Showgirls - Paul Verhoeven (1995)
Ah,
Showgirls.... Osez le mentionner en bien dans une conversation cinéphile et vous voilà taxé de pervers et de machiste !
Consideré par beaucoup comme l'aberration filmique des années 90 en particulier à Hollywood qui en à rejeté le contenu sulfureux à la limite de la pornographie. Pourtant, le film de Verhoeven vaut bien mieux que sa réputation peu flatteuse. Tout d'abord, il se situe à l'apogée de sa confiance avec les financiers qui après le succès impressionnant de
Basic Instinct (300 millions de recettes pour cette commande indigne) lui donnent les mains libres pour un projet qui aurait dû selon les producteurs surfer sur la lancée de son précédent film : Eszterhas au script et beaucoup de sexe à la clé. Mais c'est mal connaitre Paulo qui n'allait pas réitérer son erreur et va faire plier l'industrie à son profit, il impose un contrôle artistique total et une classification suicidaire d'un point de vue commercial, le NC-17, qui interdit le film à toute forme de promo mais qui permet par contre d'y aller franco sur le cul.
Passons le côté anecdotique pour mieux analyser le contenu de Showgirls : la première chose qui tranche avec ses précédents films américains, c'est qu'il n'appartient pas aux codes d'un genre bien précis comme dans sa période hollandaise qui étaient à la croisée des genres (souvent le drame et la comédie). Cette absence de contraintes rend le film plus direct mais moins acceptable aussi, si Paul avait abordé le propos de Showgirls par le biais d'un polar ou d'un autre genre codé, le film aurait beaucoup moins choqué je pense (regardez aujourd'hui comme on encense un Robocop ou un Starship Troopers alors qu'ils sont beaucoup durs dans leur peinture du monde que Showgirls). Avec cette affirmation, on peut dire qu'il s'agit du plus hollandais de ses films américains d'autant qu'il est le prolongement thématique de Katie Tippel sorti 20 ans plus tôt : une héroine évoluant dans un univers qui n'est pas le sien en se servant de son corps pour arriver à ses fins.
Showgirls c'est quoi : une oeuvre misanthrope et vulgaire. Un regard sur le vice qui ronge l'Amérique et sa ville la plus représentative, Las Vegas. J'ai même tendance à croire que Verhoeven n'est allé aux States que pour faire ce film, tant il était impossible ou du moins inutile de placer l'action en dehors des USA. Car Vegas est une ville paradoxale au sein d'un pays qui s'est toujours porté défenseur de bonne morale. Et notre ami hollandais va se charger de lui renvoyer à la gueule certaines vérités avec force et provocation.
De manière complaisante, on découvre un univers où la morale n'a pas lieu mais où les apparences semblent importantes. Le sexe devient plus qu'un simple stimulant mais clairement un enjeu de taille pour réussir dans le milieu. J'ai beaucoup apprécié le fait que Paulo ne tombe pas dans le féminisme de bas étage et au contraire nous la joue "tous pourris" : les hommes sont des gros débiles haut placés qui pensent avec leur bite et les femmes sont soit naïves ou calculatrices. Un dialogue édifiant entre Cristal et Nomi crève l'abcès en disant qu'au fond elles ne sont que des putes, danseuses ou pas, qui montrent ce qu'il faut voir quand on le leur demande.
Showgirls démonte les rouages d'un monde où ce genre de comportement est devenu normal et symptôme donc d'une société malade à force d'excès.
Personne n'est épargné que ce soit le directeur beau gosse joué par Kyle Mac Lachlan (très bon choix cela dit en passant) dégoutant de sournoiserie et de bêtise ou Glenn Plummer (lui aussi excellent), petit videur qui fait n'importe quoi pour se taper de la gonzesse (la scène où il avoue ne pas aimer sa nana mais qu'il va l'épouser juste parce qu'elle est enceinte, elle fait assez froid dans le dos je trouve).
Traiter du monde de la danse, n'est qu'un artifice pour dissimuler l'apparente vulgarité de Vegas, même si la mise en scène des chorégraphies est sublime, d'autant certaines vont très loin dans la représentation sexuelle (le coup de langue en gros plan sur l'avant de la culotte de Berkley
) ou alors la cultissime séquence de lapdance où Nomi baise littéralement son client (détail très amusant qui renvoie à une scène similaire entre Rutger Hauer et Jennifer Jason Leigh dans
La Chair et le Sang). Le climax est vraiment le moment fort du film et peut être le plus juste concernant la réalité, un tel acte pourrait être étouffé de cette manière sous prétexte que la personne incriminée est célèbre. On peut tout se permettre au pays de l'Oncle Sam tant que l'on contribue au business, en gros voilà la vraie morale (si il y a) de
Showgirls.
Une oeuvre unique, intrigante, couillue, sensuelle, mais pourtant très chic esthétiquement, avec un beau travail (son meilleur et de loin) de Jost Vacano en scope qui filme La ville du vice avec la démesure qu'on lui connait.
9,5/10