Under the fridge.
Michael Mann fait partie de ces auteurs parvenus à un point de leur carrière où l’on ne sait plus trop quoi penser. Leur prestigieux passif permet une lecture plus attentive de leur œuvre, voire une tolérance démesurée à certains écueils ; mais elle peut aussi rendre ces derniers déraisonnablement impardonnables.
Depuis Heat, Mann est du sérail, et chaque nouveau film s’empare d’un genre pour le sublimer ou le détourner : le biopic un peu malade avec Ali, l’investigation avec Révélations en sont deux exemples : la patte Mann fonctionne et génère une œuvre singulière, dotée d’une force d’impact que seul lui pouvait lui donner.
Miami Vice ne sort pas de nulle part, contrairement au précédent Collateral, petit thriller inepte joliment emballé : Mann était déjà aux commandes de la série dans les années 80. Le plaisir des retrouvailles est assez palpable dans ce bling-bling assumé de belles bagnoles, de boites de nuit, du fric et de frime : on va à la Havane pour boire le meilleur Mojito, on se déplace dans des hors bords rutilant, dans une atmosphère à la James Bond.
Comme il l’a fait depuis pour Hacker, le principe est de prendre les stars du moment (ici, Collin Farrel et Gong Li), de capter le frisson contemporain (technologie, caméras de surveillance, téléphones cellulaire) et de restituer le tout dans une esthétique le plus souvent numérique, et qui emprunte assez largement à la série 24h : caméra à l’épaule, mise au point sauvage à la façon du documentaire, mouvements nerveux. On a connu Mann plus inspiré.
Le scénario reste le point le plus fragile, dans cette banale histoire d’agents undercover, construite avec tous les gimmicks attendus (la scène de douche du couple black annonce celle de Farrel et Li, la menace de transformer le méchant en Jackson Pollock se concrétise deux heures plus tard…). L’intrigue manque clairement d’enjeu, le montage est impersonnel, et tout se joue avec une distanciation très étrange, une froideur qui posera aussi problème dans Public Ennemies et Hacker : cette volonté de nimber l’œuvre d’une mélancolie malade annihilant à peu près tout son potentiel. Le cinéphile ne s’y trompera pas : tout ceci est plus de l’ordre d’une volonté audacieuse que d’un ratage maladroit, mais il reste à se poser la question de l’effet : bien souvent, le registre lui-même est loin d’être efficient. Gong Li a beau être sublime, son personnage n’est jamais crédible. Farrell joue tout aussi mal qu’Hemsworth dans Hacker, à croire qu’on leur donne des consignes, et leur liaison impossible est bien loin de la noirceur bien plus palpable qui irriguait celle des couples dans Le Solitaire ou Heat.
Ce point délicat d’équilibre – la franchise blockbuster et le regard de l’auteur – n’est jamais véritablement atteint. Tout au plus peut-on être séduit de voir un sujet aussi éculé que ce polar lambda contaminé par des velléités non commerciales : c’est là le mérite de Mann, mais il se limite à une intention, dont les effets sont loin de convaincre.