Il en fallait un. Mis à part La Forteresse Noire, dont le statut est un peu à part dans la filmographie de Michael Mann, jamais le réalisateur ne m'avait déçu. C'est bien simple, du Solitaire à Miami Vice, j'aime, que dis-je, j'adore tout ce qu'il a entrepris. Après avoir totalement redécouvert les aventure de Sonny Crockett et Ricardo Tubbs il y a quelques jours, lesquelles m'ont mis dans un état extatique, je me suis enfin décidé à enfourner la galette de Public Ennemies dans mon lecteur. Les films de gangsters old school qui se mettent sur la tronche à coup de rafales de Thompson, c'est pourtant ma came. Mais malgré une envie sincère de passer un bon moment, voire plus si affinités, la douche fut froide, limite glaciale. Public Ennemies est un film sans âme, désincarné. A aucun moment, hormis peut être dans la dernière demie heure, je ne suis entré dans le film.
Dès les premiers plans, tout va trop vite. C'est pourtant une habitude de Michael Mann de parachuter le spectateur dans un récit qui ne semble pas l'avoir attendu pour débuter. Sa science de l'image combinée à l'apparente simplicité de ses scénarios (c'est encore le cas ici) faisait en général la différence en prenant l'audience par les tripes pour l'emporter dans un tourbillon émotionnel bien souvent exaltant. Tout le contraire de Public Ennemies, dont le parti pris elliptique déçoit constamment en raison de choix narratifs douteux. On a le sentiment que le script s'intéresse aux périodes les plus anodines de la vie de John Dillinger et qu'il passe complètement à côté du formidable background des années 30 (Hoover et le FBI, les premières investigations scientifiques...). Même regret du côté des personnages secondaires. Stephen Graham est certes génial en Baby Face Nelson, mais on le voit 5 minutes. Christian Bale en Melvin Purvis, froid et monolithique, droit dans ses bottes et fidèle à ses convictions incarne la figure "mannienne" par excellence mais il n'est qu'un simple petit grain de sable dans le rouage existentiel de Dillinger, et son temps de présence est réduit à peau de chagrin. D'autres personnages sont également sacrifiés (Winstead, Franck Nitti, Phil D'Andrea, Alvin Karpis, Hoover et j'en passe) ou tout simplement ratés (Red, fidèle bras droit porté par le regard de légume de Jason Clarke et bien sûr Billie Frechette incarnée par notre pleurnicharde nationale, Marion Cotillon).
Il y a bien quelques plaisirs dans Public Ennemies, mais ils sont éphémères...
Il faut bien parler aussi du cas Johnny Depp. Au regard de ses bouffonneries des 15 dernières années, il n'est pas mauvais. Mais à aucun moment, il n'a la stature pour incarner John Dillinger, cet homme à même d'entraîner tous les salauds les plus retors dans son sillage. Ses attitudes sont neutres, son regard sans étincelle, et certaines expressions sont parfois fausses. Quelques sourires en coin et une belle coiffure ne font pas une prestation... Sans parler de cette idylle avec Cotillard qui ennuie. Beaucoup. Et quand Mann sort de sa torpeur pour nous livrer enfin quelque chose à la hauteur de son talent (la fusillade dans les bois), on n'est pas happé comme on devrait l'être car on se moque de ce qui pourrait arriver à Dillinger. Jamais convaincu par la performance des leads, je pense qu'il y a un sérieux miscast pour le coup.
Tout n'est pas à jeter pour autant. Quelques scènes sortent du lot notamment au cours de la dernière demie heure car on y sent par intermittence la patte atmosphérique de Mann. Peu de choses à dire sur la technique, c'est soigné mais peut être pas au niveau de ce que Mann a l'habitude de proposer. La belle photo de Dante Spinotti (les scènes au cours desquelles les flash des photographes crépitent dans la nuit de Chicago se marient à merveille avec la caméra numérique
) et la musique d'Elliot Goldenthal sont au poil, mais au service d'un résultat vain et terriblement décevant. Un film raté, sûrement pétri de bonnes intentions, mais dont on a le sentiment qu'il a été pensé de la mauvaise manière. Une approche qui paralyse de ce fait l'ensemble du projet et qui m'oblige à le considérer en dessous de tout le reste de la filmo de Mann. Je lui redonnerai peut être une chance dans quelques années mais je ne me fais guère d'illusion...