≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈ FRANKENSTEIN (1931)de James Whale
7.5/10≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈≈ Neuf mois seulement après la création du mythe Dracula, Carl Laemmle Jr décide de produire un nouveau monstre qui marquera à son tour Hollywood : la créature de Frankenstein. Modelée par le maquilleur de génie Jack Pierce (qui rendra immortels à l'écran La Momie, Le Loup-Garou, et bien d'autres), la créature devait être incarnée par la star Bela Lugosi qui refusera le rôle à cause de son mutisme. Rôle qui reviendra à un acteur anglais raté, Boris Karloff, néanmoins expérimenté depuis l’époque du muet. Sa prestation humaine et tragique dans la peau d’un désincarné, d’un monstre crée à partir de membres humains et de cerveaux donnés à la science, l’inscrira dans la légende du cinéma fantastique pour lequel il dévouera jusqu’à sa mort une passion dévorante. La réussite d’une telle prestation réside d’abord dans la sobriété du jeu de Karloff. Une raideur gauche, des traits tristes cachant des cernes morbides et des grognements craintifs réussissent à rendre un être plus que mort une créature vivante et tendre. Une des scènes les plus poignantes du film, lorsque la créature rencontre une petite fille lui montrant le jet d’une fleur qui flotte dans l’eau, résume la maladresse funeste que contient dans ses mains créées par d’autre la créature, incapable de prolonger un simple geste de complicité, ni de contrôler un destin qu’il n’a jamais commandé.
Frankenstein est non seulement un film triste et tragique, mais il est également une production bien faite, plus rythmée et dotée d’une mise en scène plus soignée que Dracula. La faute au réalisateur anglais James Whale, ancien comédien passé par le théâtre, qui gagna l’adaptation du roman de Mary Shelley pour ses services rendus à la maison Universal. Le metteur en scène montre ici un grand sens du cadre et une liberté de mouvement assez sidérante pour l’époque. Travellings latéraux clairs, éclairage sublime, caméra portée, Whale prouve qu’il a une vision en plus d’une technique au-dessus de la moyenne. Si Karloff rendra immortel Frankenstein, le talent de directeur d’acteur de Whale n’y est sans doute pas pour rien non plus. Un grand acteur principal, un très bon réalisateur, Frankenstein deviendra aussi ce qu’il est pour l’entièreté de son casting. Outre Dwight Frye et Edward Van Sloan qui avaient fait leur preuve dans Dracula, le film vaut pour un autre destin tragique, celui du Dr Frankenstein, campé par Colin Clive jouant un mégalomane désabusé par son échec de jouer à Dieu. Autant de critères prouvant toute la qualité de ce film, qui s’il aurait gagné à dégager une plus grande chaleur et de plus larges émotions, ne vole définitivement pas son statut de grand classique du genre horrifique hollywoodien.