[Nulladies] Mes critiques en 2016

Modérateur: Dunandan

Re: [Nulladies] Mes critiques en 2016

Messagepar Val » Jeu 04 Aoû 2016, 08:19

:eheh:

De toute façon, on sait que Pabel préférera ça :

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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2016

Messagepar pabelbaba » Jeu 04 Aoû 2016, 09:20

Holy shit!!! :love:
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Sinon, oui, j'aime les nibards. :chut:
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2016

Messagepar Nulladies » Ven 05 Aoû 2016, 06:42

pabelbaba a écrit:Ca a l'air pas mal, ça sort chez nous?



Dans ma médiathèque en tout cas... :) Je suis tombé dessus complètement par hasard, j'en avais jamais entendu parler ailleurs.
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Sieranevada - 7,5/10

Messagepar Nulladies » Ven 05 Aoû 2016, 07:15

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Le repas des guerriers

Le simple énoncé du pitch pourrait faire fuir les plus aguerris. Le jour de la sortie de Suicide Squad, proposer un film roumain de trois heures se déroulant dans l’espace confiné d’un appartement au sein d’une famille réunie pour la commémoration religieuse de la mort du patriarche relève sinon du défi, au moins de la résistance.
Il ne faut pas se mentir : il faudra une certaine endurance pour gravir cet étrange massif, parfois foutraque, aux cimes exaltantes et aux gouffres amers.
Dix ans après La mort de Dante Lazarescu, Christian Puiu reprend la singularité de ton de ce chef d’œuvre : plans-séquences interminables, entassés comme des blocs au sein desquels surgissent une vie quotidienne et des échanges qui, progressivement, dressent le portrait de personnages qu’on aura le sentiment de connaitre intimement.
La nouvelle donne réside dans le parti pris spatial de l’unité de lieu. A deux exceptions près, le trajet initial et une descente dans la rue, toute l’intrigue se concentre autour de l’attente d’un repas qui n’arrivera qu’au plan ultime. Sur le modèle d’un Godot, on attend le prêtre pendant plus d’une heure, puis l’on gère les différentes incursions (un mari jaloux, une ami croate alcoolisée…) qui diffèrent en permanence le seul aspect réjouissant de cette réunion : manger, et, surtout, se taire.
Puiu choisit Lary, médecin quadra, pour être témoin de la plupart des échanges. La caméra devient son double, voire celle du père défunt dont la commémoration vise à le faire quitter définitivement les lieux, notamment par la passation d’un costume à un représentant de la nouvelle génération. Souvent placée dans un lieu de convergence, comme un corridor, les panoramiques suffisent à passer d’une porte à l’autre, et donner à voir, dans les embrasures, les micro-récits de toute cette petite troupe. Des théories du complot aux conflits générationnels, de la nostalgie communiste de l’ancienne aux élans pieux de la mère, tout s’entremêle non sans quelques longueurs et langueurs censées rendre palpable l’attente un peu désœuvrée du repas. Mais la chorégraphie des portes, le ballet incessant des répliques et de l’enchevêtrement des fils narratifs, associé au jeu impeccable des comédiens atteste d’une virtuosité toujours aussi vivace du cinéaste.
Comme pour La mort de Dante Lazarescu, Puiu ne cherche pas le film à thèse : il y a clairement autant de personnes qu’il y a d’opinions, et leur réunion occasionne des frictions qui prêtent le plus souvent à sourire. C’est d’ailleurs la posture de Lary, qui souvent se retient d’exploser de rire devant le ridicule de toute cette comédie humaine, permettant de désactiver, sans pour autant la mépriser, ce qui pourrait dévier vers la tragédie poussive. Nul Festen ici, mais un concentré latin et gueulard d’une famille comme tant d’autres.
Focalisé sur le thème du mensonge, qui irrigue toutes les générations (des frasques de feu le père à celle de l’oncle, voire, en creux, à celles de Lary lui-même), Sieranevada propose en contrepoint la vérité fragile des êtres : condamnés au langage, à des rites, à contraindre leur liberté pour cohabiter avec ceux dont ils savent, au fond, ne pas pouvoir se passer, comme en témoigne ce plan final sur des sourires riches d’une sincérité rare.
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High-Rise - 3,5/10

Messagepar Nulladies » Sam 06 Aoû 2016, 07:01

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Ineption

Il y a plusieurs types de bandes annonces. Celle, scolaire, qui vous propose le pitch le plus efficace en vous synthétisant l’intrigue et ses éléments perturbateurs ; celle, plus lacunaire, qui se contente de mettre en place une atmosphère en dévoilant par un montage elliptique des fragments surprenants : décors, agissements hors-norme, musique. De cette dernière surgit souvent le désir d’en savoir davantage, de comprendre les raisons qui font qu’on aboutisse à un tel univers. La cohérence n’est pas nécessaire, son absence est même une composante essentielle de l’excitation : c’est une promesse, une tension vers des réponses différées, que le visionnage parviendra ou non à satisfaire.
High-Rise est une bande annonce, mais qui dure 2 heures. L’adaptation de Ballard par le trublion à l’origine du bien lourdingue English Revolution et du prometteur Kill List n’est pas une surprise : ce gout pour le chaos et la dystopie avaient de quoi l’exciter, voire inspirer certains de ses indéniables talents en matière d’image. La photo est impeccable, le travail sur l’espace et le désir de faire de l’architecture un personnage omniscient fonctionnent un temps, tout comme ce mélange habile entre contemporanéité et esthétique seventies (le roman étant sorti en 1975), au profit d’une sorte de rétro-futurisme que ne renieraient pas d’autres visionnaires comme le Gilliam de Brazil par exemple.
Le problème, c’est qu’il faut bien des habitants et une progression dans un cadre aussi minéral. Et c’est là que tout part à la dérive : non pas celle de cette civilisation se vautrant dans ses instincts les plus vils, mais bien dans la réussite à rendre prégnante celle-ci. Rien ne fonctionne : ni les portraits initiaux, et encore moins le mécanisme du chaos, auquel on assiste dans la plus grande indifférence. Réduire les problématiques sociales à une panne de courant ou la lutte des classes à un concours de parties ne semble même pas traité sur le mode ironique : dès lors, on barbouille les murs de sang et on parsème le sol de sacs poubelles, entre des séquences sommaires d’orgies, pour montrer sans nullement expliquer que, voyez-vous, cet immeuble métaphore de la société concentre tout ce qui se fait de pire en matière de dynamique sociale.
Les personnages récitent sans conviction des aphorismes sur le pouvoir et la prétendue liberté, on nous place des chevaux sur des terrasses et de la moquette sur les escaliers, et l’on fait fumer absolument tout le monde, (même la femme enceinte, t’as vu) souvent au ralenti, gage d’une classe ringarde qui pense par-là brandir son audace.
De ce fatras, il ne reste rien : point de discours, point de posture, ni fascination, ni émotion quelconque, visuelle ou sentimentale. Le spectateur n’est pas cloué au sol, il ne voltige pas non-plus dans les hautes sphères du surplomb. Il se rend simplement compte que cette maquette de synthèse est un petit (mais très long) clip qu’il aura très vite oublié.
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Phoenix - 5/10

Messagepar Nulladies » Dim 07 Aoû 2016, 06:23

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Volte fade.

Il existe de multiples voies pour aborder un passé qui ne passe pas : Phoenix en tente une pour évoquer l’histoire de l’Allemagne au lendemain de la guerre, durant cette trouble période où l’on est contraint à faire les comptes. Entre ce qui collaborèrent, ceux qui reviennent des camps, ceux qui prônent la chape de plomb et ceux qui demandent justice.
La faille de Phoenix réside dans ce qui aurait dû être sa force, à savoir un pitch sophistiqué, propre à entremêler toutes ces épineuses problématiques. Dans un Berlin en ruine, souvent filmé de nuit à l’atmosphère esthétique déréalisante (on pense à la photographique du très poétique In the Mood for Love), le récit tout d’abord saturé d’ellipses entre en résonnance avec les béances d’un pays meurtri. Un visage bandé, une femme mystérieuse et investie d’une mission internationale, un ex-mari aux mœurs étranges : le registre oscille entre espionnage, film noir et thriller quasi fantastique.
Une intrigue retorse va en effet permettre à l’héroïne, altérée physiquement par une reconstruction chirurgicale, de ne pas se faire reconnaitre par son mari qui va vouloir la faire passer pour son épouse, qu’il croit morte, afin de récupérer son héritage. Aussi peu crédible que pourrait l’être un film de De Palma, entre relecture de Vertigo et Obsession, le film s’étiole néanmoins par sa frilosité. A la première entrevue, presque émouvante, où la femme jouant son propre rôle cherche la reconnaissance par une idéalisation amoureuse succède une pesanteur narrative qui surligne les enjeux : un mari méchant, symbole de la mesquinerie en temps de guerre, des amis aveugles, et le trauma des camps, évacué entre une scène confession téléphonée et un suicide bien opportun.
Cette valse-hésitation finit par neutraliser toute implication réelle du spectateur : trop peu crédible pour être bouleversant, trop timide pour générer un véritable malaise. La démonstration, didactique et sans réel cap, opte de plus pour un final en suspens qui achèvera d’irriter les plus sceptiques. C’est d’autant plus dommage que la riche ambiance visuelle invitait à une atmosphère autrement audacieuse, qui aurait pu conduire sur des voies de traverses bien plus retorses.
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Guibord s'en va-t-en guerre - 6,5/10

Messagepar Nulladies » Lun 08 Aoû 2016, 06:28

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Global charming

Alors que le Canada doit décider s’il s’engage dans une guerre en Moyen-Orient, le jeu des alliances et des oppositions voit le sort du scrutin dépendre d’un seul député, ancienne gloire de Hockey perdu dans sa forêt et ses problèmes locaux. Tout le monde est en mesure de décider à sa place, de sa femme belliqueuse et un peu opportuniste au maire qui y voit l’opportunité de créer des emplois, en passant par sa fille qui refuse de le voir envoyer sa génération se faire tuer à l’autre bout du monde.
Un nouveau stagiaire venu d’Haïti, aussi optimiste qu’érudit, entre dans la dense et y voit l’occasion d’une « fenêtre de démocratie directe », concept auquel même le député ne comprend au départ pas grand-chose.
Et l’équipe de se lancer dans une vaste consultation locale sur la question, permettant à chacun de s’exprimer, des warriors de la paix aux indiens des réserves, des camionneurs aux mineurs, dont les revendications passent par de constants blocages des seules axes routiers que le député, phobique de l’avion, sillonne continuellement.
Guibord s’en va-t-en guerre est clairement une fable comique, qui assume avec bonhomie la simplicité de son propos : mais l’écriture habile permet de mêler de nombreux thèmes, le nœud central reliant famille, amitié, questions locales, enjeux nationaux et vision d’un « village globalisé ». Le contrepoint du personnage de Souverain, qui fait progressivement des conférences sur Skype à toute la population d’Haiti sur la situation et l’influence qu’il a sur elle est une grille de lecture du film : les spectateurs amusés, sont excités par les possibilités données à la démocratie, tout en en mesurant les rouages grippés.
Sans verser dans l’utopie improbable inhérente au feel good movie, le récit, souvent très drôle, tient à l’équilibre de ses personnages, notamment dans le caractère dépassé et incrédule de Guibord, épaulé par son improbable sidekick haïtien. Ajoutez des répliques et des situations cocasses, quelques running-gags (notamment par le passage récurrent d’un fauteuil roulant électrique) et jeu de mise en scène avec des split-screens facétieux, et vous avez là une discrète, modeste mais toute à fait stimulante comédie de l’été.
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Deux amis (Les) - 6/10

Messagepar Nulladies » Mar 09 Aoû 2016, 09:52

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La nuit j’aimante.

Quand Louis Garrel passe à la réalisation, il y a fort à craindre en matière de franco-France au cm carré. Les deux amis commence par tenir ces craintives promesses, dans le portrait de deux trentenaires aussi libres que pathétiques, dont le visage de cocker et la voix fêlée de Macaigne expriment la quintessence.
Paris, des ralentis, des scènes de « décrochages poétique » (ou ambitionnées comme telles, à l’image de cette danse forcée dans le café désert) des discussions sur l’amour, l’amitié et la liberté… Il faut s’accrocher pour jouer le jeu et se laisser immerger dans un monde un peu trop codifié pour être véritablement émouvant, qui plus est quand on assiste à la sempiternelle partition de comédiens se contenant d’être eux-mêmes.
Il faut tout de même reconnaitre à Garrel le courage de son ton : il assume un romantisme échevelé qui côtoie par instant, sans l’atteindre, le ridicule, et joue sans cesse à infuser dans son écriture les limites qui semblent être celle de l’immaturité affichée de ses personnages : conseils foireux en matière de séduction, gestion calamiteuse de la liberté, nuit blanche comme une fuite en avant : rien ne permet, semble-t-il, la leçon ou le progrès.
Le cœur du récit joue de cette dramaturgie : la permission accordée à la détenue déraille, et lui permet les expériences de la liberté, du libertaire (appuyées par le tournage, un peu lourdaud, des émeutes de 68), voire du libertinage. Gosfiteh Farrahni prend visiblement plaisir à cumuler ce que son pays d’origine pourrait lui reprocher (mœurs légères, alcool, nudité…) et à faire tourner la tête de nos deux clampins nationaux, et il faut concéder une certaine ironie de la part de Garrel pour comprendre une partie de son projet.
Car l’essentiel, comme le rappelle le titre, est ailleurs que dans ce décorum d’une nuit blanche. Il s’agit surtout d’une rupture inattendue et de la façon dont un dominé au long cours décide de s’émanciper. Le discours de Clément à Abel, sa franchise, l’aspect définitif de ses déclarations retournent habilement l’équilibre qu’avait établi le début du récit, et qui donnait la part belle à l’acteur-réalisateur.
« On est devenu des minables », lui dit-il, tout en se désolidarisant de cet état de fait. Sur cette direction nouvelle, le film retrouve une vigueur et une sincérité qu’on n’attendait plus, et laisse présager un regard plus singulier qu’il n’y parait de l’apprenti cinéaste sur les terres balisées du cinéma hexagonal.
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2016

Messagepar pabelbaba » Mar 09 Aoû 2016, 10:00

Sympa l'affiche, on dirait un Jay & Bob français. :chut:
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2016

Messagepar Jed_Trigado » Mar 09 Aoû 2016, 10:12

:eheh:
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2016

Messagepar Nulladies » Mer 10 Aoû 2016, 10:16

Oué mais là ils parlent vachement plus. Des français, quoi.
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Rocky - 7/10

Messagepar Nulladies » Mer 10 Aoû 2016, 10:18

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Find the gap

Il est toujours assez surprenant de s’attaquer à un mythe sur le tard. On a beau l’avoir évité depuis des décennies, ses effluves l’ont accompagné, et son culte a laissé de lui des traces un peu partout, des contours flous qui contribuent à une idée, vague et fausse, de ce que pourrait être le cœur du sujet. Une musique, un cri, un pays, et la pesanteur d’une légende suffisaient à tromper.
Rocky, sur le même principe que le premier Rambo du nom, est moins un film sur un égo que sur les bas-fonds, sur le sport que sur l’Amérique et son rapport à la légende.
Dans Rambo, on refusait au héros son retour à la société, sa fusion étant impossible au vu de ce qu’il représentait. Rocky est son miroir inversé : il est cette masse de laquelle il ne semble pas pouvoir s’extraire, et il la porte avec elle jusque sur le ring. Paulie, Adrien, Mickey ne sont rien d’autre que les multiples facettes des laissés pour compte, pour qui la vie semble déjà finie. Chacun, tour à tour, aura droit à son sursaut de révolte, et si le film ne contient que deux matchs, dont un premier particulièrement laborieux, tout le récit ne montre rien d’autre que des combats.
Rocky sort la même année que Taxi Driver, et partage avec lui cette vision désenchantée d’une ville minée observée par un anti-héros. Si les trajectoires sont radicalement opposées, le constat est le même : il s’agit de penser petit pour tenter d’exister en tant qu’individu. De ce point de vue, la modestie affichée et touchante de Balboa, avec ses animaux, sa blague quotidienne, sa drague aussi maladroite que ses leçons morales de rue, occupe la grande majorité du récit, et se voit opposée au clinquant de Creed, représentant des valeurs fallacieuses de l’Amérique (au même titre que Charles Palantine, le candidat à la présidentielle chez Scorsese) qui confond sport et spectacle. Avec lui, le Land of opportunity est un argument de vente, et dès le départ, l’idée de choisir un anonyme est prise à rebours par le scénario de Stallone : c’est certes la perche idéale (inspirée d’un combat réel entre Mohamed Ali et Chuck Wepner en 1975), mais personne n’est dupe : ce n’est pas la victoire ou non qui décidera de la grandeur d’un homme choisi pour son surnom ridicule (Italian Stallion), mais bien la façon dont le parcours jusqu’à l’affrontement fera de lui un individu. Creed, c’est l’Amérique (« He looks like a big flag », dit de lui Rocky) de la légende toc, qui fait des italiens ses ancêtres et qui mise tout sur le show, vision particulièrement ironique et prophétique avant les années Reagan, et le cinéma à venir de Stallone.
Pour l’instant, c’est le simple d’esprit qui a droit de cité, dans un film qui tire paradoxalement sa principale force de ses maladresses et sa fragilité. En terme de réalisation, l’ensemble est tout juste passable, et le combat n’est franchement pas mémorable, tant dans les prises de vue que le montage. Ce n’est pas dans ses coups d’éclat qu’il se distingue le plus, mais bien sur son endurance et sa capacité à construire de véritables trajectoires. De ce point de vue, le personnage à part entière qu’est Philadelphie occasionne les plus belles prises de vue : de cette rue terriblement répétitive par ses façades toutes identiques dans laquelle vit Rocky, et de ce parcours sur lequel il court et qui ne cesse de s’élargir.
La séquence qui parvient ainsi à devenir réellement mythique est celle de la fusion avec la ville, lorsqu’il arpente les marches qui le mènent à une victoire aussi fantasmatique qu’esseulée. Le sentiment qu’il génère n’est pas de l’admiration, ou de cette crainte qu’aurait le commun des mortels face à l’inaccessible héros, mais bien de la tendresse, la même qu’on retrouvera dans cette conclusion improbable où une déclaration d’amour occulte une défaite qui n’en est pas une.
Surprenante, donc, cette lecture originelle de ce qui sera un mythe indissociable de l’Amérique : un pays miné, un parcours du combattant dans lequel on cherche moins à briller qu’à panser ses plaies, ce qu’un homme un peu simplet trouve auprès d’une fille un peu timide : She's got gaps, I got gaps, together we fill gaps.
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2016

Messagepar Dunandan » Mer 10 Aoû 2016, 14:39

Jolie critique :super:
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2016

Messagepar Nulladies » Jeu 11 Aoû 2016, 05:46

dunandan a écrit:Jolie critique :super:


Merci :wink:
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Marqué par la haine - 8,5/10

Messagepar Nulladies » Jeu 11 Aoû 2016, 10:11

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Fist Side Story

À l’origine de Rocky, Graziano : même s’il ne l’a pas vraiment reconnu, Stallone n’a pas seulement baptisé son personnage en hommage à ce boxer des années 40. Il est aussi allé puiser dans ce splendide biopic dû à Wise, qui avait déjà fait ses armes sur le ring avec le non moins fantastique Nous allons gagner ce soir.
Attaché à restituer la vérité, cautionnée dès le départ par Graziano lui-même, le récit s’attarde avec bonheur sur l’enfance et l’adolescence chaotique d’une petite frappe, condamnée dès le départ au cercle vicieux de la violence. Incapable d’intégrer une quelconque forme d’autorité, ne saisissant aucune chance lui étant donné, Rocky est aussi détestable que le monde dans lequel il évolue dépourvu d’opportunités réelles. Dans un New York où les bandes de voyous semblent annonce Il était une fois en Amérique, la descente aux enfers semble constante. C’est d’ailleurs là l’un des grandes qualités de ce regard, que de ne pas céder aux sirènes de l’hagiographie : Rocky est perdu, et le resterait sans l’intervention d’une communauté bienveillante se tissant autour de son talent, et au premier rang de laquelle on trouvera son épouse. D’abord effarée et dans le rejet de cette brutalité, elle commence par se faire violence pour l’admettre comme la seule thérapie possible pour l’homme qu’elle aime, avant de la dompter pour lui faire enfin relever la tête.
L’épouse, la mère, le manager d’un côté, le père détruit ou les anciennes mauvaises fréquentations qui viennent souiller la vedette de l’autre : sur un schéma tragique classique, Wise ne perd jamais de vue l’authenticité du personnage qui se débat avec ses démons et tente de se faire une place dans la société, parfois en dépit d’elle.
Des bas-fonds clair-obscur à la lumière du ring, Wise fait toujours autant de merveilles, et investit le champ des combats avec une dextérité que n’a justement pas son champion. Caméra subjective, multiplication des angles, énergie des mouvements, la syntaxe de la boxe au cinéma est posée, et il est nécessaire de le rappeler. Alors qu’elle est timide dans Rocky, on aurait tendance à croire que Scorsese a tout mis en place dans Ragging Bull quelques années plus tard, alors qu’il doit beaucoup à Wise.
Enfin, on ne peut éluder la performance de Paul Newman, qui doit ce début de carrière à la mort prématurée de James Dean. Toute la palette complexe du héros torturé, qu’on retrouvera dans Le Gaucher et L’arnaqueur, est déjà à l’œuvre, et il se donne pour son rôle avec la même vigueur que Rocky cogne, sans stratégie ni filets, au profit d’une authenticité brute. On en oublierait sa gueule d’ange.
Si quelques échanges restent encore un peu théâtraux, n’oublions pas que nous ne sommes qu’en 1956 : Marqué par la haine, avec ce qui se fait de mieux pour l’époque en terme de comédiens, de photographie et de mise en scène, parvient à lier les enjeux sociétaux à la fébrilité du sport, l’épanouissement sentimental et filial d’un individu à l’extériorisation de sa violence : un uppercut du septième art.
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