La Danza de la Realidad - Alejandro Jodorowsky (2013)
Artiste protéiforme, Alejandro Jodorowsky est un vrai personnage dans le panorama culturel d'aujourd'hui, si je le connais surtout pour sa contribution au 7ème Art avec le magnifique Santa Sangre qui certes fait figure dans son œuvre de film "grand public" comparé a ses autres métrages, mais restait suffisamment personnel et maitrisé pour toucher l'âme d'un cinéphile comme moi qui ne demande qu'a être ébloui par des univers qu'il ne connait pas, il est un homme précieux dont le retour derrière la caméra se faisait plus que désirer (23 ans bon sang !). Après, par expérience, j'ai toujours tendance a me méfier des come-back tardifs, qui se contentent de réutiliser le même fond de commerce qu'autrefois mais en moins bien, heureusement on est plus proche de l'esprit véhiculé par Amnesia où l'auteur du film cherche tellement a donner son coeur au spectateur en se livrant dans son intimité la plus crue histoire de faire un bilan sur sur son existence, qu'il est impossible de le détester.
A vrai dire, j'ai énormément pensé a Santa Sangre en découvrant La Danza de la Realidad, il est certes plus "libre" dans la forme mais l'univers du cirque et le récit filial douloureux font que l'analogie est évidente, Jodo réincarne son enfance difficile mais formatrice (il se permet même d'apparaitre, tel un ange gardien devant son alter égo enfant) pour dépeindre un portrait autant onirique qu'éprouvant du Chili des années 30, torturé par différents troubles politiques et sociaux. Le plus étonnant reste le point de vue choisi par le réalisateur, je m'attendais a une mise en abime totale du cinéaste se mettant a nous raconter son enfance a sa manière, sauf qu'il va emprunter un chemin surprenant et je dirais même impressionnant d'un point de vue humaniste, en se focalisant sur son père (joué par son fils Brontis) qu'il dépeint au départ comme un être tyrannique et frustré, n'ayant de cesse de martyriser son fils. Jodo va petit a petit lui laisser le beau rôle, communiste convaincu (il va jusqu’à imiter le style vestimentaire de Staline), cet homme au départ qui n'a rien d'aimable va se révéler a nous comme quelqu'un de fragile, obsédé par le regard des autres au point de toujours réprimander les siens a chaque écart. C'est véritablement cet aspect qui m'a le plus scotché dans La Danza de la Realidad, même si la première heure reste la plus rythmée, la seconde moitié du film montre la transformation d'un être détestable en un homme vénérable, Jodorowsky l'âge venant ne s'aigrit pas, au contraire, il observe les choses avec recul et sait voir le meilleur qu'il y a en chaque homme, bien qu'il garde une certaine part de cruauté (et c'est peu de choses de dire que le film est très extrême dans cette approche)
Aussi poétique qu'introspectif, La Danza de la Realidad fait plaisir a voir dans un média qui accorde de moins en moins de place a l'imaginaire et parce qu'il nous rappelle a quel point Jodo nous a manqués ! Vivement Poesia Sin Fin !
8/10