Runaway Train - Andrei Konchalovsky (1985)
"I'm worse than an animal ! I'm human !"
Seconde vision de ce film qui fut pour moi une mini-claque a sa découverte, probablement ce que la Cannon aura produit de plus "noble" dans toute son existence. L'histoire du film est démente, celle d'un rendez-vous manqué qui s'est transformé en un dialogue passionnant entre deux artistes a la vision du monde différente mais pas antagonistes pour autant, puisqu'au départ Akira Kurosawa avait écrit la base du récit (l'idée du train instoppable) pour ce qui devait être alors son ticket pour Hollywood mais par on ne sait quel miracle, le script débarque entre les mains de la Cannon quinze ans plus tard et réactivent le projet en s'entourant d'une équipe de rêve, histoire de bien appuyer la noblesse du projet : le soviétique Konchalovski autrefois abonné aux films d'auteurs, Jon Voight en lead et surtout la présence d'Edward Bunker au script qui va beaucoup apporter a la réussite du film, puisqu'il va irriguer sans cesse ses thèmes mais y apporter une dimension philosophique nouvelle qui va pousser a la réflexion. Pourtant vu de loin,
Runaway Train ne pourrait être qu'un simple actionner haletant mais pourtant sa profondeur thématique semble toujours ressurgir, avec cette idée du run ininterrompu qui se voit a mon sens comme l’obsession maladive pour la liberté, fuir sans se retourner, quitte a faire tous les sacrifices possibles pour rester libre et bien sur Bunker qui nous dit tout le mal qu'il pense du système carcéral qui crée davantage de bêtes sauvages que de citoyens modèles, difficile de ne pas comprendre le mal être du perso de Voight (pas fan du gars habituellement, mais là il m'a bluffé), écorché vif par les multiples humiliations qu'on lui a fait subir sans pour autant en faire un enfant de choeur, d'ailleurs en cela, c'est une très bonne idée d'avoir démarré le film par un prologue assez long dans la prison, pour contextualiser parfaitement la chose et poser la majorité des personnages.
A partir du moment où l'action se déroule dans le train (pratiquement dans une seule cabine de quelques mètres carrés, balèze), Konchalovsky ne relâche quasi-jamais la pression par un montage et des dialogues au cordeau où l'on a presque l'impression d'avoir Bunker et Kurosawa qui nous exposent chacun tour a tour leur vision de l'existence, par un effet d'analogie j'ai vu la fatalité du perso de Voight comme le reflet de Bunker, tandis que l’optimisme moderé et la foi en la société de Roberts fait penser logiquement a Kuro. Deux hommes, deux pensées qui sous l'urgence de la situation vont fatalement s'entrechoquer et aboutir a un constat dur mais lucide sur la nature humaine. Quelque part, j'y vois le vrai ancêtre de
Mad Max Fury Road dans sa façon de jongler entre divertissement pur (on s'y emmerde jamais et même les passages obligés avec les équipes censées gérer les chemins de fer sont réduites a peau de chagrin) et thématiques humaines (jusqu'où on est prêt a aller pour être libre ?). Dommage que le personnage de Rebecca de Mornay soit trop fonctionnel a mon goût, il représente l’œil raisonné du spectateur et n'avais pas grand chose a foutre dans cette confrontation intense. Mis a part ça, c'est un vrai bon film qui m'avait donné envie de découvrir les autres films US de Konchalovski, qui a part l'ennuyeux
Maria's Lovers, a eu une carrière hollywoodienne assez sympa (
Homer et Eddie, puis
Tango & Cash c'est la base.
).
8/10