Steve Jobs de Danny Boyle (2016) - 7/10
Tout est une question de contrôle. Pour Aaron Sorkin, comme pour son personnage de Steve Jobs, le principal moteur de recherche est d’avoir la main mise sur un circuit fermé, une boucle qui se referme sur elle-même. Dans ce biopic qui n’en est pas un, ce qui permet à l’œuvre de sortir des sentiers battus du sempiternel rise and fall publicitaire du cinéma américain, il est question d’un monstre indomptable, d’un défaut de fabrication fait de chair et de sang, d’un humain presque androïde, inventeur (ou imposteur) d’une nouvelle façon de penser les attentes sociales de plusieurs générations existantes. De par cette conjugaison narrative, qui se déploie en trois temps, au rythme haletant, symbolisée par trois conférences de lancement de produit (1984, 1988, 1998), nait alors un processus scénaristique certes répétitif, mais qui a clairement le mérite de se jouer des enjeux, d’avancer ses pions, de créer le suspense et les corrélations là où il n’y en a pas forcément. Proche de l’œuvre d’Inarritu, Birdman, dans sa volonté de compacter ses protagonistes dans les coulisses, dans l’ombre des projecteurs avec comme catalyseur : la notion de temporalité, où tout se joue non pas pendant mais avant ou après.
Car des conférences, en elles-mêmes, on ne verra rien, voire quasiment rien, là où les flashs sont trop aveuglants, et les applaudissements bien trop bruyants. Danny Boyle, nous propulse quelques minutes avant chacun de ces lancements de produits (Mac, Next, iMac) et enclenche la première pour embrailler sur une nomenclature d’écriture, presque similaire à celle du théâtre, avec trois actes qui se répondent, où Steve Jobs n’aura cesse de répondre aux questions, de combattre les accusations ou de nouer des liens distendus avec ses proches : son rôle de père envers sa fille, son lien presque fusionnel avec son mentor, son coup d’état caché avec Apple, sa vision de la réussite et sa cohabitation avec ceux qui travaillent avec lui. Par ce biais, le dialogue est roi, Aaron Sorkin agence sa plume avec minutie et la vitesse d’exécution qu’on lui connait, orthographie parfaitement les contours des traits du visage d’un Steve Jobs, miroir d’une société contemporaine, où l’apparence fait éclore l’offre et la demande, et où l’ambiguïté du mérite devient une chasse à l’homme, qui radote et pétrifie.
A l’instar de son travail fourni dans The Social Network, Sorkin capte parfaitement nos rapports humains et leur complexité qui se joue uniquement sur un aspect extérieur : celui de la communication et l’identification à l’autre. Durant ces trois actes, les chaines de Steve Jobs s’enlacent pour ne faire qu’une, et s’agrippent autour d’un récit qui joue sur deux tableaux : l’homme et la machine, la paternité floue entre les deux. Là où David Cronenberg fait de l’homme et la machine un même ensemble organique, Aaron Sorkin s’intéresse non pas au corps, mais à l’esprit et sa combinaison faite d’algorithme avec la technologie. Et pendant les deux premiers actes, le long métrage se révèle assez adroit, agile dans sa manière de mettre en place ses face à face qui se succèdent sans temps mort, avec un Danny Boyle discret derrière sa caméra mais toujours juste et non ostentatoire dans ses effets graphiques (pour une fois), et un Michael Fassbender, qui comme à son habitude, happe l’écran, miniaturise les autres de sa force centrifuge, de son charisme aussi narcissique qu’intimiste.
Sans rentrer dans l’exercice de style purement gratuit, Steve Jobs ne se révèle pas être un portrait à charge, mais égratigne et pointe du doigt les différentes ramifications d’un succès, et érige avec brio son protagoniste, en anti héros froid et aux fêlures qui se connecteront les unes aux autres. Mais là où la nature glaciale de l’œuvre ressurgit de façon étincelante, et était jusqu’au boutiste dans l’œuvre de Fincher, le film de Danny Boyle se veut plus enclin à arrondir les angles, et malheureusement cette l’humanisation qui pose problème. En effet, ce monstre à trois têtes à un talon d’Achille : à vouloir jouer avec le système, de manier les codes du biopic à sa guise, Aaron Sorkin s’enlise un peu, dans une dernière partie prévisible proche de la bluette existentialiste assez peu féconde en véritable émotion autour du personnage de la fille, et s’alourdit dans une certaine autosatisfaction dialectique à la gloire d’une marque, excepté un brillant et émouvant échange public entre Steve Jobs et Steve Wozniack (très bon Seth Rogen).
Car des conférences, en elles-mêmes, on ne verra rien, voire quasiment rien, là où les flashs sont trop aveuglants, et les applaudissements bien trop bruyants. Danny Boyle, nous propulse quelques minutes avant chacun de ces lancements de produits (Mac, Next, iMac) et enclenche la première pour embrailler sur une nomenclature d’écriture, presque similaire à celle du théâtre, avec trois actes qui se répondent, où Steve Jobs n’aura cesse de répondre aux questions, de combattre les accusations ou de nouer des liens distendus avec ses proches : son rôle de père envers sa fille, son lien presque fusionnel avec son mentor, son coup d’état caché avec Apple, sa vision de la réussite et sa cohabitation avec ceux qui travaillent avec lui. Par ce biais, le dialogue est roi, Aaron Sorkin agence sa plume avec minutie et la vitesse d’exécution qu’on lui connait, orthographie parfaitement les contours des traits du visage d’un Steve Jobs, miroir d’une société contemporaine, où l’apparence fait éclore l’offre et la demande, et où l’ambiguïté du mérite devient une chasse à l’homme, qui radote et pétrifie.
A l’instar de son travail fourni dans The Social Network, Sorkin capte parfaitement nos rapports humains et leur complexité qui se joue uniquement sur un aspect extérieur : celui de la communication et l’identification à l’autre. Durant ces trois actes, les chaines de Steve Jobs s’enlacent pour ne faire qu’une, et s’agrippent autour d’un récit qui joue sur deux tableaux : l’homme et la machine, la paternité floue entre les deux. Là où David Cronenberg fait de l’homme et la machine un même ensemble organique, Aaron Sorkin s’intéresse non pas au corps, mais à l’esprit et sa combinaison faite d’algorithme avec la technologie. Et pendant les deux premiers actes, le long métrage se révèle assez adroit, agile dans sa manière de mettre en place ses face à face qui se succèdent sans temps mort, avec un Danny Boyle discret derrière sa caméra mais toujours juste et non ostentatoire dans ses effets graphiques (pour une fois), et un Michael Fassbender, qui comme à son habitude, happe l’écran, miniaturise les autres de sa force centrifuge, de son charisme aussi narcissique qu’intimiste.
Sans rentrer dans l’exercice de style purement gratuit, Steve Jobs ne se révèle pas être un portrait à charge, mais égratigne et pointe du doigt les différentes ramifications d’un succès, et érige avec brio son protagoniste, en anti héros froid et aux fêlures qui se connecteront les unes aux autres. Mais là où la nature glaciale de l’œuvre ressurgit de façon étincelante, et était jusqu’au boutiste dans l’œuvre de Fincher, le film de Danny Boyle se veut plus enclin à arrondir les angles, et malheureusement cette l’humanisation qui pose problème. En effet, ce monstre à trois têtes à un talon d’Achille : à vouloir jouer avec le système, de manier les codes du biopic à sa guise, Aaron Sorkin s’enlise un peu, dans une dernière partie prévisible proche de la bluette existentialiste assez peu féconde en véritable émotion autour du personnage de la fille, et s’alourdit dans une certaine autosatisfaction dialectique à la gloire d’une marque, excepté un brillant et émouvant échange public entre Steve Jobs et Steve Wozniack (très bon Seth Rogen).