[Velvet] Mes bafouilles lunaires 2016

Modérateur: Dunandan

Re: [Velvet] Mes bafouilles lunaires 2016

Messagepar Velvet » Mar 05 Jan 2016, 09:53

Bah il est vrai que lorsqu'on y regarde de plus près, le parcours des personnages est assez court et de ce fait, le montage permet d'épaissir un peu la trame et de tenir en haleine. Mais comme le dit Hannibal, je pense, que les situations, la folie communicative de la chose se suffit à elle même.

Mark Chopper a écrit:Belle surinterprétation :mrgreen:

Ce film roublard est bien fichu, mais faut pas déconner : contrairement aux autres de Tarantino, il ne raconte rien. Mais ce rien est bien raconté.


Pas tout à fait d'accord. C'est pas un film à thèse non plus, je suis d'accord, et c'est pas l'importance d'un Pulp Fiction mais j'aime bien la cohérence de fond entre les deux premiers QT car il y a une réelle "unité de lieu", où il emballe son cincohe dans un univers qui lui est propre (malgré les références), avec ses tics de languages qui caractérisent bien une certaine vision du monde de QT.
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Re: [Velvet] Mes bafouilles lunaires 2016

Messagepar Milkshake » Mar 05 Jan 2016, 10:01

Peut être un des rare à penser ça mais tu me fais le même film sans l'intrigue du pseudo boxer Bruce Willis, juste sur les deux gangster je pense qu'on obtient un bien meilleur film.

Car tous les bon dialogues et situations sont dans la partie Travolta/Samuel L Jackson, la storyline de Willis j'ai l'impression de l'avoir vu 20 fois ailleurs et que ça se greffe un peu artificiellement au film.
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Re: [Velvet] Mes bafouilles lunaires 2016

Messagepar Jed_Trigado » Mar 05 Jan 2016, 10:40

C'est vrai que l'histoire d'un type qui risque sa peau pour une vulgaire montre, on voit ça tout les jours. :eheh:
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Re: [Velvet] Mes bafouilles lunaires 2016

Messagepar Alegas » Mar 05 Jan 2016, 10:57

Puis bon, cette storyline apporte le monologue de Walken, limite le meilleur moment du film. 8)
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Re: [Velvet] Mes bafouilles lunaires 2016

Messagepar pabelbaba » Mar 05 Jan 2016, 11:09

En fait on suit surtout Travolta pendant tout le film et la storyline de Willis a donc son importance de ce point de vue. :mrgreen:
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Sinon, oui, j'aime les nibards. :chut:
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Huit salopards (Les) - 8/10

Messagepar Velvet » Mer 06 Jan 2016, 06:12

Les 8 salopards de Quentin Tarantino (2016) - 8/10


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Crucifié sur sa croix, les yeux tournés vers une terre enneigée, une statue christique enclavée au sol, observe de loin cette Amérique qui subit les cicatrisations cathartiques du clivage des contrées du Nord avec le Sud et de cette moribonde période post Guerre de Sécession, tout en se questionnant sur le degré de civilisation de cette époque. Dans cette proportion, il suffit de voir le visage entièrement ensanglanté du personnage de Daisy, rappelant celui de Carrie, pour apercevoir dans ses traits, quasiment, un animal sauvage. Qu’importe les armes utilisées par les foutraques du cinoche de Quentin Tarantino (les flingues de Reservoir Dogs, les katanas de Kill Bill, ou la batte de baseball de l’Ours de juif d’Inglourious Basterds), leurs artilleries principales sont les mots. Alors que son amour sans complexe pour le cinéma d'exploitation peut parfois apparaître, pastiche ou grotesque, Quentin Tarantino continue la politisation de son art et emblématise la globalité de son cinéma, sans s’auto congratuler, pour en retirer une sève, aux usages schizophréniques, tant ce nouveau film s’avère plus sombre mais à la fois plus parodique, notamment dans sa capacité à faire rire de l’horreur, exagérée et outrancière.

Les 8 salopards, disons le tout de suite, est l’œuvre la plus horrifique de son auteur, par la présence du fantôme de l’œuvre de Carpenter (The Thing), malgré l’intimité touchante de sa scène finale. Dans son environnement de cowboys suintant à travers les pores de leurs gueules cassées, un chasseur de prime doit ramener une femme pour qu’elle soit pendue. Sauf qu’un blizzard empêche l’accès aux routes, et ce petit monde est obligé de s’arrêter dans une mercerie puant le traquenard et comblée de loubards bien louches. Les situations glauques se catapultent les unes après les autres, font échos à la cruauté humoristique des dialogues sur la séparation raciale, et aiguisent l’ambiance tendue d’un récit qui se parachèvera dans l’abondance d’hémoglobine la plus viscérale et grandiloquente de la filmographie de son auteur, proche de l’esprit d’un Evil Dead de Sam Raimi. Le film décoche une nouvelle facette du cinéma de l’américain, par le biais d’une théâtralité de boulevard qui s’abandonne dans sa folie rigolarde, grâce à une utilisation parfaite du 70mm, un casting au diapason et un montage de plan claustrophobe. Théâtralité qu’on avait entraperçue dans la scène du bar dans Inglourious Basterds ou le dîner à Candyland dans Django Unchained.

Les 8 salopards renait avec le nihilisme étasunien post moderne d’œuvres comme Reservoir Dogs et Pulp Fiction, et continue de tracer la voie de Tarantino, dans sa quête révisionniste fendarde, d’afficher ses histoires dans L’Histoire, et principalement à travers la récupération des combats des opprimés : que cela soit le Black Power de Django Unchained ou le Girl Power de Death Proof. Ces trames imbibent la puanteur acide de ce nouveau western horrifique, huit clos harassant et génial, qui s’articule autour d’un poker menteur en forme de Cluedo géant qui reprend la double lecture narrative de Reservoir Dogs : savoir qui sont les moutons noirs du troupeau et que va-t-il advenir de Daisy ? Pour se faire, Les 8 salopards se base sur un retour à un certain minimalisme de l’épure de sa réalisation, souvent iconique, et donne la part belle à des dialogues, qui malgré leurs nombres et leurs longueurs, ne contiennent aucun artifice connu du réalisateur. Chaque dialogue, chaque face à face accentue la précision de la combine et son avancée en puzzle, ce qui permet aux 3 heures de films de passer crescendo, sans baisse de rythme dans la mise en place de ses indices et la détermination de l’ensemble de ses protagonistes.

Non linéaire, cette construction narrative fait monter la pression, va voir les visages se vicier et les vérités difficiles à dire ressurgir dans un fracas dérangeant, comme nous le montrera le secret qui relie les deux anciens combattants que sont Warren et Smithers. Dans la première partie du film, qui précédera un deuxième acte d’une violence sans tabous (explosion inattendue de visages, hilarante de nihilisme macabre), cet humour profondément noir se nourrit d’un comique de situation et de gimmicks purement drolatiques qui s’incorporent parfaitement dans l’architecture visuel du film. L’exemple le plus flagrant est ce duo, lié par les chaines, formé par Kurt Russel et Jennifer Jason Leigh, tous deux souvent hilarants. Lente au début du métrage, l'action se manifeste juste avant l'entracte, pour exploser, se vomir et finir sur un espoir pessimiste, nez à nez, avec une parodie cauchemardesque d’une justice ritualisée.
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Kill Bill : Volume 1 - 9/10

Messagepar Velvet » Ven 08 Jan 2016, 06:18

KIll Bill Vol. 1 (2003) - 9/10


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Après un Jackie Brown qui délaissait la violence caractéristique du réalisateur, Quentin Tarantino rebrousse chemin et signe une œuvre qui dévoile, son véritable amour pour son art. C’est une évidence, Kill Bill est un cri du cœur, une récréation enfantine, une rêverie empoisonnée, un coup de katana qui tranche dans le vif et qui éclabousse de sa fougue, toute une génération. Film somme de toutes les influences du réalisateur, Kill Bill est l’épithète qui symbolise la matière première du cinéma de Quentin Tarantino : la dévotion pour fabriquer un film hommage, une œuvre du dimanche soir (logo de la Shaw Brothers); volonté qui galvanise cet ancien vendeur de vidéo club. Certains crieront au plagiat, à l’imposture, à la compilation opportuniste et égocentrique ?
Tant pis, ce premier volume du diptyque concernant Beatrix Kiddo, comporte toutes les obsessions du cinéaste, qui délivre de ce fait, une fascinante séance de cinoche, sérieuse et non sans teintée d’un humour burlesque ; sèche et rapide comme un coup de trique.

Revenu d’outre-tombe et ancienne tueuse à gages, The Bride, a qu’une seule ambition : tuer ses anciens complices, qui ont tenté de la tuer durant son mariage. Kill Bill, éblouit et iconise ses incantations avec cette réappropriation du Jour de la mort, du fantôme de Bruce Lee vêtu de son légendaire jogging jaune et noir. Il crée une héroïne, une Uma Thurman prenant le visage d’un super héros qui manie les arts martiaux comme personne. Par l’évacuation esthétique de sa protagoniste, Quentin Tarantino passe le flambeau et inscrit la sacralisation de son imagerie de la violence qui met la femme aux centres de son architecture, face à David Carradine, protagoniste de la série Kung Fu. Avec comme étendard, ce nihilisme toujours gravé comme fortune d’une époque, Kill Bill est une cure de régime, sans gras et tout en protéine, qui en oublie de dessiner la société américaine pour mieux se concentrer sur son schéma pictural, qui est de créer un patchwork de genre (western, série B, revenge movie, manga…).

Ainsi, tout en respectant sa narration chapitrée, tout en chronologie déstructurée, Kill Bill suit un chemin binaire : celle de la mort. Et pas de place pour la rédemption, ni la conciliation. De l’eau à couler sous les ponts après cette tentative d’assassinat, qui plongea la mariée dans un coma de plusieurs années, mais la mémoire reste intacte et après un réveil impromptu, une idée tapisse l’esprit de notre héroïne: la vengeance. Et à partir de là, Kill Bill avance à toute berzingue et décoche ses coups sans relâche jusqu’à atteindre sa cible allant du petit lotissement américain sans problèmes à la ville de Tokyo, ville de la pègre yakuza. Dès le début, on est mis au diapason avec ce premier combat au corps à corps frénétique à l’arme blanche. Alors qu’on savait Tarantino, malin dialoguiste et metteur en scène confirmé, le réalisateur signe son film le plus fortifiant formellement parlant, et capte l’action avec énergie. Cette fois ci, il efface les mots et leur juxtaposition visuelle, s’essaye aux split screens (marque de fabrique de Brian de Palma), pour visualiser les corps et leurs gesticulations, chorégraphier les mouvements et leur signification (magnifique Chiaki Kiriyama en écolière sadique et combattante chevronnée faisant le pont avec Battle Royal).

Cette idée de mouvement, d’expressionisme d’un pan de son cinéma brûle avec incandescence durant les 10 minutes de manga qui parcourt le film : racontant la jeunesse du personnage Oren Ishii comme parabole funeste à celui de Lady Snowblood de Toshiya Fijita, cette séquence animée (studio derrière Ghost in the shell), aux accoutumances japonaises, pulvérise sa haine, et voit le sang peindre le mur de sa saveur morbide. Peut-être la violence la plus graphique dans la filmographie de l’américain. .
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Re: [Velvet] Mes bafouilles lunaires 2016

Messagepar Alegas » Ven 08 Jan 2016, 12:23

Pas de critique de Jackie Brown ?
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Re: [Velvet] Mes bafouilles lunaires 2016

Messagepar Velvet » Ven 08 Jan 2016, 13:13

Si, je finirai ma rétro par Jackie Brown et Death Proof.
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Re: [Velvet] Mes bafouilles lunaires 2016

Messagepar Alegas » Ven 08 Jan 2016, 13:59

D'accord, je pensais que tu faisais ta rétro dans l'ordre chronologique. :wink:
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Re: [Velvet] Mes bafouilles lunaires 2016

Messagepar Velvet » Ven 08 Jan 2016, 17:11

En fait j'avais commencé ma rétro' par Django Unchained, dont j'ai réajusté la critique il y a une bonne semaine: Django Unchained
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Kill Bill : Volume 2 - 9/10

Messagepar Velvet » Lun 11 Jan 2016, 14:37

Kill Volume 2 de Quentin Tarantino (2004) - 9/10


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Kill Bill est un monstre à deux têtes, une même entité faite de noir et de blanc, qui se détache de tout son corps par sa structure antagoniste. Kill Bill, premier du nom, exercice de style sanglant, foudroyant d’aridité, laisse place à son épilogue, une deuxième partie qui fait presque figure d’ovni dans la filmographie de son auteur. Reprenant les codes de Pulp fiction avec ses dialogues incisifs et référentiels (Bill et son allusion à Superman), Quentin Tarantino se déjoue des attentes, et donne à son diptyque, une aura plus morose, une émotion rare chez l’américain. Le spectaculaire se dérobe, dans une violence parcimonieuse toujours aussi implacable, pour se désintéresser de ses effets de style et donner une profondeur inattendue à ses personnages, devenant alors un magnifique portrait de femme. Plus intimiste, moins iconique mais plus retors dans son aspect réflexif, le deuxième volet est un grand film. C’est le cœur du sujet, la retranscription parfaite d’une volonté acharnée d’en découdre avec son passé, la seule envie, de tuer Bill : de Kill Bill.

Mettant un peu de côté sa fascination pour le genre du chanbara, Quentin Tarantino renoue avec le polymorphe de son cinéma, sacralisant non pas l’iconisation des corps mais celui de l’espace, des mots qui s’écharpent par la culture de leurs chutes. Le fantôme de Bruce Lee se désagrège pour ne faire qu’un avec l’âme du western, le grand Ouest et sa sécheresse exiguë, ce calme avant la tempête, cette violence fine et sale, où le spectre de Sergio Leone plane sur les compositions sonores de Morricone et graphiques de Quentin Tarantino, notamment durant ce duel exceptionnel entre The Bride et Elle Driver. Dans ce registre, la narration se veut moins concise, plus aérienne, presque en mid tempo, entièrement fragmentée par l’accumulation des dialogues, mais qui ne ternissent pas la force de son action où les combats sont entrecoupés par de longs monologues qui renforcent la mythologie de l’univers de Beatrix Kiddo.

Quand on scrute le début des deux films, la rupture de ton est flagrante : KB1 jetait d’entrée The Bride et Vernita Green dans l’affrontement mortel alors que KB2 reprend l’histoire à son dénouement originel, le mariage et les derniers échanges entre The Bride et Bill, avant l’assaut brutal. Malgré l’incorporation de nombreux flashbacks qui explicitent l’épicentre des contentieux, l’écriture se veut linéaire, maline dans son aptitude à créer une tension évolutive, et suit chronologiquement, cette quête inarrêtable de vengeance jusqu’à ses trente dernières minutes de retrouvailles entre Bill et Beatrix. Le film est toujours binaire, va d’un point A à un point B, d’un mort à un autre, mais dans un goût stylistique opposé, où la chorégraphie des meurtres se leurre, et privilégie la caractérisation, à la fois de personnages sur les rotules (Budd, sadique mais sublime loser), mais aussi et surtout de la relation d’un homme (Bill, incroyable, cruel et charismatique David Carradine) et d’un femme, anciennement amoureuse et fabriquée par un maitre Shaolin (Pai Mei) particulièrement abrupte, illustrant de ce fait, les racines meurtrières de Kiddo.

Dans la fulgurance de ses influences japonaises et asiatiques, Quentin Tarantino singe son cinéma et signe un long métrage presque féministe (réflexion sur la maternité), qui fait magnifiquement le pont entre le sublime portrait de Jacqueline Brown et la horde de pétasses pétaradantes de Death Proof. Alors que le volume 1 était un magnifique échantillon post-moderne de la culture pop et japonaise de son auteur, Kill Bill, deuxième du nom, fournit une toile de fond à son intrigue, où le squelette devient l’esprit, et fait de son univers, pas qu’une simple épopée cinématographique nostalgique, et purement esthétique, mais une saga épique et virtuose dans sa richesse et son hétérogénéité.
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Carol - 8/10

Messagepar Velvet » Mer 13 Jan 2016, 07:00

Carol de Todd Haynes (2015) - 8/10


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Avec cette mise en scène, que ne renierait pas Wong Kar Wai version In the Mood for Love, la discrétion des sentiments sied parfaitement à une nomenclature esthétique au souffle court, qui fait prédominer la hantise du désir plutôt que l’expression d’un amour fougueux. A travers l’échancrure d’une porte, la fissure d’un part brise, derrière l’objectif d’un appareil photo, ou le flou embué d’un miroir, Todd Haynes dévisage avec finesse et raffinement le rapprochement, la transparence de deux êtres en quête d’absolution, une histoire d'amour dans une époque marquée par son conformisme. Sous couvert de l’actualité de notre époque, avec le mariage gay et l’évolution des mœurs, le réalisateur se détache d’une politique identitaire malhonnête, et n’en fait jamais un cas d’école racoleur, mais puise dans un schéma narratif d’une grande dignité. Car si l’homosexualité est évoquée (question de moralité par rapport au mariage du personnage de Carol), elle n’est jamais nommée.

La prise de position sentimentale et existentielle, se situe dans un horizon plus large, qui entoure la place d’une femme dans les années 1950, quant à ses choix et son apparence dans la société. Le milieu du métrage voit la genèse d’une sorte de voyage de quelques jours, prenant une allure « road movie », où Thérèse et Carol s’uniront pour la première fois. Mais de ce premier ébat charnel, qui sera sous écoute, Thérèse se sentira coupable quant aux conséquences de cette liaison, de cette prise de liberté. Chemin de croix, qui résume toute la gravité du film, qui, s’il tire vers le mélodrame, s’avère tout autant dessiner les traits d’un récit initiatique dans une époque conservatrice qui semble, parfois, étrangler son espace. Derrière cette signalétique qui se dissocie peu à peu d’un académisme plombant pour rejoindre un classicisme feutré, proche de l’élocution d’un James Gray, se dresse un écrin visuel d’une rare beauté, qui effleure avec merveille sa direction artistique, la pulsation et l’odeur même de son environnement, passant de quartiers qui véhiculent ce luxe d’une classe aisée alimentée au banquet et au repas dinatoire mondain face aux petits quartiers et les bars qui transpirent la middle class un peu bohême au questionnement ad vitam aeternam.

La force presque invisible de Carol, n’est pas d’incarner le désir (l’anti thèse de la vie d’Adèle malgré sa sublime scène de sexe) mais se situe dans sa capacité à raturer la conscience et l’inconscience de ce rapprochement, à délier son histoire d’amour par la rupture sociale qui à la fois, sépare et unit, les deux protagonistes quant à leur décision. Sur le fil et toujours empreint d’un certain mystère, cet amour est la frontière qui prend la forme d’une scission, l’image de cet amour maudit et interdit, qui doit faire face à l’envie de grandeur de la part d’une future photographe à la recherche de sa vie, et le combat d’un mère qui fait tout pour sauver sa place dans le paysage familial de sa petite fille. Todd Haynes, avec cette réadaptation du livre de Patricia Highsmith entre les mains, aurait pu bousculer les barrières et écrire un pamphlet sur la liberté des mœurs, mais le réalisateur s’évertue à iconiser ses actrices, le fétichisme de leur geste quotidien, la rigidité des mouvements enclavés dans l’étroitesse de son décor par l’élégance de sa réalisation et profite de ce moment pour tracer les contours de deux visages, de deux sublimes portraits de femmes, qui explosent au grand jour par leur dignité et leur délicatesse.

Révélatrice de la grâce de l’écriture du métrage, cette séquence de plaidoyer par Carol, lors de l’audience qui sanctifie le sort de son divorce, ce n’est pas un discours militant qui résonne, mais l’éloquence d’une femme libre, responsable d’elle-même et capable de juger du bienfondé de sa santé et de sa vie conjugale. De sa stature et sa noblesse, qui se rapproche de son rôle dans Blue Jasmine, Cate Blanchet alimente son aura aussi désuet qu’hypnotique. Mais de cette œuvre, c’est avant tout Rooney Mara, une grande actrice, qui éblouit par sa douceur et sa réserve. Jamais à la recherche de l’ostentatoire, Carol se révèle poignant par les brèches de ses tourments et la pudeur de son ambition.
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Gummo - 8/10

Messagepar Velvet » Ven 29 Jan 2016, 09:50

Gummo de Harmony Korine (1997) - 8/10


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Harmony Korine est une sorte d’avorton, un cinéaste peu orthodoxe qui se moque bien des codes de son art, et qui voue un culte pour les marginaux qui peuplent les rives d’une Amérique crasseuse. Il filme ses semblables, il se filme lui-même, se réapproprie leur malaise. Harmony Korine vient de Nashville. A travers Gummo, sa misère white trash, cette parodie de liberté, cette ville fantôme dévastée par une tornade dans l’Ohio, cette déliquescence de l’adolescence, l’absence d’avenir chez les rednecks, le réalisateur pose son regard à la fois empathique et amusé, celui d’un portraitiste qui aime s’accaparer le monstrueux. Gummo, mosaïque hybride de gueules cassées, de destins brisés, de railleries assumées, aurait pu devenir un énième ersatz filmique chez les bouseux.

Sauf que le scénariste de Kids, impose sa griffe, se rapproche de ces jeunes pour les écouter au creux de l’oreille et singe son long métrage qui immigre vers le documentaire voyeuriste et le conte horrifique à la fiction désordonnée où les errances des teenage movie de Larry Clark et de Gus Van Sant ne sont jamais bien loin. Harmony Korine n’a pas la prétention d’écrire un pamphlet anti système, ni même d’énoncer un avis critique, d’avoir des choses à dire sur le comportement d’une communauté obscurcie par la fatalité. De ce fait, Harmony Korine abandonne l’idée de structurer son œuvre, oublie l’essence même d’un récit linéaire classique pour faire de Gummo, une collection de fortunes sur l'existence sombre d'un quartier pauvre. Ce qui le différencie de ses influences, notamment de Larry Clark, c’est d’accoucher d’un ordre moins pré établi, d’élargir son champ lexical cinématographique, pour en dissocier la sève, et de ne pas se contenter d’énumérer la sécheresse explicite de la réalité.

Par sa capacité à se jouer des images, à coller les éléments visuels dans la volonté de créer un aggloméra disjoint de formats et de polaroids instantanés à la Godard (voix off, ralenti érotique sur Chloé Sevigny, super 8 etc…), Harmony Korine, avec son rire farceur, et son humour graveleux, adopte sa propre posture absurde, dévoile un univers presque intemporel, un espace clos isolé de toute règle, un conte horrifique où les princesses attardées se prostituent, où les jeunes adolescents se travestissent en cachète, où un garçon « lapin » erre sans voix, coincé dans une cage comme métaphore de son impuissance à s’élever et où les lutins, les elfes tuent les chats pour finir par se la « coller » dans des bad trip. Porté par un souffle, un cœur qui bat à rebours, Gummo s’éloigne du réalisme, de ce cinéma vérité que prône par exemple le récent The Other Side de Roberto Minervini, pour s’émanciper dans les contrées du surréalisme (ce qu’il fera avec le non moins magnifique Spring Breakers), qui diffère du premier degré, d’un sérieux plombant. Le pathétique, Harmony Korine ne le filtre pas, il l’impose, se montre lui-même en état d’ébriété tout en draguant un nain noir/gay/juif. Scène aussi hilarante que navrante. La limite de son cinéma se pose là, comme un étendard au milieu d’une morne plaine : que faut-il penser de tout cela ?

Crier à l’imposture, ou à la sincérité névrotique d’un marginal qui filme le prisme réfractaire de son propre reflet. Souvent proche du scandaleux, de la provocation juvénile, du poncif misérabiliste qui vous assène le discours fragile d’une fille en train d’expliquer les attouchements incestueux subis dans sa jeunesse, ou de cette troupe de rednecks imbibés à la bêtise futile avec leur pensée raciste, Gummo surprend dans la diversité des émotions qu’il fait émerger d’une scène à l’autre, soit bouleversant (cette femme qui vit toute la journée avec une poupée), rigolard (ce portrait d’une albinos façon clip MTV), grave (la mère de Solomon qui lui met un arme (fausse) sur la tempe en lui ordonnant de sourire).

D’une misanthropie inconsciente, Gummo se détache de ces congénères, de ces compagnons de galères, de cette Terre abandonnée des Dieux, mais ne fait jamais de ses personnages des singes savants ou des bêtes de foire que l’on viendrait scruter comme dans un cirque. Au contraire, à travers des protagonistes réguliers de son récit atmosphérique, comme Solomon, il crée une empathie ambiguë autour de ses freaks, fait ressortir d’eux une bonté non nocive, une compréhension déserte sur l’innocence déchue, l’apathie d’une âme en perte de repère réel, d’une vie sans forme ponctuée de petits bonheurs rabougris.
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Jin-Roh, la brigade des loups - 9/10

Messagepar Velvet » Mer 03 Fév 2016, 09:06

Jin-Roh, la brigade des loups de Hiroyuki Okiura (1999) - 9/10


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C’est l’histoire d’un loup, d’une machine entrainée à tuer et à ne pas avoir de sentiments. Kazuki vit en meute, arme à la main, sous une armure qui suinte la mort, les yeux rougis par une violence indolore. Entouré, mais inscrit dans la pénombre, c’est par la luminosité d’un regard juvénile et les éclats d’une bombe qu’il va s’égarer dans les soubresauts d’une vaine et pessimiste quête d’existence. Jin Roh, sous couvert d’un univers d’après-guerre réaliste et dystopique, se réapproprie le conte du petit chaperon rouge par le prisme de la fatalité d’un couple impossible. Qui est le chasseur? Qui est la proie? Et une bête peut trouver le bonheur dans l'apparence d'un être humain? Jin-Roh a lieu dans un autre de Tokyo, qui est criblé de troubles civils pour protester contre le gouvernement. Un groupe d’activistes dont les attentats force l'armée à créer une unité de police spéciale pour les éliminer. Alors, quand un lieutenant (Kazuki) de cette unité spéciale se fige dans la ligne de devoir, il est envoyé vers les terrains d'entraînement et met en péril l'existence de son unité.

Bercé d’une couleur terne, d’un rythme sous perfusion, mené d’une main de maitre par un montage exemplaire, qui ramifie la mélancolie d’une époque totalitaire où les hommes se dévisagent derrière des masques et des discours pour mieux dessiner les contours d’une idéologie sécuritaire d’un côté ou terroriste de l’autre, le long métrage d’Hiroyuki Okiura se révèle flamboyant de sécheresse torturée. Le réalisateur délaisse petit à petit les grands espaces narratifs de ce contexte sous tension où l’on se sert autant des armes que de l’innocence des enfants, pour resserrer son récit sur l’éventualité d’un écueil morbide, d’un épouvantail traumatique autour d’un homme, qui, à force de se camoufler, ne sait plus de quelle espèce il est : l’homme ou le loup.

Dans ce japon fait de répression armée (la Posem avec son imagerie nazie, dont fait partie Kazuki), où le mot d’ordre est l’intérêt général et le calme fabriquée par une paix factice, Jin Roh calfeutre ses émotions dans les non-dits et dans les faux semblants malgré sa complexité scénaristique ; et de cette animation majestueuse aussi fragile que figée, où le fantastique se dilue dans un réalisme aussi sec que dévorant, nait alors une œuvre hybride qui incorpore sa torpeur entre drame romantique et film de contre-espionnage. Alors que la métaphore au conte de Charles Perrault peut parfois paraitre insistante dans sa grammaire visuelle quant aux hallucinations sanglantes de Kazuki qui se remémore la mort de cette jeune fille sur qui, il n’a pas pu tirer, c’est dans l’évidence de sa finesse, l’éloquence de son mutisme que Jin Roh dévore l’estomac, déploie sa majesté quant aux émotions presque inertes et sans vie de tous ces visages, ces âmes en peine, qui se battent pour une cause perdue, ou pour un but qui les dépasse.

Par l’interstice d’une virée en enfer dans l’ombre d’un tunnel souterrain ou par les rêveries d’ailleurs sur un toit isolé, Hiroyuki Okiura instaure une histoire d’amour par le petit bout de la lorgnette, dans une innocence presque intemporelle qui dénote avec le pragmatisme déshumanisant de tous les protagonistes qui cohabitent dans une société dissoute qui n’est autre qu’un ensemble de groupes, de meutes, de brigades invisibles, qui essayent d’avoir le pouvoir sur les autres. De cette œuvre, il n’est pas étonnant de voir qu’elle est scénarisée par le réalisateur de Ghost in the shell tant la froideur et l’existentialisme exiguë paraissent similaires entre les deux œuvres, tant le regard sur la mort et le destin suit le même tambour, dans ce mimétisme émotionnel qui n’amplifie jamais ses effets aussi émotifs que réflexifs, de cette perspective presque nihiliste qu’ont les humains à ne pas pouvoir survivre les uns avec les autres.
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