Les avis de vos dernières lectures

[Val]

Extension du domaine de la lutte, Michel Houellebecq (1994)

La sensation étrange de lire quelqu'un qui formulerait beaucoup mieux que vous ce que vous pensez depuis longtemps. A travers le récit de quelques semaines passées dans diverses villes de province pour superviser l'installation d'un progiciel dans des déconcentrations du ministère de l'Agriculture, Houellebecq dresse un portrait de la société occidentale moderne où le capitalisme outrancier et l'idéologie libérale ont totalement contaminés chaque aspects de la vie humaine, y compris dans ses strates les plus intimes. Il est donc très facile de s'identifier au personnage principal, qu'il est impossible de ne pas associer à Houellebecq lui-même, et d'adhérer à ses descriptions qui nous semble souvent que trop familières. Toutefois, si le texte est très désespéré et rempli d'un humour très noir et caustique, il n'est pas toujours cynique. On sent presque une forme d'émotion à l'évocation de certains des personnages que croise le narrateur, qu'ils soient des ravis de la crèche, enthousiastes béats devant la modernité, ou laissés pour compte sur le marché économique ou sexuel. Une lecture surprenante qui donne envie de se plonger un peu plus dans l'oeuvre tant décriée de l'auteur.

[Mark Chopper]

Tu vas nous faire une déprime si tu les enchaînes trop vite.

Mais tu vas voir, Les Particules élémentaires, c'est une tuerie.

[Val]

Effectivement, j'ai hâte de lire Les Particules..., clairement celui qui m'attire le plus dans sa biblio. Mais je pense que je vais lire autre chose entre temps, pour changer d'air.^^

[Val]

La fête de l'insignifiance, Milan Kundera (2013)

Le problème avec ce titre là, c'est que l'on a facilement envie de faire un jeu de mots.
Clairement une déception étant donné que L'insoutenable légèreté est sans doute mon livre préféré. On a parfois l'impression d'être face à un premier livre inabouti alors qu'il y avait sans doute mieux à faire sur un pareil sujet. Toutefois, on retrouve le regard si juste de Kundera et son écriture particulière.
Plutôt à réservé aux amateurs de l'auteur donc.



Sinon, autre question : des idées d'où commencer avec Joyce Carol Oates ?

[Mark Chopper]

des idées d'où commencer avec Joyce Carol Oates ?

J'ai lu une demi-douzaine de ses romans quand j'étais étudiant et le seul que j'ai aimé, c'est Blonde.

Un pavé, mais surtout un portrait fascinant d'une icône.

[Val]

En effet, plus de 1100 pages dans l'édition poche, c'est du sérieux.

[Jack Spret]

"Cent ans de solitude" de Gabriel Garcia Marquez - 1968

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Exigeant dans sa lecture, le roman de Marquez l'a été également dans son écriture. Le processus de gestation de "100 ans de solitude" est presque aussi célèbre que le roman en lui même. Les déboires par lesquels sont passés l'écrivain et ses proches renforcent ceux qui se déroulent à Macondo, ville fictive et cocon de tous les fantasmes accumulés de l'auteur. Pilier littéraire du réalisme magique, le récit cherche à retracer les hauts et les bas d'une lignée sur sept générations, famille habitée par une malédiction insondable où la mort, la folie et bien entendu la solitude prend place sous toutes ses formes. L'imaginaire énormément symbolique de Marquez transfigure la violence du récit et rend supportable les pires atrocités (le massacre des ouvriers, les guerres politiques, les assassinats de la fratrie Buendia, les relations incestueuses), tout en ajoutant une mélancolie profonde aux rares lignes de dialogues. Les multiples ramifications des générations, aux noms très semblables (chaque nouveau-né prend le prénom de son arrière grand parent), rend compliqué la lecture et la compréhension globale de l'oeuvre. Mais on peut aussi se laisser porter sur le fleuve de la vie des Buendia et regarder avec un regard omniscient ces destins scellés par la tragédie bien avant leur naissance.

"J'irai cracher sur vos tombes" de Boris Vian - 1946

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Prenez toute la haine que la communauté noire aurait pu accumuler contre les Blancs du Sud des Etats-Unis depuis leur existence et faite la bouillonner dans un seul et même personnage. C'est l'idée de Boris Vian alias Vernon Sullivan, qui défraye la chronique lors de la parution du roman. Condamnation pour atteinte aux bonnes mœurs, classification dans les romans pornographiques, ce serait sous-estimé le roman que de dire qu'il a fait parler de lui. Si la notion de racisme est aujourd'hui moins taboue qu'à l'époque, Vian retrousse ses manches et rentre dans le vif du sujet en alignant au peloton d’exécution la race blanche et en exterminant toute trace de haine et de mépris par l'intermédiaire de la violence la plus crue et la plus frontale qui soit. Cela donne une montée en pression digne des meilleurs thrillers et un portrait au vitriol d'une Amérique conservatrice de valeurs éculées. Mordant !

[Jack Spret]

"La reine des pommes" de Chester Himes - 1957

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Polar jazzy au doux accent des 50's, ce bouquin tient toutes ses promesses. Religieusement incorrect, violent, subversif, on y suit la descente aux enfers de Jackson, un pigeon comme on en fait plus et qui va se retrouver sur le chemin de types peu recommandables. Les flics tabassent et flinguent avant de poser les questions, les bandits tuent à tour de bras, le sang coule à flot dans les rues de Harlem. Mais ce qui fait le charme de ce bouquin, c'est sa capacité à faire vivre le quartier de Harlem comme un véritable personnage, l'auteur connaissant ses rues par cœur et personnifiant chaque dédale, chaque impasse, chaque pâté de maison pour que résonne l'esprit afro-américain au rythme des pages. Le livre aura droit à son adaptation cinématographique qui, au vu trailer, ne respecte rien et foule au pied la violence sèche et l'humour noir qui se dégage de l'histoire, ainsi que certains personnages qui ne ressemblent en rien à ceux esquissés dans le roman de Chester Himes.

[Jack Spret]

"Jacob, Jacob" de Valérie Zenatti - 2014

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L'expérience de voir la seconde guerre mondiale par les yeux d'un Algérien de religion juive est assez intéressante, surtout lorsque ce soldat appelé sous les drapeaux n'a pas eu le temps de vivre sa liberté. D'une famille très humble dont le père et les grands frères, rustres conservateurs des bonnes mœurs de l'époque, sont à l'extrême opposé de Jacob, ce dernier laisse un charme particulier à cette aventure humaine bien que meurtrière. Valérie Zenatti part ici d'une photo et de l'histoire de son grand-oncle pour nous conter sa vision de l'horreur des tranchées, des lois anti-juives au patriotisme débordant des Français, de l'inutilité de la guerre à la mélancolie du foyer, le tout avec une plume sublime dont les descriptions chargées d'émotions mettent les sens en éveil.

[Olrik]

1er volume d'une trilogie, Frank Zappa et les mères de l'invention est un puits d'érudition et fourmille tout le long de ses 500 pages d'anecdotes sur les débuts de Zappa jusqu'à la séparation avec les Mothers. Le tout correctement écrit et restituant à merveille la personnalité complexe de Zappa. Connaître un minimum son oeuvre est tout de même un prérequis pour apprécier le bouquin.

[pabelbaba]

Complexe...

...un gros queutard qui savait se servir de sa guitare plutôt.

[Olrik]

...un gros queutard

Je suis formel : le livre explique bien que le bon usage des groupies a été modéré (un peu moins chez Aynsley Dunbar, le batteur).

[pabelbaba]

Mouais... Pas convaincu.

Dans son autobiographie, Zappa ne parle jamais des groupies. C'est louche.

Dans la romcom écrite par sa fille, Moon Unit, largement autobiographique, son père nique tout ce qui bouge.

Qui croire? Quand je vois la gueule de Madame Zappa, je pense que le doute n'est plus permis.

[Olrik]

Les groupies sont largement évoquées, mais Delbrouck ne fait pas le portrait d'un gros queutard (peut-être sera-ce le cas dans le 2ème tome que je vais commencer sous peu). Il évoque en tout cas cette image de peronnage immoral qu'on lui collera sur le dos à cause de chansons comme "Penis Dimension". Après, je ne suis pas naïf, il est évident qu'il a tâté de la groupie avant et après son mariage. Tant qu'il se s'est pas tapé en coulisse Pierre Boulez au moment de Perfect Stranger, tout va bien.

Sinon, nan, joli p'tit lot que Gail Zappa à sa belle époque :

[pabelbaba]

Quoi de neuf docteur?