Serge Gainsbourg disait que la connerie était la décontraction de l'intelligence, je ne sais pas s'il pensait a Sergio Corbucci en disant ça, mais ça pourrait clairement faire figure d'épitaphe le concernant. Artisan potache et vulgaire diront certains, pour ma part, il représente tout ce que j'aime dans le cinéma, voir un film de lui c'est comme me sentir à la maison car on y rit grassement certes mais on peut passer d'une émotion a l'autre sans jamais avoir l'impression de quitter le sujet, c'est probablement pour ça que
Far West Story (son western le plus extrême sur bien des points) est un de mes films favoris de tous les temps, car sous un vernis populaire se cache une profondeur d'âme insoupçonnée avec des personnages moins caricaturaux et attachants qu'ils en ont l'air tout en étant le plus beau cadeau d'adieu qu'on puisse faire au western car il nous donne toutes ses tripes jusqu'au bout.
Mais qu'est-ce que je viens foutre... c'est le genre de film tellement improbable et difficile d'accès qu'il suscite naturellement les attentes les plus folles, déjà par le casting qui n'est pas du tout connoté western (quelle grande idée d'être allé chercher Gassman, entre ça et
Le Fanfaron, je suis décidément fan du gars) et bien sur ce titre qui sent la grosse pantalonnade, mais pourtant la découverte de ce film a dépassé mes attentes, je m'attendais a un film au moins correct et je me suis retrouvé avec un impact quasi-similaire a
Far West Story car il s'attaque a l'autre frange du western italien qu'il va exploser de la même façon : le western Zapata, sous-genre qu'il a déjà abordé plusieurs fois a sa manière.
Là il va aller au-delà de la barrière du western comique en proposant une vraie comédie noire avec de l'action toujours (sinon ce ne serait pas du Corbucci voyons) tout en distillant un regard ambigu sur la Révolution Mexicaine qui n'a jamais été vue autant d'insolence, les peons comme les nantis sont vus comme des abrutis complets qui fusillent et torturent a tout va des innocents, on ne nous cache rien de la violence mais toujours avec cette pointe d'humour farceur qui arrive a mettre a l'aise (le saladier rempli de mains coupées, Verhoeven aurait aimé
). Mais c'est le point de vue choisi qui en fait pour moi un grand film, en effet il est impossible de ne pas penser a un autre de mes films préférés,
Empire du Soleil qui prenait le parti de montrer l'horreur de la guerre a travers le point de vue d'un personnage qui n'a rien demandé et qui va devoir composer en fonction des situations pour pouvoir sauver sa peau, le duo Gassman/Villagio touche au sublime en incarnant deux couillons intégraux, l'un acteur grande gueule et l'autre prêtre naïf timide qui vont avoir les pires merdes possibles (je crois que le plus gros fou rire que j'ai eu c'est quand Gassman déguisé en nonne pour fuir les autorités subit une tentative de viol de la part de deux soldats éméchés alors qu'il essaye de leur expliquer qu'il est un homme, qu'est ce qu'il fait pour s'échapper ? Il chope un pauvre mouton qui passe devant lui pour leur balancer a la figure. Mais WTF !?
) ou faire des rencontres assez macabres mais j'en dirais pas plus.
Ces deux lascars un peu lâches en finissent par devenir émouvants par leur humanité poignante et m'ont scié dans un final aux allures homériques, tant bilan désenchanté de la mascarade qu'est la Révolution (le monologue final de Gassman
) que feu d'artifice géant où Corbucci semble nous dire peu importe que le monde soit pourri et injuste, il nous reste qu'une chose c'est le rire. En cela, c'est véritablement le pendant lumineux du
Grand Silence dans son raisonnement. Bon, j'ai conscience que je serais probablement le seul a apprécier autant le film tellement ça me ressemble, d'autant qu'il faut objectivement reconnaitre que pour une fois la forme n'est pas au rendez-vous chez Corbucci avec l'absence dommageable du scope pourtant appréciable lors des batailles absurdes par leur générosité, même si je pense que c'est pour accentuer le fait que c'est d'abord une comédie avant d'être un western. Et un dernier mot sur la VF qui est une des meilleures que j'ai pu entendre sur ce genre de films avec une pelletée de dialogues a péter de rire et une synchro labiale parfaite digne des Leone.
9,5/10