"Crimson Peak" de Guillermo Del Toro - Etats-Unis - 2015 - Blu Ray Il aura fallu attendre 9 ans et 12 ébauches de script afin que Guillermo Del Toro soit en mesure de livrer son hommage au cinéma fantastique, et plus particulièrement au cinéma gothique de la Hammer. A la vue du résultat final, il peut être déroutant de se rendre compte que la première heure introductive baigne dans le mielleux du romantisme baroque. De son propre aveu, le cinéaste dit s'être inspiré de la littérature anglaise typique de l'époque de l'intrigue comme Les Hauts de Hurlevent ou Jane Eyre. D'ailleurs, cette dernière avait été incarnée à l'écran par Mia Wasikowska, héroïne de Crimson Peak. La boucle étant bouclée, il fallait trouver d'autres acteurs susceptibles de coller aux personnages si typiques, et si Charlie Hunnam et Jessica Chastain sont des pièces rapportées des précédents projets du réalisateur, Tom Hiddleston bouffe littéralement l'écran, alors qu'il n'était à l'évidence pas le premier choix de Del Toro, lui ayant préféré Benedict Cumberbatch.
Les histoires de fantômes, le cinéaste mexicain connaît bien et en même le parangon du cinéma fantastique moderne. Et en choisissant des effets spéciaux en dur, il renoue avec la plus pure tradition du genre, épurant au maximum son intrigue pour que ses apparitions ne soient pas toujours justifiées mais créent l'impact désiré. Le seul regret est ce besoin constant de faire appel à une orchestration musicale lors de chacune de leur apparition, perdant ainsi cette faculté de nous faire dresser les cheveux sur la tête. La volonté de coller le plus possible à la réalité historique se voit de part l'implication des costumiers, des maquilleurs et des décorateurs. Véritable personnage à part entière, la maison vit et respire en fonction de ses occupants. Certaines ailes sont absolument époustouflantes de beauté alors que d'autres, délabrées, semblent avoir été abandonnées et occupées par les âmes errantes des défunts, où certaines rencontres vont parvenir à créer l'horreur chère à Del Toro. Comme si l'intérieur de la maison était un purgatoire dans lequel sont tiraillés les morts et les vivants. Intégralement construite pour le tournage du film, la réflexion de son architecture en amont a donc permis de s'offrir des couloirs aériens pour que la caméra semble virevolter comme un ectoplasme, capturant ainsi toute l'essence du lieu.
L'extérieur n'est pas en reste avec cette neige qui, d'un blanc immaculé, va virer au rouge sang au fur et à mesure que l'argile sera puisé dans ses sols. L'horreur graphique est donc bel et bien l'objectif final de Del Toro et le résultat est à la hauteur de nos espérances. Même ce final qui, bien que grotesque, réussit le pari de nous avoir emmener au fur et à mesure dans l'horreur la plus esthétique. Si Guillermo a rendu une copie bien moins supérieure que ce à quoi nous étions en droit de nous attendre, il n'en reste pas moins le meilleur héritier du genre, respectueux des codes et de l'identité visuelle d'un style ayant fait ses preuves.
7/10