[Dunandan] Mes Critiques (ré)éditées en 2016

[Dunandan]

Casablanca, Michael Curtiz (1942)

Cela fait un bout de temps que je voulais voir ce classique du cinéma naphta, et au final je ne suis pas trop déçu du voyage. Casablanca, c'est d'abord un cadre et une atmosphère dépeignant une France libre où souffle une liberté toute relative, et où se livre un véritable monnayage des visas permettant, pour les heureux élus, de s'envoler en exil vers les États-Unis. Une liberté qui se fait légèrement plus prononcée dans ce bar géré de main de maître par Rick, incarné par Humphrey Bogart dont le ton monocorde, presque figé sur place, s'accorde bien avec la peine d'amour qui finit par se révéler chez lui, toujours tourné vers le passé et donc incapable d'avancer.

Le script du film est au fond assez simple et classique, basé sur le choix cornélien que Rick aura à faire entre l'amour et la raison, Ingrid Bergman ou son patriotisme latent. Mais cette apparente simplicité est remise en question par la subtilité du traitement des relations finalement assez tendues entre ce même Rick et l'occupation allemande (et par là il devient tout un symbole d'une Amérique qui devait sans doute percevoir cette situation de guerre d'assez loin), représentée par une façade que rien ne vient entamer, à part justement la belle Ingrid, avec laquelle il forme un beau couple de cinéma, culminant en cette fameuse séquence à l'aéroport avec son au-revoir déchirant.

Enfin, la réalisation est classieuse et agréable à suivre, je pense notamment au cadre du bar, très bien exploité en termes d'ambiance avec sa musique jazzie. Bref, si Casablanca n'est peut-être pas le chef-d'œuvre qu'il prétend être (il lui manquerait pour cela une intrigue plus surprenante et captivante, tout son suspens repose quand même autour d'une paire de visas cachés), ce film se révèle tout de même foncièrement charmant et audacieux pour l'époque, le tout doté d'un petit soupçon d'optimisme bienvenu en dernière ligne, venant atténuer un dénouement assez amer.

Note : 7.5/10

[Dunandan]

Fatima, Philippe Faucon (2015)

Ils sont bien tristes les Césars cette année avec ce Fatima qui a su conquérir le jury. Pourtant, elle est loin d'être détestable cette plongée dans le quotidien de cette famille algérienne immigrée en France éprouvant des difficultés à s'intégrer, malgré des stéréotypes bien marqués, entre la mère qui ne sait pas parler la langue et donc obligée à faire des ménages, et les deux filles payant les frais de leur entourage durant leurs études, la plus jeune subissant l'influence néfaste de ses amis, tandis que l'aînée est l'objet de commérages des voisines du quartier. Le film finit même par s'éloigner un peu des clichés, en première ligne cette fameuse Fatima qui se fait poète en évoquant, en arabe, ce qu'elle fait pour ses enfants, qui sont tout pour elle. Mais cette manière d'évoquer cette réalité, tributaire de la Nouvelle Vague que le cinéma indépendant français tire décidément comme un boulet, sur cette famille tentant de s'en sortir la tête haute, est terriblement banale. Au moins ça évite le misérabilisme, c'est même relativement optimiste sans en faire des caisses, et l'aînée de la famille se révèle un joli atout charme, mais au delà du trait sociologique assez juste et léger sur le sujet de l'immigration et de l'intégration, ça ne raconte pas autre chose que des saynètes de la vie de tous les jours. Bref, un type de cinéma qui se veut réaliste à l'outrance auquel je n'adhère pas vraiment, qui me semble même à la lisière de l'anti-cinéma.

Note : 5/10

[Dunandan]

Juste quelques avis express pour m'y remettre doucement.


Histoire de fantômes chinois 2 : 7.5/10

Nettement moins entraînant et envoûtant que le premier épisode qui a marqué à tout jamais le genre du WXP fantastique, cette suite vaut quand même son pesant de cacahuètes. D'ailleurs les deux suites n'auraient pas eu lieu sans le succès du premier vu que l'histoire originale est basée sur un conte chinois très connu... Bref, on retrouve les mêmes acteurs, y compris Joey Wong alors que son personnage n'existe plus, remplacé par un autre, moins intéressant, néanmoins comblé par le charme inégalé de son interprète... Mais la force du métrage se retrouve selon moi ailleurs, notamment dans ses idées de mise en scène au service de séquences franchement fun (le cache-cache avec le monstre con comme un balais, et bricolé avec trois bouts de ficelle), et ses nouvelles recrues, telle que le mec qui se déplace comme une taupe... En résumé, ce qu'on perd en profondeur et en poésie, on le gagne en séquences décomplexées.


The Lovers : 8.5/10

Tsui Hark brillait vraiment dans tous les genres, ou presque... Ici, on se retrouve avec l'équivalent chinois de Roméo et Juliette : le conte des amants papillons (librement adapté ici : Tsui Hark a eu la bonne idée de transformer cette femme forte et déterminée - c'est elle qui à la base voulait aller à l'école réservée aux garçons, et donc se déguiser en conséquence, alors qu'ici ce sont ses parents qui l'ont poussée à le faire - en fille légèrement gauche, promettant ainsi quelques séquences d'humour HK pur jus). Une histoire sublimée par une réalisation au top, le charme de son duo principal, ainsi que par un changement de ton maîtrisé apportant de la légèreté là où il faut malgré son sujet profond et intense. Ce qui donne lieu à un dénouement beau et déchirant.


Swordsman 2 : 8/10

Révision à la hausse (7 => 8 ), avec une petite modification de ma critique.

[Dunandan]

Rouge, Stanley Kwan (1987)

Rouge, derrière ses airs de simple histoire d'amour impossible entre une prostituée et un fils de bonne famille, se déroulant au début du siècle dernier, à Hong-Kong, et qui n'ont eu d'autre solution que de mourir pour être ensemble à jamais, cache bien son jeu. Première surprise, nous nous retrouvons assez vite en terrain contemporain, et après quelques secondes de doute où on se croirait en présence d'un roman de Marc Lévy avec ce revirement fantastique de revenante venant rechercher son amoureux par-delà le temps et la mort, rapidement le ton devient très pessimiste, voire vénéneux. Est alors questionné l'amour soit-disant éternel, tout en mettant en avant l'intensité des sentiments vécus, qui, peut-être, ne pouvaient pas durer à cause de cette intensité même. Un zest d'humour est aussi injecté, apportant une sérénité toute relative chez le spectateur, ne serait-ce que par la présence saugrenue de cette femme d'un autre temps, et en même temps magnifique, incarnant une féminité absolue.

Et Rouge a plus à offrir encore, en se faisant le témoin d'une époque révolue à travers le regard de cette revenante qui ne reconnaît plus sa ville, dont l'absence des lieux chéris est douloureusement ressentie. A ce propos, rarement les quartiers de Hong-Kong ont été filmés ainsi, rappelant par là un certain Wong Kar Wai à ses débuts dans la manière brute de filmer ces environnements urbains, mais pour autant, la direction prise du film est très différente, à l'image de cet hommage fait à l'opéra de Pékin (quelques chansons au programme, que j'ai trouvées pour ma part très belles, et servant très bien le propos quelque peu nostalgique du film) et de son évolution, notamment via une séquence précieuse, car rarement vue au cinéma, de Wu Xia Pian.

Rouge, au niveau du fond, a donc plusieurs cordes à son arc. Riche et touffu, mais ne se compliquant jamais pour rien. Et formellement, on n'est pas déçu non plus. La reconstitution d'époque est bien fichue, avec une emphase particulière sur les décors et les costumes. Surtout, Anita Mui, qui incarne Fleur, est véritablement magnifiée par la manière dont elle est filmée, et offre une belle illustration de cette femme aux allures froides, mais rongée de l'intérieur par cette passion, à la fois terrible et anachronique par rapport à l'époque qu'elle rejoint en second lieu. Leslie Cheung, égal à lui-même, lui offre une belle répartie dans le rôle de l'amant transi qui suivra, lui, une voie moins destructrice, mais tout en demie-teinte, d'autant plus déchirante.

Bref, Rouge s'adresse avant tout aux amateurs des histoires d'amour torturées, et si le volet fantastique un brin naïf ne contentera pas tout le monde (pour ma part, ce traitement plutôt léger m'a permis de mieux apprécier/digérer le reste), on peut aussi être sensible à sa réflexion sous-jacente sur l'évolution de la place de la femme en Chine, et aussi sur le temps qui efface ou remplace, tristement, lieux et sentiments.

Note : 8/10

[Dunandan]

Le sens du devoir, David Chung (1986)

Voilà un film qui envoie bien la marchandise. Doté d'un rythme globalement endiablé comme le ciné HK de la grande époque savait si bien le faire, Le Sens du devoir est certes de temps à autre au ralenti, mais c'est pour mieux nous remettre une cartouche derrière et de manière souvent surprenante. L'intrigue est relativement basique, opposant flics justiciers à des terroristes assoiffés de vengeance (quoique le flashback sur leur amitié indéfectible apporte un brin d'empathie intéressant, bien qu'un peu kitsch dans la forme), mais au moins va-t-elle à l'essentiel.

On se retrouve donc en présence d'un polar Hard Boiled comptant un sacré enchainement de dommages collatéraux, même pour nos amis au retourné facile. D'un côté comme de l'autre, personne n'hésite à mettre en danger son environnement proche, y compris sa propre personne, je pense notamment à la séquence dans l'avion où l'un des bad guys offrira sa tête contre son gré pour éviter une dépressurisation. Pour les morceaux de bravoure, on est gâté, entre la destruction complète d'un bar, des courses-poursuites filmées au corps, et autres affrontements de tous genres, chacun filmés de manière assez dynamique et inventive pour ne pas se lasser.

A la limite pourrait-on regretter quelques petits coups de mou avec la sous-intrigue sur le flic un peu niais qui veut inviter Michelle Yeoh à sortir (qui avait déjà un physique en béton), on peut presque se réjouir de ce qui va lui arriver, car ce film a cette manie de se débarrasser ou de faire baver les gentils, ce qui n'est pas pour me déplaire, car ça promet derrière des règlements de compte musclés, une promesse tenue. Bref, un polar d'action HK qui ne s'embarrasse d'aucune retenue, ce qui fait du bien en ces temps où le lissage homogène a la main lourde.

Note : 7.5/10

[pabelbaba]

Il t'en reste encore 7!

[Mark Chopper]

T'inquiètes, je le sens bien parti pour consommer du HK à forte dose.

[Dunandan]

Comment as-tu deviné ? . Par contre ça va être un peu chaud de tous les choper...

[Dunandan]

Le Festin chinois, Tsui Hark (1995)

Le festin chinois représente un peu pour moi tout ce que j'apprécie de cette époque d'or du cinéma hong-kongais (soit fin 80-début 90) avec son lot de péripéties fortes en humour décomplexé et en action déchaînée. De ce côté là on n'est clairement pas déçu entre ses affrontements de cuisine filmés comme du kung-fu (imaginez OUATIC avec des baguettes ou des couteaux de cuisine à la place des armes traditionnelles), ses séquences WTF (je suis encore crampé en pensant au poisson de 100kg se faisant la malle dans un resto, avec tout le personnel à ses trousses, ou encore à l'entraînement musclé visant à faire retrouver les 5 sens à un chef), et d'autres où les acteurs se lâchent bien (le karaoké chanté sous substances, Leslie Cheung en gentil rebelle qui se la pète grave, le cuisinier mongol vénère à chacune de ses apparitions).

La trame narrative parait assez fo-folle, avec des ellipses parfois étranges (comme le patron du restaurant qui réapparaît comme par magie), mais en fin de compte Le festin chinois parvient toujours à retomber sur ses pattes en préservant son fil rouge, à savoir un concours de cuisine chinoise confrontant tradition et modernité, qui va finalement nous faire réfléchir sur l'idée même de l'art culinaire, et ses deux histoires d'amour plus ou moins légères qui injectent un pendant sympathique au sein de ces duels masculins enflammés. Côté casting, c'est du tout bon avec des gueules charismatiques en diable, spécialement le chef de cuisine déchu, particulièrement à l'aise avec ses ustensiles de cuisine.

Bref, Le festin chinois est un film parfois foutrarque, mais souvent surprenant et jouissif. Ainsi, après s'être essayé tout en signant leur renaissance, au polar HK, à la mythologie chinoise, et au Wu Xia Pian, voilà que je (re)découvre une facette de Tsui Hark que je connaissais moins car moins mis en avant dans ses films, à savoir sa facette comique, et il excelle encore une fois sur ce plan. Surtout qu'il s'agit là d'un sujet assez peu traité pour lui-même au cinéma, et quand la forme se met au service du fond, ça donne quelque chose d'assez terrible.

Note : 8.5/10

[Dunandan]

The white storm, Benny Chan (2013)

Ce film dégouline de sentiments et de pathos et on se mange aussi pas mal de raccourcis dans le scénario, mais mince, quel hommage au cinoche HK de la grande époque, le tout porté par un magnifique trio d'acteurs! Je suis déjà plus convaincu que Connected, réalisé aussi par Benny Chan (qui mine de rien devient l'un des derniers dignes représentants de cette industrie), ne dépassant pas selon moi le stade d'honnête divertissement, même s'il parvenait à transcender sans peine l'original américain en se montrant plus généreux sur la forme, les situations, et la qualité de ses interprètes.

Plus ambitieux, démonstratif, spectaculaire et incarné, The White storm réutilise la même recette mais en la bonifiant, notamment grâce à une histoire fraternelle qui soutient solidement la charpente, à l'ancienne, et une chanson que le trio sifflote de temps à autre rappelant leur amitié soudée, le tout se terminant par un affrontement survolté comme à la bonne époque même si les impacts se font plus discrets et le ton, plus divertissant (même dans la douleur, toujours le sourire les mecs). Et encore une fois le casting est très bon, réunissant une belle brochette de têtes connues, surtout Louis Koo qui démontre une fois de plus sa capacité à endosser des rôles très différents.

Bref, certainement l'un des meilleurs polars HK depuis que le génie de Johnnie To s'en est allé (surtout depuis la disparition de son scénariste fétiche), et donc du pain béni pour les amateurs du genre.

Note : 7.5/10

[Dunandan]

Memento Mori : 5/10

De jeunes actrices au jeu juste et naturel, un entrelacement de thématiques relativement intéressant (chroniques adolescentes, le lycée, amour/amitié féminine, télépathie, etc.), quelques plans travaillés, c'est tout ce que j'ai retenu de cette fumisterie au montage tout simplement indigeste où l'on passe du passé au présent sans réelle justification, et qui embrouille plus qu'autre chose. Bref, j'aurais du demeurer avec le fantasme que j'avais de l'affiche qui supposait quelque chose d'intéressant, d'onirique, mais au final ça m'a paru globalement vain, et surtout terriblement mal raconté, malgré quelques éclats isolés. Dommage.

[Mark Chopper]

C'est à chier ce truc.

Je crois même qu'il est dans le pano

[Dunandan]

C'est quasiment du même niveau que 2 soeurs : ça tourne en rond pour pas grand chose.. La forme et l'interprétation ça va, mais le reste... sauf si on kiffe les petites écolieres en uniforme

[Alegas]

Ah bah si vous êtes partants pour le virer du pano je veux bien, je sais même pas pourquoi Scalp avait ajouté le film à la base, vu qu'il ne l'aime pas non plus.

[Mark Chopper]

Yep, tu peux l'enlever, il fait tache.

(et mon instinct me dit que Hansel et Gretel et Blood Rain ne doivent pas casser des briques non plus)