The Hateful Eight (Les Huit Salopards) de Quentin Tarantino
(2015)
Un nouveau film de Tarantino, ça se célèbre forcément. Quand bien même on aimera le film ou pas, on sait qu'on aura en face de nous une proposition originale, voire extrême, et que ça sentira l'amour du cinéma au moindre plan projeté sur l'écran. The Hateful Eight ne déroge pas à la règle. On pourra dire ce que l'on veut sur la proposition casse-gueule du métrage, à savoir un western en huit-clos de plus de 2H30 où huit personnages sont enfermés dans une cabane, le tout en plein milieu du blizzard et tourné en Panavision, il faut bien avouer que Tarantino ne s'enferme pas dans la facilité et ose quelque chose de sacrément couillu, quitte à perdre en cours de route son public. Car clairement, son huitième film n'est pas forcément le plus accessible. De par sa proposition évidemment, de par les gimmicks tarantinesques (violence graphique, dialogues étirés, situations décalées) poussés à l'extrême, ou encore par l'amour du cinéma qu'il dégage (Tarantino évoque tour à tour Leone, Carpenter et Corbucci, le tout en vantant les mérites de la pellicule et des entractes en salles), The Hateful Eight est un film admirable mais destiné à diviser. A ma grande surprise, le film aura tenu le cap de la revision, ce qui n'était pas gagné car si à première vue le film peut paraître comme un long, violent et verbeux défouloir, il dévoile peu à peu des subtilités assez étonnantes en terme de mise en scène ou d'écriture et ce notamment à travers la façon de dépeindre une époque particulièrement peu réjouissante de l'Amérique seulement à travers des personnages.
Ainsi, là où Tarantino revisitait la Seconde Guerre Mondiale dans Inglourious Basterds, ainsi que l'esclavagisme dans Django Unchained, il n'est ni plus ni moins question ici que de la Guerre de Sécession, en évoquant la période suivant la reddition sudiste. Vengeance des noirs, opposition aux préjugés toujours vifs, brigands devant apprendre à vivre de nouveau dans un pays sans guerre, tels sont les sujets d'un film historique déguisé en pièce de théâtre (parallèle loin d'être gratuit, certains personnages étant des acteurs, et la pièce possédant un souffleur symbolique caché que l'on élimine rapidement pour éviter de dicter la suite du récit à sa convenance), se concluant sur une image forte : la lecture et destruction d'une lettre servant de laisser-passer à un noir, entre deux êtres que tout oppose mais qui doivent faire face à l'avenir ensemble. En cela, The Hateful Eight est certainement le film le plus politique du réalisateur jusqu'ici, dans le sens où il questionne même des situations sociales actuelles à travers une des périodes les plus déplaisantes de l'histoire américaine. Rythmé au son d'une composition d'Ennio Morriconne pas forcément mémorable, mais servant toujours le film jusqu'au bout, ce Tarantino n'est peut-être pas l'un des meilleurs de son auteur, mais possède clairement les atours d'une œuvre marquante qui passera très bien le cap des années.
8/10