Margin Call parvient à rendre intéressant un sujet qui ne m'en faisait pas bouger une (sauf peut-être le
Wall Street de Oliver Stone), à savoir la crise financière de 2009, d'autant plus qu'on nous tient en haleine sur un continuum de 36h, et ce, quasiment dans ces mêmes lieux aseptisés d'une banque d'affaires et d'ordinateurs branchés 24h/24h. Pour raconter son histoire, J. C. Chandor choisit, contrairement à O. Stone, une certaine sobriété et subtilité où les non-dits entre les personnages sont nombreux sans nous perdre pour autant, idem pour ces dialogues basés sur la finance rarement abscons et incompréhensibles. En tous cas on ne perd jamais le fil de ce thriller moderne très bien ficelé. La mise en scène n'est pas en reste, avec une bonne gestion de l'espace (du coup, ce cadre confiné est un bon exercice de style) tant au niveau des relations, de l'exposition stylisée mais non moins oppressante d'un des lieux où se joue l'avenir du monde financier tout entier (et plus encore), et un montage au cordeau où s'instaure une bonne tension de bout en bout, dans une optique pourtant non spectaculaire.
La réussite de ce premier essai prometteur, on la doit aussi et surtout à la prestation des acteurs, Kevin Spacey en tête (on a l'habitude), sans faire de l'ombrage au reste du casting qui est aussi très bon, à travers une série de face-à-face très bien orchestrés. Leurs personnages ont ainsi de la chair, ce qui a toute son importance vu le sujet du film qui aurait été sinon bien abstrait/formel. Et contrairement aux apparences, ce film est loin d'être manichéen. Sans faire de la psychologie de comptoir, on passe d'un personnage à l'autre où chacun est livré est à lui-même face à cette situation d'urgence, nourrissant d'un côté de nombreuses petites réflexions sur le rapport entre l'argent et l'éthique sans offrir de solution facile, et de l'autre des séquences tout simplement humaines, une fois les différences hiérarchiques abolies. Ainsi, l'une des forces du film est d'avoir développé, derrière les ressorts classiques du thriller, une fibre intimiste et dramatique qui fonctionne plutôt bien à tous les niveaux de l'échelle.
Bien sûr, le dénouement n'a rien de surprenant, mais encore une fois, Chandlor transcende son sujet en passant au microscope un milieu qui semble coupé de la réalité jusqu'à ce que celle-ci le rattrape (et ce dès l'intro, avec des RH aussi chaleureux et communicatifs qu'une porte de prison). Et ce film contient d'excellents dialogues, offrant même de légères touches d'humour (comme les deux jeunots qui, en cherchant leur ex-boss, se retrouvent on ne sait trop comment dans un cabaret à cuver leur alcool) pour alléger quelque peu un propos bien sérieux et dramatique, le tout porté par une ambiance nocturne de toute beauté ou chacun est renvoyé à sa solitude. Conquis je suis, me donnant envie de voir d'autres films du bonhomme, surtout s'ils sont aussi investis et habités que celui-ci.
Note : 7.5/10