(Je me refuse au jeu de mot certes tentant mais trop facile avec footage)
Il est des missions dans lesquelles la persévérance a du bon. Sergent Pepper est toujours en quête du film qui lui ferait miroiter les richesses (très bien) cachées du cinéma de genre, ses implicites et sa malice.
Ce ne sera pas encore pour cette fois.
Donc : Le penaud Shyamachin nous fait le coup du retour en grâce par la petite porte, aka retour peinard par notre porte étroite. A savoir, un film d’horreur en found footage.
Déjà, le concept sent bon l’antimites, mais passons.
Que donc tentons-nous de nous vendre ?
Un film malin, bande de cinéphiles en chaleur, n’oublions pas qu’on a face à nous Shyamachin, le El Chapo du twist, qui réconcilie Bruce Willis et critique française, qui sait tenir une caméra et un clavier en même temps, je vous parle d’écriture, de réflexion, de gestion intelligente à la croisée du frisson primal et de l’érection cérébrale, de quoi huiler la masturbation à tous les étages.
Donc, disais-je.
Le found footage, c’est toujours assez irritant. Qu’une gamine continue de courir en filmant alors qu’elle est sur le point de ne plus contrôler ses sphincters m’a toujours laissé un peu dubitatif. Que la caméra tombe dans un angle parfait permettant de poursuivre la séquence aussi. Qu’elle fasse automatiquement la mise au point au deuxième plan itou. M’enfin, me direz-vous, facétieux afficionados que vous êtes, tout cela n’est que roupie de sansonnets.
Place aux sensations fortes : une remise étrange, une cave interdite, des jump scare, des bruits à la porte, mamie à poil, mamie à quatre pattes, papi qui suçote le double canon d’une carabine ou démonte la gueule d’une passant : en matière de retrouvailles, on a vu mieux. Certes, c’est la famille et tout, mais pour une première, on peut s’imposer certaines limites.
Vous me direz, la gamine aussi a raté pas mal d’occasion de fermer sa gueule. Sur le procédé à peu près aussi inattendu qu’un clash chez Ruquier, la pré-pubère qui tient la caméra se pique de « mise en scène » (en français dans le texte, sic) : t’as vu, voilà comment faut faire pour faire genre. Les plans, le cadrage, les petites scènes du quotidien, tout ça, l’angle des interviews.
Malin, je vous dis, le Shyamachin.
Comme c’est totalement vain et ennuyeux à mourir, on se prend à se demander dans quelle mesure ce serait pas une comédie. Mais on me fait signe dans l’oreillette qu’une comédie est censée générer le rire. Ah. Diantre. Pas moyen de cocher cette case, donc. Y’a bien une tentative de faire rapper un jeune blanc aussi ouaich que Trump est de gauche, mais, curieusement, l’effet escompté n’est pas vraiment atteint.
On parle du twist ? On spoile ?
Disons que le coup du « OH MON DIEU C’EST PAS VOS GRANDS PARENTS EN FAIT C’EST DES GUEDINS ECHAPPES D’UN HP PROCHE ET JUSTEMENT ON COMMENCAIT A SE DEMANDER QUAND MEME » m’a rappelé quand j’étais prof de collège et que je demandais à mes élèves d’écrire des nouvelles fantastiques. Ou les veillées de CM2, vous savez, avec les caïds qu’ont des histoires vraies qui te font tenir très fort ta carte Pokemon, celle qui te porte bonheur parce que tu l’as échangée contre une achment moins forte, putain, Kevin l’est vraiment trop con mais en même temps il s’en branle, sa mère elle lui achète tout ce qu’il veut alors pour lui c’est pas pareil, des EX il en a tous les jours dans son château en or massif.
Alors on se lâche pour un final cathartique qui te fera passer la scène du pilon de poulet dans Killer Joe pour un monologue de la Princesse de Clèves : Miss va à la cave en laissant son frère tout seul, (paie ta conception de la fratrie) et le frère en question va se retrouver va subir un double rituel initiatique : plaquer le méchant pour conjurer son trauma d’avoir fait rater son équipe de sport américain (je sais plus lequel, un truc avec des plaquages, donc) devant papa bien des années plus tôt (oui parce que je vous épargne la dimension psycho, mais c’est du lourd, avec thérapie familiale, papa nous a abandonnés, maman est fâchée avec ses parents, nous la next gen, on va remettre de l’ordre dans tout ça).
Et donc, deuxième complexe à dépasser : la mysophobie. Pour cela, rien de plus simple : une couche garnie de matière fécale en application faciale viendra à vous de vos réticences.
Alors voilà. Film intelligent, parodique, détricotant les codes du genre pour… oh, ta gueule. C’est vrai qu’il n’y a pas de surnaturel. Mais le fait qu’on puisse défendre ce genre de chose a pour moi des vertus proprement paranormales.