"Carol" de Todd Haynes - Royaume-Uni/Etats-Unis - 2016 - en salles A l'heure où des films comme La vie d'Adèle ou Love résonnent très fortement dans les festivals et bénéficient d'une aura médiatique importante, aidés en cela par l'actualité brûlante, cela semble difficile de se démarquer lorsque l'on emprunte la voie de la discrétion pour traiter d'un sujet tel que l'homosexualité. D'autant plus quand l'époque dépeinte représente la quintessence du conservatisme américain, cet après-guerre où les Etats-Unis, peu friands du changement, recherchent de nouveau à briller mondialement en offrant une image sans faille. Et sur un continent aussi puritain que celui-ci, l'amour entre deux personnes de même sexe y est considéré, sinon comme une tare, au moins comme un affront à vouloir rentrer dans le rang. Adapté d'un roman de Patricia Highsmith publié en 1952, Carol cherche avant tout à pointer du doigt le besoin de liberté qui émane de ces femmes enfermés dans les carcans bien trop étroits du modèle familial américain. C'est sur un couple fébrile que se pose donc les fondations du roman, au ton aussi mélancolique qu'optimiste.
En suivant ce couple, illégitime dans sa relation et ses choix sexuels, Highsmith questionne son lecteur sur sa capacité à entrevoir plusieurs formes de libertés plutôt qu'une seule. A de nombreuses reprises, des répliques sur l'accomplissement de soi, la quête identitaire, reviennent sur le tapis, comme autant de portes à franchir pour se trouver soi même. Le tout est brillamment mis en scène par Todd Haynes qui, par sa sensibilité et son point de vue personnel (ce dernier étant lui même homosexuel), apporte une touche aussi romanesque que réaliste sur la condition de la femme dans les années 50. Femme qui se retrouve également dans le choix de la pellicule, le cinéaste rendant ainsi hommage aux travail des photographes féminins de l'époque, s'inspirant de Vivian Maier pour les clichés de Carol pris par Thérèse, alors que le choix s'optait davantage sur le travail de Saul Letter, homme photographe qui articulait ses clichés autour de scènes de la vie courante prises sur le vif. Une manière de signaler que le personnage de Thérèse suit sa propre voie et la trouve, le déclic se faisant au détour d'une scène d'amour d'une tendresse incroyable.
Cette scène n'a pu naître qu'en instaurant un climat de confiance sur le plateau entre les deux actrices, permettant ainsi cette complicité et cette proximité des corps. La composition de Carter Burwell termine de souligner la pureté des sentiments des deux femmes, le thème principal étant un petit bijou d'épure tout en évoquant très habilement la palette d'émotions se dégageant de leurs actes. Les points négatifs ne sont pas légion mais nuisent globalement au film, que ça soit la prestation balourde de Kyle Chandler ou la durée à rallonge. Mais en l'état, Carol reste un beau film qui n'a pas volé ses multiples nominations aux Golden Globes.
7/10