Premier film de David Lean, en co-réalisation avec Noël Coward avec qui il travaillera en collaboration sur une bonne partie de sa période anglaise, et le moins que l'on puisse dire c'est que ce n'est clairement pas du niveau de ce que Lean pourra faire par la suite. C'est typiquement un genre de film que je déteste, à savoir le film propagandiste, ici dédié à la Royal Navy en pleine Seconde Guerre Mondiale. Si quelques rares réalisateurs savent tirer leur épingle du jeu en livrant une œuvre qui transcende la commande, comme Michael Powell sur
49th Parallel, sur lequel Lean a justement travaillé en tant que monteur, la plupart préfèrent faire profil bas et obéir aux producteurs afin de pouvoir avoir les mains libres sur des projets ultérieurs, et c'est précisément ce que fait Lean sur ce coup là. A vrai dire, après vision du film, je doute même que l'implication de Lean soit véritablement marquante par rapport à celle de Coward, qui donne l'impression d'être le maître à bord et de réaliser un film non seulement à la gloire de l'armée britannique, mais aussi à la sienne. Producteur, réalisateur, compositeur et scénariste du film (on ne voit que son nom au générique
), il se donne aussi le rôle principal, celui du capitaine de vaisseau, charismatique, aimé et respectable.
Bref, c'est loin d'être un film où le style de Lean transparaît, et je soupçonne que les rares moments où Lean a pu s'exprimer librement sont les séquences de vie quotidienne des personnages successifs. Ainsi, une séquence comme celle du bombardement, qui aboutira sur deux morts tragiques, est l'une des rares qui provoque un tant soit peu d'implication du spectateur. Pour le reste,
In which we serve est un film un peu longuet et visuellement daté (les passages du présent aux différents flashbacks sont marqués par l'un des pires effets de transition que j'ai pu voir de ma vie) et qui, dans sa conception et son montage, donne l'impression de s'adresser à un public à qui l'on doit tout surligner pour qu'il comprenne (et dire que ça a été nominé à l'Oscar du meilleur film...). Si le dernier acte du métrage fonctionne, le reste est un message propagandiste puant et manichéen où le seul intérêt est d'y remarquer les nombreuses membres du casting qui collaboreront à nouveau avec Lean par la suite (le forgeron de
Great Expectations, la femme et la serveuse de
Brief Encounter, et j'en passe). A réserver aux complétistes.