★★★★★★ ZE CHALLENGE DÉCOUVERTE ★★★★★
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LA VIE D'ADÈLE
Abdelatif Kechiche | 2013 | 6/10
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« Quand l'ignorance et la culture jouent ensemble sous la couette
C’est l’esprit embrumé que je finis La vie d’Adèle, aussi charmé qu’agacé parce qu’à l’écran se sont succédés ce que je déteste le plus au cinéma –et ailleurs– et ce duo à l’alchimie remarquable qui est parvenu sur la distance à se frayer un petit chemin vers l’aorte de mes sentiments.
D’un côté d’une balance à l’équilibre instable, une prétention intellectuelle constante prenant la forme d’un torrent de réflexions philosophiques forcées qui s’invitent aux soirées mondaines organisées par des artistes friands de la joute verbale pompeuse, un maniérisme formel agaçant qui consiste à faire couler le tarin de la jolie Adèle plus que de raison, de lui gorger les lèvres de sauce rouge ou blanche lorsqu’elle dévore des pâtes bolognaises ou un « grec » en terrasse, quand il n’est pas question de lui glisser furtivement une mèche de cheveux dans la bouche pour nourrir ses dents de lapin, tout cela uniquement dans l’optique d’exacerber un quotidien qui se veut réaliste et le PLUS cru POSSIBLE. C’est d’autant plus dommage de forcer le détail à ce point que le geste n’est pas utile : s’il y a bien une composante du travail de Kechiche qui force l’admiration (et inspire aussi une certaine antipathie), c’est sa capacité à capturer la monotonie touchante de nos quotidiens en même temps qu’il spolie les jardins les plus intimes de ses deux comédiennes.
De l’autre, une belle illustration du sentiment amoureux, qui parvient à gommer toutes les thématiques de la première demi-heure où il est question, entre autre, de lancer une réflexion furtive sur l’identité sexuelle et sa labellisation dans nos sociétés contemporaines. Il est assez bluffant de voir comment Kechiche parvient à éluder la question après une heure de film et quelques flirts en club LGBT pour n’illustrer que la belle relation qui prend place entre Adèle et Emma. Leur homosexualité devient transparente et naturelle, leur histoire ne souffre d’aucun cliché, elle est simple, violente, touchante, passionnée.
Alors, lorsque l’écran noir annonce la délivrance après trois longues heures de scènes qui s’étirent plus que de raison, qu’elles soient l’illustration de l’harmonie des corps ou de la transmission du savoir à la nouvelle génération — vis ma vie d’instit, ça va un moment —, c’est torturé que l’esprit tente de séparer le formalisme de petit malin de la sincérité de deux actrices impliquées corps et âme dans un film qui les a probablement autant marquées au fer rouge qu’il le leur rend bien au final : impossible de finir la séance sans un profond respect pour Lea Seydoux et une tendresse infinie pour Adèle Exarchopoulos, muse aux yeux fragiles d’un cinéaste que l’on devine exigeant : combien de fois la question de la rudesse des prises de vue s’impose aux yeux troublés qui contemplent leur aboutissement ?
Mais malgré cet élan d’admiration, La vie d’Adèle me fait l’effet d’être un peu trop calculé, d’être trop écrit dans son ensemble. Sa durée irraisonnable, qui devient gratuitement l’une de ses singularités, combinée à la maladresse de ses dialogues lorsqu’ils illustrent le milieu de l’Art, en sont les premiers responsables. Quelques apartés culturels font l’effet d’une leçon forcée, un moyen lourdaud de justifier le film dans son ensemble et ses scènes charnelles composées au millimètre. Des moments tellement esthétisés qu’ils finissent par perdre ce qui les contextualise, à savoir un sentiment amoureux sans concession. Cet amour s’exprime bien plus, à mon sens, lors du dernier face à face entre Emma et Adèle, dans l’arrière-salle d’un café peu éclairé, en toute intimité, quand Kechiche, après nous avoir martelé la tête de ses idées, ôte enfin de ses images le superflu arty qui les a troublées pendant pas moins de 3 heures.