, on est certes face à l’un de ces films qui peuvent être considérés comme les Rolls Royce de la comédie, mais comme ce film use du surréalisme comme arme satirique, on admettra que ce n’est pas forcément le moyen le plus évident pour toucher le grand public. Ayant déjà fait mes armes avec le bonhomme Bunuel, sachant donc un minimum à quoi m’attendre, j’avoue d’ailleurs avoir été dérouté par ce premier quart d’heure qui donne l’impression d’assister à une adaptation d’une pièce de Ionesco. On ne sait trop comment prendre ces répliques creuses, ces personnages guindés jusqu’à l’excès et cette intrigue vide, ou plutôt cette non intrigue.

Et puis, passé la première demi-heure, on s’aperçoit confusément que le film porte bien son titre. Il y a en effet un charme discret qui pointe, charme qui peu à peu laissera la place à une réelle fascination. On pourra se laisser bercer par ce flux de situations toujours improbables et inventives mais aussi chercher à les décoder afin de bien saisir où se situe la satire. Cette dernière n’a rien de la diatribe féroce. Elle se veut donc une sorte de rêve surréaliste (beaucoup de personnages racontent ou font des rêves dans le film) qui, en envoyant des signaux, invite le lecteur à faire fonctionner la machine à interpréter afin de bien saisir la portée « comique » (malicieuse plutôt) d’une scène. L’exemple le plus évident serait ces scènes qui ponctuent le film durant lesquelles on les voit marcher sur un chemin de campagne. On ne sait pas où ils se rendent, ils ne parlent pas mais ils ont l’air satisfaits. Que signifient ces scènes (dont la dernière conclut le film, achevant sans doute le spectateur pour qui le film aurait été une torture) ? Sans doute que malgré toutes les paroles qu’ils ont pu échanger entre eux, leur communication ne débouche que sur du vide, tout comme leur existence symbolisé par le désert campagnard qui les entoure. Sans l’ostentation de ce qui fait leur vie de bourgeois (les belles robes, les bijoux, les voitures, les maisons…), ces êtres sont foncièrement insignifiants.

Juste un exemple, mais on pourrait en citer une multitude, comme ce dîner qui se transforme en spectacle de théâtre, cet ambassadeur de Miranda qui finit de bouffer sa viande sous la table ou encore cet évêque qui veut devenir jardinier. On l’aura compris, le Charme discret est un film pour être vu plusieurs fois et sans doute avec plaisir, ne serait-ce pour revoir les délicieuses scènes avec Claude Piéplu en colonel mais aussi, plus généralement, des acteurs principaux qui sont tous excellents, même Bulle Ogier dont la diction m’a souvent insupporté autrefois. Bref film à revoir, après s’être enquillé au préalable trois ou quatre Martini dry,forcément.


9/10

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Qu'est-il arrivé à Baby Jane - 7/10

Messagepar Olrik » Dim 18 Sep 2016, 11:16

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Qu'est-il arrivé à Baby Jane ?

(Robert Aldrich - 1963)


Tragiques vies que celles des sœurs Hudson : « Baby » Jane Hudson, connue autrefois pour être une enfant-star qui chantait et dansait sur scène, n’est plus qu’une vieille dame laide et aigrie tandis que sa sœur, Blanche, après avoir dû ronger son frein quand sa sœur capricieuse avait du succès, a finalement connu la gloire au cinéma, mais cela pour mieux chuter : fauchée par une voiture conduite par sa sœur, elle est devenue paraplégique et doit maintenant gérer sa fortune tout en s’occupant de sa sœur, devenue alcoolique et à la santé mentale guère rassurante…


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A l’origine, le producteur William Frye et son amie Bette Davies ambitionnaient d’engager Hitchcock pour réaliser le film. Difficile d’imaginer ce que cela aurait pu donner mais je pense malgré tout ne pas trop me mouiller en affirmant que le film aurait été bien plus prenant en terme de suspense que ce qu’en a fait Aldrich. Et sachant qu’Hitchcock avait décliné l’offre pour réaliser Psychose en 1960, je me suis demandé s’il n’y avait pas dans Qu’est-il arrivé à Baby Jane ? des références plus ou moins voulues au film d’Hitch. Bien sûr juste avant Psychose il y a le livre d’Henry Farrell (que je n’ai pas lu) qui fournit le terreau au scénario mais il serait intéressant de voir quelles modifications ont été apportées. Ainsi le nom de la voisine : s’appelle-t-elle vraiment Mme Bates dans le roman ? Si c’est le cas, la coïncidence avec Psychose est surprenante. Dans le cas contraire, impossible de na pas y voir un clin d’œil de la part d’Aldrich. De même la maison où habitent les sœurs : le même gothique de mauvais goût, même hall d’entrée avec un escaliers sur la droite partant à l’étage.
Après ce nom de Bates et cette maison, j’avoue avoir eu du mal à me départir d’un filtre hitchcockien tant tout me semblait entrer en résonance avec Psychose. Là aussi, il s’agissait d’une présence perçue comme mystérieuse dans une chambre du premier étage. Cette présence est farouchement gardée par une furie meurtrière qui, comme Norman Bates, est rongée par un passé qui rend problématique tout épanouissement dans l’instant présent. On trouve aussi un personnage de pianiste qui vit encore chez sa mère, mère passablement possessive. Quant aux deux sœurs, l’une brillante et froide, l’autre en proie à pas mal de défauts, notamment le vol, elles peuvent évoquer aussi les deux sœurs de Psychose. Enfin, il y a bien sûr le secret de famille qui, dans Baby Jane, donne lieu à une scène finale qui est l’un des points forts.
Dans cette scène, Jane se retrouve sur une plage avec sa sœur. Devenue totalement folle, revenue à l’âge mental d’une gamine, elle ne sait pas que la police est à ses trousses et ne comprend même pas que sa sœur est au plus mal : affaiblie par les privations et le sadisme de sa sœur lors des précédents jours, elle est à deux doigts de rendre l’âme et c’est l’instant qu’elle choisit pour raconter à Jane la vérité sur l’accident qui l’a rendue infirme. Puis Jane va acheter deux glaces et, au moment de revenir, est alpaguée par deux policiers qui lui demandent où se trouve sa sœur. Entourée de toute une galerie de badauds qui se demandent si cette étrange vieille n’est pas la folle dont on parle à la radio, elle se projette alors mentalement dans une scène de son enfance dans laquelle elle avait dansé sur une plage devant un public charmé. Elle se met alors à danse avec ses glaces, tandis que les policiers découvrent enfin que sa sœur, sans doute morte, se trouve à quelques mètres. Scène à mes yeux réussie car elle boucle de manière poignante la thématique de l’artiste raté qui reste un raté juqu’à sa mort. Jane n’a jamais été une grande artiste : quand elle a eu du succès ans son enfance, c’était un succès de mauvais goût émanant d’un intérêt crétin d’un public pour une gamine qui jouait les singes savants sur scène. Dès le début de sa vie un mauvais pli a été pris, celui d’une croyance trompeuse qu’elle était une artiste, et cette erreur sera illustrée tout le long du film par les scènes avec le pianiste et culminera avec cette fin. A côté de Jane, il y a Blanche en train d’agoniser sur la plage et que personne ne semble remarquer. Pour elle aussi la situation est difficile : si son nom reste perçu par le public comme celui d’une grande actrice hollywoodienne, elle passe totalement ina perçue lorsqu’elle se mêle au même public, comme si ce dernier ne pouvait reconnaître une star par le prisme d’un écran de cinéma ou par celui de son petit écran dans son salon (la scène où la jeune voisine regarde un de ses vieux films). En dehors, elle semble vouée à connaître la vieillesse et la solitude, puis à mourir dans l’indifférence, comme dans cette scène finale où je me suis demandé un instant si elle allait vraiment être repérée ou si elle allait disparaître, recouverte par le sable.

Evidemment, tout cela est aller un peu loin mais si l’on prend en compte le noir et blanc, le thème de la folie, les scènes de suspense, celles de huis clos dans une maison lugubre ainsi que ce secret secret qui va surgir dans les dernières minutes et illuminer certaines questions sans réponses (notamment : pourquoi diable Blanche a-t-elle passé autant de temps après son accident à continuer à vivre avec une sœur aussi foldingue ?), difficile de ne pas faire un parallèle avec Psychose, et à ce petit jeu, Qu’est-il arrivé à Baby Jane ? en dépit d’un duo d’actrices de toute première force (en particulier Davies, absolument glaçante dans cette variation criminelle de la marâtre de Cendrillon – mais qui peut aussi être vu comme une vieille Cendrillon déviante), ne fait pas le poids, la faute surtout à un art du suspense qui n’arrive pas à la cheville de la maîtrise d’Hitchcock dans ce domaine. Les techniques mises en œuvre par Aldrich sont ainsi un peu grossières, ainsi la scène du marteau posé ostensiblement au premier plan ou encore celle de la boulette de papier. Et les montages parallèles alternant les efforts de Blanche pour descendre l’escaliers et la virée de Jane à la banque sont eux aussi assez peu convaincants. En fait, Aldrich est dans ce film moins doué pour le suspense que pour la surprise
ainsi les repas concoctés par Jane.

Le film reste tout de même agréable à voir, ne serait-ce que pour ce côté croisement contemporain de plusieurs contes genre Cendrillon ou Barbe-Bleue (la pauvre princesse martyrisée par sa marâtre, Jane qui trouve son prince charmant en la personne du pianiste et qui va se faire belle comme pour aller au bal, la chambre interdite…), ainsi que le lien évident que l’on peut faire avec Boulevard du crépuscule. Le film est considéré comme étant le pionnier du psycho biddy, sous-genre du cinéma d’horreur dans lequel sévissent d’horribles et dangereuses vieilles femmes. On peut en effet lui donner ce titre même si, d’une certaine manière, il serait peut-être plus juste de voir en Psychose le film fondateur du genre.


7/10

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Midnight Special - 7,5/10

Messagepar Olrik » Lun 19 Sep 2016, 09:57

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Midnight Special

(Jeff Nichols - 2016)


Un garçon, Alton, est poursuivi à la fois par une secte, le FBI et la NSA. Pourquoi ? Au début du film seuls le savent les deux adultes qui l’accompagnent dans la fuite : son père Roy et un ami, Lucas. Leur but : rejoindre un point géographique bien précis et à une date donnée.


Alton téléphone maison
Impossible en voyant Midnight Special de ne pas penser à deux glorieux modèles spielbergiens : E.T. et Rencontre du Troisième type. Dans tous ces films on retrouve les motifs de la fuite, du lieu secret à retrouver ou encore des adultes sortant les grands moyens pour mettre la main sur un être a priori inoffensif (dans E.T. surtout). Et donc le thème de l’enfance, thème que Nichols avait déjà abordé dans Mud dans lequel il s’agissait pour le garçon de grandir en gardant une certaine pureté tout en se confrontant aux inévitables souillures de la réalité. A un moment du film, le personnage perdait de cette pureté en étant mordu symboliquement par un serpent. Dans Midnight Special, on assiste à une scène équivalente montrant un adulte profitant abusivement, tel un viol, de son pouvoir. Dans les deux cas, les deux personnages se trouveront affaiblis de cette expérience mais s’en remettront. Physiquement d’abord, puis mentalement, avec même un gain dans leur maturité et leur manière de voir le monde.

Il en va ainsi d’Alton dont la gravité et l’assurance ont alors des accents messianiques. Sur ce point, on est sur le terrain de Rencontre du Troisième Type qui jouait sur le thème de l’élection quasi divine d’un père pour se rendre comme Moïse sur une montagne afin d’y faire la rencontre de sa vie. Tout le monde est sidéré par le don d’Alton. Son père d’abord, qui est prêt à tout pour protéger son petit Jésus, mais aussi Lucas, flic qui n’a rien à voir avec la secte, qui est un ancien ami d’enfance de Roy mais qu’il n’a plus vu depuis vingt ans, mais qui décide malgré tout de suivre le duo et qui va jusqu’à commettre le pire pour lui : buter un policier. Et il en va de même évidemment des membres de la secte pour lesquels remettre la main sur Alton est une priorité existentielle mais aussi les envoyés du FBI et de la NSA. Ici c’est moins la fascination que le désire de protéger le pays qui prime, même si un personnage, Paul Sevier, un envoyé de la NSA, est très vite fasciné par le gamin. Là aussi, les sonorités françaises du patronyme ont pu me faire penser au personnage du scientifique de Rencontre, joué par François Truffaut.

Des connivences avec d’anciens chefs d’œuvre de la S-F populaire donc, et des liens avec certains des films de Nichols (Mud mais aussi Take Shelter et son atmosphère de fin du monde), qui font de Midnight Special un film de S-F cohérent et précieux, au même titre que le récent Ex Machina. Il s’agit dans les deux cas de films sobres avec beaucoup de scènes où l’on cause mais sans que ces dernières soient vaines ou pesantes. Avec pour Midnight Special un accent mis sur l’action, comme le symbolise la scène d’ouverture du film. Dosée raisonnablement tout le long du film, elle permet, conjuguée aux révélations distillées sur la nature du garçon, d'accaparer l’attention du lecteur à tel point que celui-ci pourra être tout surpris de voir arriver si tôt LA scène. Pas d’énorme vaisseau comme dans Rencontre, c’est ici autre chose. Vous verrez bien. Mais il y a dans cet autre chose quelque chose de divin qui n’est pas sans donner au film un aspect mystique et qui rappelle toute l’influence que l’on a pu observer jusqu’à présent d’un Terrence Mallick sur son œuvre.

4ème film de la carrière de Nichols, Midnight Special confirme un brio et une facilité à pratiquer n’importe quel genre. Reste à savoir pour moi si cela sera confirmé avec Loving qui semble moins unanimement apprécié. Qu’importe, sans aller jusqu’à dire comme je ne sais quel journaleux qu’on tient là le nouveau Spielberg, on peut parier sur une carrière qui sera riche en bonnes surprises.


7,5/10

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Re: [Olrik] Critiquorama 2016

Messagepar Jimmy Two Times » Lun 19 Sep 2016, 11:16

Belle critique dont je partage totalement le contenu et la note. L'opus le faible de Nichols à mes yeux (je suis un fanatique de ces 3 premiers longs métrages) mais qui fait néanmoins passer un très bon moment. Il n'y a que Mark qui n'aime pas. Ca manque de japonaises avec des gros boobs et ils n'aiment pas les enfants :mrgreen:

LA scène come tu dis, c'est peut être la séquence qui m'a le plus fait vibrer cette année au ciné.
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Re: [Olrik] Critiquorama 2016

Messagepar Mark Chopper » Lun 19 Sep 2016, 11:29

Bah ouais, Nichols c'est un mec surcoté.

C'est un océan de vide ce film :chut:
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Re: [Olrik] Critiquorama 2016

Messagepar Alegas » Lun 19 Sep 2016, 11:39

:eheh:
"Our films were never intended for a passive audience. There are enough of those kinds of films being made. We wanted our audience to have to work, to have to think, to have to actually participate in order to enjoy them."

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Re: [Olrik] Critiquorama 2016

Messagepar Olrik » Lun 19 Sep 2016, 11:45

Jimmy Two Times a écrit:Ca manque de japonaises avec des gros boobs et ils n'aiment pas les enfants

Je pense qu'il s'est un peu esquinté à trop vouloir explorer les méandres de la filmo de Takashi Miike.

Sinon oui, un cran en-dessous de ses trois premiers films, je suis d'accord. Quant à la fameuse scène, je pense aussi que ce qui fait son originalité est qu'elle arrive en plein jour. Conditionné par ET , Rencontre et plein d'autres films de S-F, j'étais persuadé que ça allait se passer la nuit (à tort puisque le film nous montre bien l'éveil d'Alton à la lumière).
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Re: [Olrik] Critiquorama 2016

Messagepar Mark Chopper » Lun 19 Sep 2016, 11:52

Je pense qu'il s'est un peu esquinté à trop vouloir explorer les méandres de la filmo de Takashi Miike.


J'ai surtout vu un film qui tente de s'approcher de Charlie de Stephen King, mais sans atteindre l'impact émotionnel espéré.

Globablement, à part Take Shelter, le cinéma de Nichols ne me touche pas, je reste à distance.
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Re: [Olrik] Critiquorama 2016

Messagepar Jimmy Two Times » Lun 19 Sep 2016, 14:02

Il y en a qui sont émus par Busan, d'autres par Nichols. C'est la vie.
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Re: [Olrik] Critiquorama 2016

Messagepar logan » Lun 19 Sep 2016, 15:07

Préférer Busan à Mud c'est chaud du cul quand même (amha et toussa.)
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Re: [Olrik] Critiquorama 2016

Messagepar Mark Chopper » Lun 19 Sep 2016, 15:08

La comparaison même n'a aucun sens.

Sinon je rappelle que Busan est apprécié partout sauf ici. Le bon goût se perd :chut:
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