"Cent ans de solitude" de Gabriel Garcia Marquez - 1968¤¤¤
Exigeant dans sa lecture, le roman de Marquez l'a été également dans son écriture. Le processus de gestation de "100 ans de solitude" est presque aussi célèbre que le roman en lui même. Les déboires par lesquels sont passés l'écrivain et ses proches renforcent ceux qui se déroulent à Macondo, ville fictive et cocon de tous les fantasmes accumulés de l'auteur. Pilier littéraire du réalisme magique, le récit cherche à retracer les hauts et les bas d'une lignée sur sept générations, famille habitée par une malédiction insondable où la mort, la folie et bien entendu la solitude prend place sous toutes ses formes. L'imaginaire énormément symbolique de Marquez transfigure la violence du récit et rend supportable les pires atrocités (le massacre des ouvriers, les guerres politiques, les assassinats de la fratrie Buendia, les relations incestueuses), tout en ajoutant une mélancolie profonde aux rares lignes de dialogues. Les multiples ramifications des générations, aux noms très semblables (chaque nouveau-né prend le prénom de son arrière grand parent), rend compliqué la lecture et la compréhension globale de l'oeuvre. Mais on peut aussi se laisser porter sur le fleuve de la vie des Buendia et regarder avec un regard omniscient ces destins scellés par la tragédie bien avant leur naissance.
"J'irai cracher sur vos tombes" de Boris Vian - 1946¤¤¤
Prenez toute la haine que la communauté noire aurait pu accumuler contre les Blancs du Sud des Etats-Unis depuis leur existence et faite la bouillonner dans un seul et même personnage. C'est l'idée de Boris Vian alias Vernon Sullivan, qui défraye la chronique lors de la parution du roman. Condamnation pour atteinte aux bonnes mœurs, classification dans les romans pornographiques, ce serait sous-estimé le roman que de dire qu'il a fait parler de lui. Si la notion de racisme est aujourd'hui moins taboue qu'à l'époque, Vian retrousse ses manches et rentre dans le vif du sujet en alignant au peloton d’exécution la race blanche et en exterminant toute trace de haine et de mépris par l'intermédiaire de la violence la plus crue et la plus frontale qui soit. Cela donne une montée en pression digne des meilleurs thrillers et un portrait au vitriol d'une Amérique conservatrice de valeurs éculées. Mordant !
"- Ça vous dirait un petit échange dans la ruelle, derrière le bar ?
- Si c’est un échange de fluides corporels, je suis pas contre. Mais alors dans ce cas, tu passes devant."