[Nulladies] Mes critiques en 2016

Modérateur: Dunandan

Bullitt - 7,5/10

Messagepar Nulladies » Sam 11 Juin 2016, 05:58

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Fast & serious

Pour le novice désireux de se faire une idée de la quintessence des 70’s, le générique de Bullitt est l’exemple parfait : travelling latéraux sur le mobilier d’un autre temps, police de caractère, attention porté aux objets, cuivres chamarrés et percussion afro cubaines de Lalo Schifrin, rien ne manque.
Contrairement aux attentes qu’il peut susciter au vu de sa séminale scène de poursuite, Bullitt se distingue avant tout par sa lenteur. Porté par une mise en scène méthodique, investissant les lieux comme le fait l’enquêteur, le récit s’attache à montrer un homme au travail, qu’aucun obstacle ne fera dévier de sa route. De ce point de vue, c’est le visage sensationnel de McQueen qui fait l’essentiel du travail : concentré, marmoréen, entièrement rivé à sa tâche, il fait montre d’un professionnalisme bien loin des hystériques revanchards que les années Reagan vomiront par la suite. Incorruptible et droit dans ses bottes, le flic représente paradoxalement une école des anciens, face aux multiples détours que concèdent les politiques en place.
On pense, dans cet esprit, à un certain nombre de personnages de Michael Mann, experts isolés dans un monde aux repères qui s’effritent, du Solitaire à Heat, avec qui il partage aussi ses problèmes d’un couple sacrifié à des intérêts supérieurs, ainsi que la traque finale dans un aéroport.
L’intégrité du personnage n’a d’égal que celle de la mise en scène : minutieuse, professionnelle, elle est entièrement inféodée à la question de la lisibilité. C’est la raison qui fait de cette fameuse course poursuite un jalon du septième art. Dénuée de musique, tout comme de dialogue, voire d’expression faciale, elle se préoccupe de son essence, à savoir un parcours dans les rues de San Francisco. Raccords, jeu visuel sur les rétroviseurs, travail d’orfèvre sur les bruitages (vrombissement, freinages, suspension, mécanique…), immersion visuelle définissent un véritable modèle du genre, dont la descendance est infinie, de Vanishing Point à Death Proof de Tarantino.
Ou comment la lenteur dans une scène de poursuite effrénée permet d’accéder à sa véritable dynamique : une leçon de cinéma.
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Solitaire (Le) (1981) - 8,5/10

Messagepar Nulladies » Dim 12 Juin 2016, 06:11

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Dans la pâleur de la nuit.

Le premier film à sortir en salle de Mann est à voir comme le programme de toute son œuvre à venir, avec un avantage non négligeable : à l’aube de sa filmographie, le réalisateur a tout à prouver, et tient encore compte de son spectateur.
Thief, c’est avant tout la jubilation partagée avec son personnage pour la minutie : celle des casses mime la méticulosité du découpage et la précision impeccable des plans. Tout le récit s’articule autour de la figure d’un puriste, comme on en retrouvera beaucoup chez Mann, qu’ils soient au service de la loi ou du crime.
L’ancrage est le deuxième élément fondamental : le cadre spatio-temporel fait l’objet d’une restitution presque obsessionnelle. L’espace est celui de la ville, occasionnant des séquences de transition qui deviendront la patte du cinéaste : enseignes lumineuses reflétées sur la carrosserie rutilante de la voiture sombre, vues en surplomb sur les artères et les buildings, offrant à la convoitise ce grand terrain de jeu pour ceux qui s’avent le prendre d’assaut. Le temps quant à lui, c’est la décennie 80 : après les jaunes de Lumet (Serpico, Un après-midi de chien…), place au bleu, une lumière électrique, une bande son de Tangerine Dream d’un goût presque douteux, autant d’éléments qui feront la sève de l’hommage par Refn dans Drive.
Thief, enfin, c’est le portrait d’un personnage auquel le titre français rend justice. Jusqu’à ce fameux « dernier coup » qui balise tant d’intrigues, le personnage brillamment incarné par James Caan s’est fait tout seul. Mais il est donc le seul à jouir des fruits de ses casses, jusqu’à l’arrivée d’une femme, autre élément clé du film noir que Mann ne cessera d’exploiter, de LA Takedown à Heat, en passant par Public Ennemies.
La question de la famille et de la paternité est abordé avec une perversité toute tragique : Frank, pour pouvoir adopter et devenir père, doit accepter qu’un parrain local lui impose sa propre paternité, évidemment intéressée. Comme si rentrer dans le rang (le dernier casse, le mariage, la famille) imposait une dépendance autrement plus destructrice.
Thief relate cette convergence catastrophique sur la figure du cowboy solitaire, puisque s’ajoute à la longue préparation du braquage ultime la sollicitation de ripoux qui exigent leur part du gâteau.
Mann aime prendre son temps, autre parallèle possible avec son personnage : la préparation du braquage, l’outillage, les différentes méthodes sont longuement évoquées, tandis que la mise en place de la romance occasionne de son côté de longs dialogues qui permettent aux personnages d’exister : c’est notamment le cas pour le l’intrigue secondaire avec l’ami détenu qu’il fait sortir pour raison de santé, et qui permet d’enfoncer le clou de la logique perverse du récit : tout entreprendre pour tout perdre.
Car le braquage n’est bien entendu par le point d’orgue du film : le principe de la tabula rasa le supplante. L’épilogue crépusculaire, sorte de répétition de Heat, fait le deuil des rêves en chiffonnant ce petit collage naïf que le détenu avait composé en cabane : il reste le feu, le sang, la nuit.
La ville est toujours aussi rutilante ; elle dissipe l’éclat faux des diamants, elle estompe les illusions. Elle efface le sillage d’une voiture solitaire, qui ne laisse derrière elle qu’une trainée rouge, mascara éphémère de cette instance dévorante.
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2016

Messagepar Jimmy Two Times » Dim 12 Juin 2016, 22:37

Elle tue la BO de Tangerine Dream sur ce film! Elle n'est pas d'un goût douteux, qualificatif que j' emploierai plutôt pour celle de La Forteresse Noire. Sinon chouette critique de ce chef d'oeuvre (oui déjà). Une rétro en vue?
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2016

Messagepar Nulladies » Lun 13 Juin 2016, 06:00

J'ai un peu du mal avec les mélopées synthétiques, mais ça a un certain charme...

Je vais me faire l'intégrale de Mann. Tout revoir à l'exception de Hacker, déjà critiqué en son temps.
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Neon Demon (The) - 7,5/10

Messagepar Nulladies » Lun 13 Juin 2016, 06:01

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Splendeur et décadence.

La plastique, c’est hypnotique.

La bande annonce, le clip, la publicité : autant de formes audiovisuelles à la densité plastique extrême qu’on louera pour leur forme en méprisant le plus souvent leurs velléités commerciales. Outils de promotion inféodés aux faiblesses de la masse pour le clinquant, ils sont ce que le cupcake est à la pâtisserie : une gourmandise souvent bien plus belle que savoureuse.

Refn sait faire tout cela, et probablement mieux qu’un grand nombre de ses pairs ; The Neon Demon est l’occasion pour lui de questionner les enjeux d’une telle séduction, et d’y instiller le pendant horrifique qui a toujours infecté son œuvre : la beauté et la mort, la peau et les organes, le charme et l’effroi, la saveur et le dégoût.
Conte initiatique, son récit navigue entre deux eaux troubles : celle, académique, du parcours initiatique d’une jeune mineure venue faire ses armes dans la cité des anges, et n’ayant que sa beauté à vendre ; l’autre, formaliste, lui ouvrant les arcanes d’un monde vampirique et cruel où l’on dévore et customise la femme pour la figer sur papier glacé.
Cette phase immersive est probablement la plus réussie du film : parce que le spectateur est amené à s’identifier à la protagoniste, il épouse avec elle ses errances visuelles de papillon de nuit : un premier shooting sanglant qu’on croirait déjà décadent mais qui n’est qu’un rite d’initiation, une boite de nuit stroboscopique occasionnant un fabuleux jeu de regards interloqués, et une séance photo où la démesure des espaces, de la tension et de la prédation résonnent comme une défloraison cathartique.

Refn sait faire : du placement de ses mannequins aux mouvements de caméra, lents travellings avant ou arrière semblant se prosterner face à l’autel de la beauté froide, il compose un écrin magnétique que Cliff Martinez sait comme toujours recouvrir de son glacis synthétique. Les intérieurs se multiplient, la musique artificielle a pris le dessus et nous invite à une post-humanité qui n’est pas sans évoquer certaines ambiances (notamment par quelques titres de la BO) de Blade Runner. Les regards des décideurs sont avides, le bruit des flashes évoque celui d’une arme blanche : bien entendu, les maitres ne sont pas loin, dans cette captation de la femme au service d’une industrie déviante du divertissement, que ce soit dans le Lynch de Mulholland Drive & Lost Highway ou le Kubrick d’ Eyes Wide Shut.

On en oublierait la notion de récit. Car tout transite autour de l’astre Jesse dont la beauté suscite d’autant plus d’extase qu’elle est naturelle : on vénère sa jeunesse, sa virginité, son innocence au point de s’affranchir de toute mesure.

Belle, c’est un mot qu’on dirait éventé par Elle.

Le film ne parle que de ça. Et face à cette insolence, cette injustice aussi, la raison et la civilisation se pulvérisent. Le cinéaste se joint à la cohorte des shootés qui ploient face à la quintessence d’une notion après laquelle ils courent, qui plus est en concurrence avec l’Ennemi, le temps dévorateur.

Refn lui-même s’agenouille devant ce modèle et s’inflige la déraison subie par ses satellites : les fantasmes divers et de plus en plus déviants commencent à sourdre pour ceux qui ne peuvent que contempler l’intouchable, la nimber de couleur, la capturer à l’image sans jamais l’atteindre, sans pouvoir s’approprier ne serait-ce qu’une poussière d’étoile de sa fulgurante présence.

L’usufruit de vos entrailles est bénit.

Deux mondes s’affrontent : celui, intime, de la femme fleur qui s’épanouit à la prise de conscience de sa beauté, jusqu’à en quitter le monde des vivants, lors d’un trip visuel où les triangles cabalistiques laissent libre cours à des séquences chères à Refn, notamment dans cette image récurrente de mains sur une toile épaisse déjà évoquée dans Inside Job. Celui, public, des prédateurs (du puma au tenancier du motel, du premier photographe à la maquilleuse, jusqu’aux concurrentes bioniques) un monde dans lequel les hommes sont certes violents, mais moins redoutables que les femmes, qui seules sont initiées aux pratiques occultes de la Beauté.

(spoils)
C’est donc dans l’eucharistie que doit se conclure le culte. Atteindre la chair en la faisant sienne, et boucler la boucle du sang initiée dans un fake plastique qu’on voudrait voir gicler pour de bon, écho de ce dépucelage fantasmé qui n’adviendra jamais pour que la sacralité puisse être totale.
Gratter la surface jusqu’à l’user, atteindre les entrailles, faire de la métaphore dévoratrice un premier degré tout aussi plastique : cette provocation ultime a son sens, et la séquence finale (davantage que le viol nécrophile, plus dispensable) s’inscrit dans une catharsis longuement annoncée.

Aller jusqu’au bout : c’était déjà la quête de Valhalla Rising, c’était dans le radicalisme noir d’Only God Forgives, ou la geste folle de Bronson.

La dynamique se tient, à une exception près : la parole. Dans ce temple dévoué à l’apparence qui rend fou, il n’était pas utile de tant sur-expliciter certains enjeux : quitte à faire de l’image pure la quête absolue, autant être vraiment à sa hauteur en abandonnant le discours verbal : au vu de la virtuosité visuelle de Refn, c’était possible ; là, l’audace eut été totale.
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Super 8 - 7,5/10

Messagepar Nulladies » Mer 15 Juin 2016, 05:38

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In sight Special

J.J. Abrams n’a jamais caché sa filiation avec les grands maitres du cinéma populaire des années 80, et son récent travail d’hommage sur Le réveil de la Force suffit à le manifester. Dans Super 8, il s’offrait les détours d’un univers plus singulier, sans franchise ni genre, et affirmait une sensibilité qui allait infuser de manière salvatrice un blockbuster parmi tant d’autres.

Super 8 marche clairement dans les pas de ses ainés, notamment par la bande de potes tout droit sortie des Goonies, à la différence de taille que le spectateur va pouvoir s’attacher à ces personnages. Récit sur l’enfance, le film restitue à merveille cet âge tumultueux, où l’on brave l’autorité et l’on a accès, comme dans tout récit d’aventure, à un monde que les adultes s’obstinent à ne pas voir. Les types sont distribués avec efficacité, du gros au chef de bande, du timoré à la belle torturée, dans un cadre qui fleure bon l’Amérique profonde et ses coutumes imposées au monde entier via l’entertainment.
La mise en abyme, si elle n’est pas particulièrement fine, est touchante parce qu’au diapason de la sincérité des enfants qui manient la caméra : Abrams y affirme sans complexe son plaisir enfantin à jouer, à bricoler, à ménager l’émotion, et semble d’avantage se réjouir de leurs émois universels que des phénomènes paranormaux auxquels ils vont être confrontés.
Les concessions restent grandes au blockbuster, et à grands renfort de lens flare et de CGI encore assez mal gérée, le crash du train ou l’attaque du bus accusent certaines limites dans le bon goût. Tant qu’elle est occultée comme dans Alien, Cloverfield ou les débuts de Jurassic Park, la créature est convaincante ; on ne peut pas en dire autant des séquences finales qui appauvrissent l’émotion initiale par une surexposition de tout ce qui stimulait l’imaginaire.
Car tout se joue bien autour du thème du regard. Celui de la caméra, évidemment, qui tourne, mais qui garde aussi la mémoire, comme en atteste la projection des images de la mère défunte. Joe se lance dans ses émotions par le regard : sur Alice par la fenêtre de sa voiture ou dans son rétroviseur, vers la direction à prendre par le trou fait dans le mur, et face à la créature qui lui offrira un regard humain, celui de sa mère.
Cette émotion primale est sa quête :
“She used to look at me... this way, like really look... and I just knew I was there... that I existed.”
De la même façon, Alice existe en tant que comédienne sous la camera de ses camarades, tandis que les adultes traumatisés, les pères coupables, ne cherchent qu’à se cacher.
Le parcours aventureux se double donc de quêtes émotionnelles : celle de l’émotion première du spectacle, faisant de la ville un terrain de jeu, de ses souterrains les cavernes horrifiques des cauchemars. Inféodé à l’enfance, le monde des adultes ne tourne plus rond, et l’armée voit ses engins réduits à l’état de jouets autonomes qui tirent dans tous les sens, les cloisons éventrées pour s’ouvrir tels des écrans sur une guerre qui ravit. L’autre quête est celle de l’amour, bien entendu : entre un père et son fils qui doivent apprendre à se connaitre, entre un jeune garçon et une fille lieu commun rendu particulièrement touchant par des comédiens d’une grande justesse, particulièrement la sublime Elle Fanning. Entre un enfant et sa mère, aussi, dans l’intitiation au deuil.
Ce dernier point rejoint celui de la quête ultime, celle de la créature : comme dans E.T. ou Midnight Special, il s’agit du retour : la mélancolie est là même, cette appréhension de l’étranger (l’alien) mêlée à cet enthousiasme effrayé de la confrontation à plus vaste que soi : l’univers infini, l’horizon céleste de leur destination. Laisser partir la créature qui fascine, laisser partir la mère dans un geste simultané, ce pendentif qui rejoint le grand mouvement magnétique des objets et des élans émotionnels.
Sous le parrainage de Spielberg, à la production, JJ Abrams reprend bien le flambeau : donner à voir, certes, dans un ballet pyrotechnique et flamboyant, les mystères d’un autre monde. Mais la « plus-value sur la production » qui obsède les apprentis cinéastes est ici bien plus intense : c’est l’humanité des personnages et leurs émotions universelles.
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Forteresse noire (La) - 3/10

Messagepar Nulladies » Mer 15 Juin 2016, 05:39

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Les traîtres de l’univers.

OVNI dans la filmographie de Michael Mann, La forteresse noire est avant tout le résultat d’un immense gâchis.
On connait l’ambition et la méticulosité du réalisateur, et le résultat final est évidemment indigne de ce qu’il projetait. Un tournage cauchemardesque, le décès du superviseur des effets visuels lors du tournage et un remontage exigé par le studio (la version de Mann durait 3h30…) expliquent sans doute beaucoup de ce qui nous est donné à voir.
Car si l’on laisse sa chance au film, l’exposition est plutôt prometteuse. Dans un registre fantastique, unique incursion à ce jour du cinéaste, Mann se concentre avant tout sur l’architecture, l’une de ses grandes obsessions visuelles. La forteresse en question, en pierre noire, fait l’objet de toutes les attentions, tant dans son aspect extérieur que sur ses aménagements, alternance entre croix lumineuses et dégagements démesurés. On peut appréhender l’ambition de Mann dans ce lieu-personnage : c’est d’une certaine manière la zone de Stalker, tandis que l’incursion vers les profondeurs infinies pavée de monolithes renvoie aussi à l’imagerie de 2001, L’Odyssée de l’Espace.
Mais toutes ces pistes vont rapidement s’étioler sous les affres d’un scénario balisé et obscur à la fois : rien ne fonctionne vraiment, que ce soit l’histoire d’amour improbable avec Scott Glenn, sorte de chevalier de lumière, et la fille de Ian McKellen, Gandalf en version jeune, dont la coupe renvoie à tout ce que les eigthies ont pu faire de pire, et que Lambert synthétise à merveille dans Subway. Il est au passage amusant de voir aussi le futur magnéto vieilli et dans un fauteuil roulant, sorte d’anticipation inversée de son binôme avec le professeur Xavier.
On pourrait expliquer par un montage à la tronçonneuse le manque d’équilibre et d’épaisseur des personnages : rappelons que le film est tout de même passé de 3h30 à 1h et demie… Mais c’est sans compter sur le coup de grâce des effets spéciaux. On se souvient de l’horreur générée par le Dune de Lynch : nous sommes à peu près au même niveau. Éclairs dessinés à la main, fumigènes et yeux rouges pour un méchant pathétique, mix entre Skeletor et Oscar Isaac dans X-men Apocalypse, tout ce qui touche au fantastique est à jeter, le pire étant que cet aspect prend de plus en plus d’ampleur à mesure que le film avance.
Et ce n’est pas la réflexion sur le mal proposée (en gros : les nazis sont méchants mais faire appel à plus méchant qu’eux pour les éradiquer c’est prendre le risque d’avoir des encore plus méchants après) ou le sacrifice amoureux qui viendra sauver la donne.
Parenthèse amusante mais malheureuse dans la carrière de Mann, elle explique sans doute son retour à un terrain plus familier pour la suite de ses films : contemporains, urbains, à hauteur d’homme.
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Comme un homme libre - 8/10

Messagepar Nulladies » Mer 15 Juin 2016, 05:41

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(A)live at Folsom Prison

Le premier long métrage de Mann est un téléfilm, qui mérite pourtant qu’on s’y attarde. Car s’il n’est pas encore empreint de tout ce qui fera l’univers spécifique du réalisateur, il est tout simplement un beau film.
On peut néanmoins comprendre ce qui a pu retenir l’attention du cinéaste : le personnage dont il fait le portrait est une de ces figures de loner qu’il affectionne particulièrement. Condamné à perpétuité pour parricide, il a refusé toute illusion : pas de visite, pas d’attente, il purge. La seule concession faite à son incarcération est la course, qu’il pratique en forcené, à l’intérieur de la cour de Folsom, jusqu’à attirer l’attention des instances sportives qui voient en lui un athlète d’exception.
La réussite du film tient autant dans son intrigue à la symbolique assez intéressante, celle de l’évasion immatérielle (à l’image de la pratique du théâtre pour les détenus dans César doit mourir des frères Taviani) que dans la description quasi documentaire d’un milieu. Mann s’attarde sur les portraits, et varie les échelles entre les gros plans (en insistant notamment sur l’amitié touchante entre Larry et un codétenu noir, complémentaire dans son désir de voir sa femme et sa fille) et les plans d’ensemble sur les communautés ethniques. Sur une rythmique qui rappelle furieusement le Sympathy for the devil des Stones, la course suit son cours et entraine dans son sillage l’ensemble de la structure, qui finit par construire une piste de course pour homologuer les performances de l’athlète. Celui-ci, plutôt impassible, commence par assister de loin à tout ce qu’il fédère, peu réceptif aux sollicitations :
How do you train ?
I don’t. I just run .

Mais c’est bien par cette intrusion extérieure que viendra une part de sa rédemption. A nouveau, Mann laisse le temps aux dialogues, comme il le fera par la suite dans Le Solitaire ou Sixième sens : avec son ami, son entraineur ou son psy, Larry se voir forcé à communiquer. Ce sera la même chose face aux antagonistes, le détenu déchainant les malentendus à force de se faire remarquer malgré lui, et prouvant lors d’une poignante scène de tabassage son amitié indéfectible. Et la grande intelligence du script est de ne pas transformer cette métamorphose en légende à l’américaine, préférant la destinée individuelle à une héroïsation sportive.

Toute la modestie du téléfilm prend ici son sens : pudique, authentique, attachant, crédible, Jericho Mile ne fait pas s’effondrer les murailles, mais atteint les cœurs.
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2016

Messagepar Jimmy Two Times » Mer 15 Juin 2016, 13:32

T'aurais pas un lien pour Jericho Mile, histoire que je parachève ma rétro du bonhomme (me reste plus que Hacker à découvrir)?

Sinon complètement d'accord concerant La Forteresse noire, un beau gâchis. Hate de te lire sur la suite de sa filmo :D
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2016

Messagepar Nulladies » Jeu 16 Juin 2016, 05:30

https://youtu.be/Fx7hjFnzdcI

(mais la qualité est pourrie est les st automatiques)

Sinon il est sur 411...
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Sixième sens (Le) - 9/10

Messagepar Nulladies » Jeu 16 Juin 2016, 05:33

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Bright bite / white heat

À écouter : https://www.youtube.com/watch?v=A4U0KBvzi7g

Les raisons se bousculent pour revoir et reconsidérer Le Sixième sens (Manhunter) de Michael Mann : c’est l’un de ses meilleurs films, c’est l’une des plus belles adaptation de Thomas Harris, qui va générer quelques années plus tard Le Silence des Agneaux et toutes ses nombreuses séquelles, et c’est enfin une voie de réconciliation avec les années 80 : qu’il suffise de considérer l’autre grand film interprété par William Petersen, Police Fédérale Los Angeles, qui souffre d’excès esthétiques assez pénibles, pour s’en convaincre.

Le terrain est certes balisé pour Mann, qui nous propose un film en binôme avec son déjà très beau Solitaire : ambiances urbaines et nocturnes, affrontements entre archétypes et fascination réciproque (le principe fondateur de L.A. Takedown, c’est-à-dire de Heat), polar mélancolique et néanmoins riche de tension.

Mais le traitement du thriller occasionne de nouvelles questions : il ne s’agit plus ici d’une histoire de braquage, mais d’une immersion dans les arcanes du mal par le biais du profiling, avec, déjà, Hannibal Lecter (ici nommé Lecktor) en consultant prestigieux.
Dès le départ, le psychopathe intègre la question du regard dans ses forfaits : cette intrusion de la caméra amateur dans un logement (qui donnera lieu plus tard aux très belles et effroyables thématiques de Lost Highway ou du Caché de Haneke) affirme la puissance de celui qui regarde, et donc incidemment du cinéaste aux commandes : le nombre de plans iconiques est impressionnant, du premier, sur la plage où les deux flics sont assis sur un tronc,


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à un cadavre gisant en croix dans son sang, tout est minutieusement cadré et sublimé. Miroir, et façades vitrées abondent, dans un univers qui fait de l’architecture un protagoniste. Le Sixième sens est un film blanc :

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de la cellule de Lexktor

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aux villas bientôt maculées de sang,

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la blancheur s’impose, aussi impeccable qu’inquiétante : cette froideur alliée au fameux bleuté des 80’s dont Mann s’est fait le spécialiste nimbe son récit d’une aura en parfaite adéquation avec les thèmes traités. La musique, synthétique à souhait, rappelle par moments la mélancolie sublime de Blade Runner, avec d’exploser dans les séquences de meurtre grâce aux guitares grasses d’Iron Butterfly.

Mais Mann ne perd pas non plus ses personnages dans une esthétique qui pourrait les désincarner. Au fil de longues conversations, comme on les a déjà vues dans Le Solitaire ou Jericho Mile, il leur offre l’occasion de s’affirmer : le duel entre Lecktor et Will Graham, bien sûr, mais aussi ce dernier avec son fils dans cette très belle séquence du supermarché. Ce qui est habituellement un cliché du genre, à savoir la famille du flic mise en danger, gagne ici une épaisseur inédite. Mann procède de même dans sa façon de suspendre le temps, notamment dans la phase de séduction entre le psychopathe et l’aveugle, autour d’une séquence aussi insolite que séduisante, au cours de laquelle elle va pouvoir caresser un tigre sous anesthésie.

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De cet équilibre malsain entre personnages de chair et un cadre glacial qui les oppresse surgit tout le charme vénéneux du film. Le tueur fait des films, le prisonnier les inspire, le flic les reconstitue : Graham est traité comme un personnage borderline, clairement dépendant du mal qu’il traque et dans lequel il peut plonger à tout moment, et cette fragilité contamine le spectateur, pour qui les frontières entre empathie et effroi sont poreuses, comme elles le sont avec le tueur et sa jalousie fondée sur un malentendu, ou avec Lecktor qui, comme tous les grands pervers, inspire autant d’admiration que de répulsion.

Le soleil a beau briller sur ce retour à la plage qu’est le dernier plan,
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personne n’oublie : les architectures médicales, le bleu de la nuit, et le noir du sang. Comme Graham, on replongera : on repassera le film.
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2016

Messagepar Jimmy Two Times » Jeu 16 Juin 2016, 11:36

Je n'en pense pas moins. Excellente critique encore une fois :super:

Je pensais que le caractère 80's du film te dérouterait un peu plus au vu de tes antécédents filmiques avec cette décennie :mrgreen:

Tu vas pouvoir attaquer d'autres mastodontes maintenant (mohicans, heat, insider :love: :love: :love: )
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2016

Messagepar Nulladies » Jeu 16 Juin 2016, 15:03

Jimmy Two Times a écrit:Je n'en pense pas moins. Excellente critique encore une fois :super:

Je pensais que le caractère 80's du film te dérouterait un peu plus au vu de tes antécédents filmiques avec cette décennie :mrgreen:

Tu vas pouvoir attaquer d'autres mastodontes maintenant (mohicans, heat, insider :love: :love: :love: )


Merci :mrgreen:
Ce film est la voie de la réconciliation avec les 80's, et en effet, c'était un sacré challenge en ce qui me concerne !
Et oui, du lourd à suivre... 8)
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L.A. Takedown - 6/10

Messagepar Nulladies » Ven 17 Juin 2016, 05:22

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Brouillon de culture

Alors que le Solitaire et le splendide Sixième sens ont établi clairement la maitrise de Mann, le voilà qui s’engage à nouveau dans un projet d’ampleur, mais destiné à la télévision. Il lui faudra faire des concessions, très visibles à l’écran, mais qui ne sont que temporaires. Quelques années plus tard, on lui donnera les moyens de donner toute son ampleur au projet : ce sera Heat.
L.A. Takedown est donc à considérer comme une esquisse du grand film de Mann. L’histoire est rigoureusement identique, à quelques exceptions, notamment sur la fin. Tout est bien entendu plus modeste ici : la durée (1h30 contre les 2h50 de Heat), les comédiens quasiment tous inconnus, et l’esthétique elle-même, plus étriquée. Le montage est au hachoir pour pouvoir rentrer dans ce format trop étroit, et les années 80 passent à la moulinette tout ce qui pourrait contenir une once d’esthétisme, des costumes à la lumière, allant jusqu’à rediriger des titres phares (Sympathy for de the devil des Stones et L.A. Woman des Doors) à la sauce du moment : quelques moments douloureux sont donc à prévoir.
Mann prépare le futur, mais ne se gêne pas non plus pour recycler : le gimmick sur les deux mouchards trouvés par un gangster dans sa voiture, un trouvable pour détourner l’attention du second, était déjà mot pour mot dans Le Solitaire…
Pourtant, si l’on oublie un moment ce dont il est le brouillon, le téléfilm est tout à fait honorable. Ambitieux dans son scénario au long cours, toujours aussi séduisant dans sa représentation de la ville, il place des idées (comme les masques pour le braquage ou le fameux face à face courtois et respectueux des deux rivaux) sans mépris pour le format dans lequel il s’exprime, tout comme il l’avait fait dès son premier film avec le très beau Jericho Mile.
Œuvre pour cinéphile, L.A. Takedown est un document précieux : sur les contraintes d’un média, la gestation d’une œuvre… et sur les ravages d’une époque.
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Re: [Nulladies] Mes critiques en 2016

Messagepar Jimmy Two Times » Ven 17 Juin 2016, 06:45

Nulladies a écrit:et sur les ravages d’une époque.


T'es vraiment faché avec les 80's, c'est fou :eheh:
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