[Alyosha] Mes critiques en 2015

Modérateur: Dunandan

[Alyosha] Mes critiques en 2015

Messagepar Alyosha » Ven 06 Fév 2015, 21:09

Here we go !
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Gardiens de la galaxie (Les) - 9/10

Messagepar Alyosha » Ven 06 Fév 2015, 21:23

Les Gardiens de la Galaxie
James Gunn - 2014
9/10



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Onze mercis à ceux qui ont fait les Gardiens de la Galaxie.

Merci d’avoir choisi pour un des personnages principaux un raton-laveur mutant qui jubile dès qu’il a un gun dans les mains et de l’avoir appelé Rocket Racoon. 



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Mouahaha !



Merci d’avoir choisi comme autre protagoniste un arbre (Groot) qui par ses répliques est le sujet rêvé pour douze milles thèses de sémiotique. 


Merci de ne pas être un énième film de super-héros empesé de solennité lourde et fanfaresque. Merci d’en être tout le contraire : la dynamitation du genre (ou la revitalisation - vie et dynamite, c’est la même chose) de l’intérieur, jusque dans ses formes conventionnelles. J’aime particulièrement deux détournements de scènes-clichés. La grande scène dite du « qui est avec moi ? » - celle où le héros (normalement) fait part de son plan suicidaire et où ses alliés, d’abord dubitatifs, finissent par se lever les uns après les autres autour de lui en disant qu’ils le suivront malgré tout jusque dans la mort parce que, comme dirait le Petit Nicolas, ils sont « toute une bande de chouettes copains ». (Cas d’école : le conseil d’Elrond dans La Communauté de l’Anneau). Dans Les Gardiens de la Galaxie, de la même façon, le héros Starlord a un projet suicidaire et voudrait que tout le monde le suive parce que le destin leur donne une chance d’être autre chose que des losers, qu’ils peuvent enfin faire quelque chose qui compte, tout ça tout ça. Effectivement, tout le monde finit par se mettre debout en rond. Sauf Rocket Racoon qui ne se lève qu’à contrecoeur et proclame : « Alors, ça y est, c’est bon. On est tous debout. En cercle. Comme des cons. Vous êtes contents ? » Je suis ultrafan aussi du détournement de la scène dite de « préparatifs » (où (normalement) on voit les héros fourbir leurs armes sur une bande-son énergique, et qui se termine sur un plan badass de toute la bande qui s’avance au ralenti vers la bataille finale). Là, déjà, la bande-son, c’est « Cherry Bomb » et rien que ça c’est génial (« Cherry Bomb », chanson du siècle). Et surtout, au milieu du « plan final au ralenti des héros badass qui s’avancent vers la mort », Gamora baille. Au ralenti. Un bâillement dantesque et encore prolongé par le ralenti. Sublime. Gamora, parlons-en. 



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Une milli-seconde avant le début du bâillement


Merci dix mille fois de ne pas avoir fait de Gamora la caution sexy qui tombe dans les bras du héros. Gamora est un vrai personnage, pas la silhouette avec des seins qui est là pour que le héros ait quelque chose à embrasser à la fin. Gamora ne tombe amoureuse de personne, à aucun moment du film. Et elle ne se dénude à aucun moment (dans ton cul, Star-Trek-Into-Darkness-tiens-j’ai-besoin-de-me-changer-ne-te-retourne-pas-pour-me-regarder-en-soutif-oh-tu-t’es-retourné…). Mille griffes de schnarf, ça fait du bien !

Merci d’être un vrai film d’aventures, sans complexe, sans caution moralisante, où tout ce qui importe, c’est des personnages fun et du mouvement - avec gravité, sans gravité, vers le haut, vers le bas, en marchant, en flottant, en se propulsant à plat dos, en nageant, en tournoyant… Le méchant est caricatural ? C’est pas grave ! Dans un vrai film d’aventure, le méchant est toujours caricatural. Dans un vrai film d’aventure qui marche bien, je suis même prêt à accepter des méchants nazis.

Merci d’être un film vraiment drôle. (Une mention spéciale à Drax le Destructeur (quel nom !) incapable de comprendre tout ce qui est au-delà du sens littéral. C’est juste hilarant.)

Merci pour tous les paysages, pour toutes les atmosphères si différentes les unes des autres, baroques, foisonnantes. 

Merci pour tous les personnages, tous caractérisés, tous vivants pour de vrai, bref, tous des vrais personnages. 

Merci pour tous les mille détails qui font rêver. 

Merci pour les chatoiements de couleurs pop sur la toile de fond de l’univers. J’ai lu sur Internet que certains trouvaient ça criard. Moi, j’aime.

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Et merci de m’avoir mis dans la tête trois ou quatre musiques qui reviennent régulièrement me hanter depuis que j’ai vu ce film. ça ajoute un souffle épique dans ma vie et damn, ça fait du bien.
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Re: [Alyosha] Mes critiques en 2015

Messagepar osorojo » Ven 06 Fév 2015, 21:30

C'est cool de te revoir poster ici Alyosha ! :super:

Bon on sent la note du coeur, la critique va dans ce sens, t'as raison de te lacher. Je ne mets pas autant, mais Les gardiens de la galaxie a été l'une de mes séances cinoche les plus sympas de l'année dernière :chinese:
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Re: [Alyosha] Mes critiques en 2015

Messagepar Alyosha » Sam 07 Fév 2015, 17:28

Damn ! Que ce message me fait plaisir ! Merci bien !
J'aime bien l'idée de "note du coeur". Il y aurait tout un truc à creuser derrière sur l'importance de la subjectivité, de l'enthousiasme ou de son inverse, le dégoût, la gêne ou l'ennui, dans une critique de film. J'aime bien lire sur Internet des critiques totalement de bonne foi : j'ai envie d'aimer ce film, alors il a mille défauts, mais je chanterai ses louanges jusqu'à la fin des temps. Et personnellement, j'aime bien alterner critique un peu construite et critique totalement "en live". Je trouve ça complémentaire, sincère et vivant.
Prends soin de toi ! Que la vie soit belle pour toi, Osorojo !
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Hitler, connais pas - 9/10

Messagepar Alyosha » Dim 05 Avr 2015, 20:48

Hitler, connais pas.
Bertrand Blier, 1963

9/10


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Avant Les Valseuses, avant Buffet froid, avant Tenue de soirée, il y avait Hitler, connais pas. Le premier film de Bertrand Blier est d’ailleurs totalement à part au sens où il s’agit d’une série d’entretiens, avec onze jeunes, sur leur vie et leurs habitudes.

Quelques inserts au début du film précisent d’emblée la démarche : « Ce film ne prétend pas être un panorama de la jeunesse actuelle. Il s’agit uniquement de onze jeunes qui ont, ou qui vont avoir, vingt ans en 1963. Onze personnages, c’est tout… choisis dans le but de faire un spectacle et non une enquête. Chacun d’entre eux, parfaitement au courant du résultat recherché, a accepté de parler, individuellement devant des caméras. Bien que le montage les rapproche, ils ne se sont jamais rencontrés pendant le tournage. Venus d’horizons différents, ils parlent en leur nom propre. Ils ne prétendent pas être des porte-parole. Bien sûr, il y a les autres… »

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Le film est déjà intéressant par les propos des jeunes, qui sonnent justes et sont parfois par eux-mêmes très beaux. (Avec de très belles voix et accents, je trouve.) Je pense au garçon qui raconte son enfance, dans une seule pièce, entre deux parents en guerre quasi permanente. J’ai même trouvé certaines de ses formules très touchantes lorsqu’il parle de sa première relation sexuelle (sans lendemain) : « et puis on s’est embrassés, au hasard ». Je pense aussi à la jeune fille bourgeoise, qui assume d’une manière glaçante un profond cynisme sexuel et sentimental (« mes parents ? comment dire… ils me sont utiles »). Je me suis dit alors qu’il y avait dans ces années 1960-là l’origine de beaucoup de choses.


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On serait tenté d’appliquer à ces témoignages (authentiques, je crois) des lectures sociologiques : « çui-là c’est le prolétaire marxiste ; çui-là c’est le bourgeois qui trouve normal que sa mère lui apporte tous les matins le petit déjeuner au lit…. Elle, c’est la fille traditionnelle et timide ; elle, c’est celle qui a complètement suivi le courant de la révolution sexuelle… » Mais les phrases du début nous ont averti que cette lecture était invalide : les onze jeunes ne sont pas des « porte-parole ». 



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Pourtant, le film semble encourager une telle lecture, par le montage, qui juxtapose les classes sociales ou les attitudes divergentes, ou qui laisse voir au milieu de la déclaration d’un jeune la moue désapprobatrice - ou moqueuse - ou interloquée - d’un autre. Je pense à l’arrivée de la jeune fille « libérée », toute en claquements de talons aiguilles, en sourires aguicheurs et en tourniquotements de mèches blondes, qui commence par raconter comment ses parents ont découvert son « carnet de rendez-vous » dans son sac à main et ont été surpris que la liste des garçons fréquentés soit aussi longue. Cette déclaration est coupée d’inserts sur les visages des garçons précédemment interrogés : sourires intéressés, visages mi-gênés mi-émoustillés, regards qui jugent, etc. (Bertrand Blier l’a avoué dès le début : ces inserts ne sont pas authentiques ; les onze jeunes n’ont peut-être jamais été ensemble dans la même pièce. Seul « le montage les rapproche ».) Comment comprendre que le film encourage par sa construction les jugements sociologiques qu’il avait condamnés par la déclaration de principes initiale ?

En encourageant et désapprouvant à la fois les mêmes attitudes, le film suivrait une logique masochiste. À partir du moment où on accepte cette idée, je crois, une toute autre piste de lecture s’ouvre, celle d’une dénonciation radicale du cinéma, vue comme violence à coups de caméra.

Les films de Bertrand Blier ont très souvent un début fracassant. Ce premier ne fait pas exception. On commence par découvrir l’extérieur d’un studio de cinéma, dans la nuit, massif, un gros cube de béton, comme un blockhaus. Puis des grilles en tout sens et des machines, des pales, des rouages, dans le gris du noir et blanc. Tout cela roule, claque, dans des bruitages qu’on devine amplifiés. Puis on arrive à l’emplacement où les intervenants sont interrogés : une jeune fille est assise, cernée par les projecteurs, les caméras et d’autres sièges. Devant elle, une ombre, qu’on devine être celle de Bertrand Blier. On ne le verra jamais autrement.

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Lors d’un des entretiens, un jeune raconte comment il a été emmené dans un commissariat. Le montage n’aide aucunement à comprendre ce qui s’est passé. Le récit est coupé par d’autres récits d’autres garçons et filles, qui eux aussi restent fragmentaires et incompréhensibles. Ne reste de ce moment qu’une impression de chaos, de violence, d’oppression.

À partir de ce récit, ce cercle de chaises, ces projecteurs, ces silhouettes, prennent une autre allure. On se prend à penser que les jeunes sont ici « interrogés » comme on le fait au fond des commissariats - éventuellement à coups de bottins. La caméra leur extorque des aveux. Et c’est la pire des oppressions, car la caméra ne cherche pas des réponses. Elle n’enquête pas, elle ne veut pas de renseignements sur telle ou telle affaire. Elle veut des aveux au sens absolu du terme, tous les aveux possibles, des paroles, des visages, toutes les paroles, tous les visages que le prisonnier, la prisonnière, pourra lâcher. La caméra est totalitaire. 

Le point d’orgue du film est le moment où, après de nouveaux plans - encore plus rapides, encore plus serrés - sur les grilles, les bobines, les rouages, une fille, au bord des sanglots, finit par laisser échapper un implorant « Oh, arrêtez…. »



Avec ce film, profondément triste et dérangeant, Bertrand Blier fait son entrée fracassante dans le cinéma avec un cri : le cinéma est un art fasciste. C’est seulement par hypocrisie qu’un réalisateur pourrait dire : « Hitler, connais pas. »


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Hobbit : Un voyage inattendu (Le) - 7,5/10

Messagepar Alyosha » Mar 07 Avr 2015, 03:16

Le Hobbit - Un voyage inattendu (Peter Jackson, 2012)

7,5 / 10




Oublions que Le Hobbit est un chef-d’oeuvre de John Ronald Reuel Tolkien, rencontre miraculeuse du conte de fées et de l’épopée et premier pas dans un fascinant univers de légendes dont on n’a pas fini d’apprécier toute la profondeur philosophique et existentielle.

Oublions car, après tout, ce serait le pari d’une (bonne) adaptation : créer un nouvel objet, pouvant être totalement indépendant du livre qui l’a inspiré. 



Du premier volet de l’adaptation de Peter Jackson, je retiendrais deux choses.

Tout d’abord ce souffle de l’aventure, magnifiquement exprimé dans ce Bilbo Baggins courant à travers la Comté. « Mr Bilbo, where’re you off to ? - I’m going on an adventure ! » Il y a quelque chose de Tintin dans cet enthousiasme naïf. Et sur mon clavier personnel, ce n’est pas une critique, loin de là. Je pense qu’il y a quelque chose de très profond, de très pur et de très beau dans cet esprit d’aventure : on ne sait pas de quoi la route sera faite, mais ça n’a aucune importance. En tout cas, ça me fait du bien, quand je regarde ça. 



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Et comme dans certains des meilleurs moments du Seigneur des Anneaux, à cet élan vers l'aventure succède un émerveillement de la découverte, qui donne tout leur sens aux efforts sur les décors, les paysages, les effets spéciaux, les costumes. Peter Jackson laisse tourner la caméra et, comme Bilbo, on est juste là, les yeux écarquillés, à regarder les colonnades et les chutes d’eau de Fondcombe. Peut-être que c’est ça, un film de fantasy : un univers plus qu’une histoire ; un décor plus que des personnages. 


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Deuxième chose. Il y a dans ce premier volet un aspect de la fantasy très rarement abordé : le monstrueux grotesque. C’est comme si tacitement les réalisateurs s’étaient mis d’accord pour que même les créatures les plus hideuses gardent une certaine vraisemblance et une certaine dignité. Dans ce premier volet du Hobbit, il y a au contraire des monstres sans sérieux, sans dignité, totalement grotesques, et d’un grotesque jubilatoire.

Sans doute cet aspect est-il davantage présent dans la version longue, avec cette scène magnifique de la chanson du Grand Gobelin. Celui-ci, après avoir hoqueté-craché, en trémoussant de son gosier dégoulinant, chante « one of his own composition » d’une voix tantôt claironnante, tantôt chevrotante, gouleyant chaque mot, écrasant au passage certains de ses sujets ou les faisant gicler sur la caméra, sautillant façon petite ballerine sur ses pieds tout gras, pour terminer façon rockstar en plaquant un dernier accord sur sa bedaine tremblotante. C’est juste génial. Il y a un aspect Jérôme Bosch dément dans toute cette scène : « Abomination, mutation, deviation, that’s all you’re gonna find down there ! »

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Et peut-être que justement une des faiblesses du film est de vouloir greffer de l’épique sur ce grotesque trivial. Tout le combat qui suit ressemble à un remake de la bataille de la Moria en mode comique - avec le Grand Gobelin dans le rôle du Balrog ! Mais c’est comme si Peter Jackson n’assumait pas jusqu’au bout. Il garde une musique extrêmement épique, trop digne pour un univers aussi joyeusement difforme. Et il tient à ce que ses héros accomplissent des prouesses à l’épée. Je rêve d’une scène de poursuite où les nains n’auraient pas pu récupérer leurs armes et où ils auraient combattu les gobelins à coup de boule ou de poings dans les chairs visqueuses et gigotantes, au son d’une musique à la Benny Hill !


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Je m’arrêterai là pour ce volet. Et je ne mentionnerai pas les points négatifs, passe que pas envie. :-)
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Hobbit : La Désolation de Smaug (Le) - 7,5/10

Messagepar Alyosha » Dim 12 Avr 2015, 21:25

Le Hobbit : La Désolation de Smaug

Peter Jackson, 2013
7,5 / 10


Nous avions laissé Bilbo et les nains dans un dialogue trop riche en sucre sur le bonheur d’avoir un chez-soi. On les retrouve dans une grange bourdonnante d’abeilles, chez Beorn, le change-peau.

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Dans ce deuxième volet, Peter Jackson lâche la bride à l’action. Sans doute la lâche-t-il encore plus que dans Le Seigneur des Anneaux et on saisit alors ce qui peut être un des intérêts de cette nouvelle trilogie. Bien qu’il soit loin désormais de l’ambiance de conte qui était celle du livre de Tolkien, Peter Jackson est malgré tout dans un registre bien plus léger que celui de la première trilogie. Et cela lui va bien. Plus besoin de grand discours avant les batailles, plus besoin de pathos, plus besoin de grandiloquence. L’action peut être action pure, vitesse, mouvements hors de toute vraisemblance, cascades totalement décomplexées, violence cartoonesque, où on peut exploser des têtes sans qu’une seule goutte de sang ne jaillisse. La scène des tonneaux est, dans ce domaine, du grand art. Le combat se déroule à la fois dans la rivière, qui suit un cours cascadant, et sur ses rives, mais aussi sur tout support pouvant servir de pont d’un bord à l’autre. La chorégraphie est superbe. Un tonneau en mouvement peut devenir point de stabilité et Legolas se tenir debout sur les têtes de nains qui en dépassent pour prendre le temps de viser et décocher ses flèches. À l’inverse, le stable peut devenir instable : le tronc par-dessus la rivière où les orques s’étaient précipités pour attendre les nains en cavalcade s’effondre soudain sous les coups de haches de ces derniers. (Ça s’appelle Bilbo et la théorie de la relativité.)







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À l’opposé de cette agitation extrême, Peter Jackson semble avoir repris une des grandes thématiques de Tolkien : la puissance de la parole. (Pour moi, un des plus beaux passages du Seigneur des Anneaux est celui où les hobbits, réfugiés chez Tom Bombadil, voient les histoires que cet être étonnant leur raconte apparaître concrètement sous leurs yeux, comme des tours ou palais qui se dessineraient, grandiraient puis disparaîtraient.) Il est assez fascinant de constater que chacun de ces deux premiers volets a pour point d’orgue une scène de non-action, toute entière centrée sur un pouvoir de la parole. Dans Un voyage inattendu, c’est le concours d’énigmes entre Gollum et Bilbo : parole mystérieuse, qui voile et dévoile et en définitive trompe puisque le hobbit triomphe par un mensonge qui n’a rien d’une devinette. Dans La Désolation de Smaug, ce sont les flatteries que Bilbo, pour sauver sa vie, adresse à Smaug. Que chacune de ces scènes dure aussi longtemps est une belle audace et permet à chaque fois de savourer l’échange, dynamisé par la caméra. (J’aime particulièrement, dans la scène des énigmes dans le premier film, l’alternance de plans ultra-serrés et de soudains plans très larges, sur l’ensemble du lac souterrain au bord duquel se déroule la scène.)



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Enfin, après avoir vu ce deuxième volet, je continuerais à affirmer que le film de fantasy est avant tout un film d’ambiances, de paysages et d’accessoires, et que Peter Jackson l’a très bien compris. Tout le plaisir de la première scène, me semble-t-il, vient de là. Gandalf rencontre Thorin dans la taverne « Au Poney fringant », bien avant le rassemblement de la compagnie des nains pour la reconquête d’Erebor. L’échange est lent, patient. Tout semble tendu vers une action qui n’arrive pas et n’arrivera jamais : on sait que la tête de Thorin a été mise à prix, des mines patibulaires le lorgnent de par-dessus l’épaule… mais il n’y aura jamais de bagarre, jamais d’action, seulement une longue discussion entre le magicien et l’héritier nain. Alors on savoure l’ambiance, les décors et les accessoires : les tables, les coupes, les barils, la bière, la fumée ; et en même temps, tout ce monde extérieur à l’auberge, que Gandalf convoque par sa parole : le Nécromancien, Thraïn, le père de Thorin, le dragon… tout ce qui existe ailleurs dans cet univers des Terres du Milieu et qu’on ne voit pas pour le moment. C’est à la fois très beau et très élégant. Dans cette scène, il y a tout le plaisir que des rôlistes peuvent avoir à participer à une histoire dans un univers qu’ils imaginent et racontent.

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Gandalf et Thorin sont des rôlistes. Le Hobbit est un immense plateau de jeu et La Désolation de Smaug un film purement geek. I am fire. I am death. Bonne journée par chez vous.

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Carapate (La) - 7/10

Messagepar Alyosha » Jeu 06 Aoû 2015, 22:19

La Carapate
Gérard Oury, 1978
7/10


Grande expérience personnelle : c’est la toute première fois que je parle d’un film que je viens de voir ! (genre, le générique de fin est encore en train de défiler)

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L’affiche russe du film. Passque.


J’ai beaucoup aimé La Carapate, d’un grand élan de sympathie. J’aime le dynamisme fantaisiste de Pierre Richard et toute l’énergie du film liée à cet acteur : son vieux père arthritique qui glisse sur la rampe des six étages de son immeuble (puisqu’il ne peut plus utiliser les marches), sa voiture avec un siège passager propulsable sur rallonge…

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Un film avec Harpo Marx


Et, dans le duo antagonistico-complémentaire, il y a Victor Lanoux et lui aussi il a tout un faisceau d’énergies autour de lui. Non plus la joie bondissante et involontairement dansante de Pierre Richard, mais quelque chose de brute, à fleur d’une peau souvent crispée ou immobile, de sexuel, de sensuel. C’est le langage cru, la femme et son amant qui se pelotent dans le foin, ou un baiser sous la pluie des lances à eau des CRS…

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À noter, un cameo de Seth Rogen


Pierre Richard est un avocat accusé suite à un quiproquo d’avoir fait évader son client Victor Lanoux, tous deux prennent donc la fuite sur les routes d’une France dans la pleine « chienlit » ou « révolution » (selon les points de vue) de mai 1968. Ce film sur les « événements » est finalement très soixante-huitard à sa manière. Par exemple, je trouve, dans la façon dont chacun des deux personnages principaux – respectivement par sa fantaisie ou sa sensualité - amène du chaos dans les choses. C’est Pierre Richard qui en abaissant maladroitement un levier de camion enlise des policiers sous les kilos de sable. C’est Victor Lanoux qui demande à une prostituée de strip-teaser au bord d’une route, ce qui entraîne accidents et carambolages en chaîne.

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De l’influence des soutiens-gorges sur la circulation en milieu urbain


Et puis d’une façon très touchante – d’autant plus touchante qu’elle est peut-être involontaire, il y a comme un petit portait en miniature de la France de ce moment-là : celle qui cherche De Gaulle en fuite, par exemple, comme Pierre Richard qui le poursuit en voiture puis jusqu’au tarmac de l’hélicoptère présidentiel pour lui faire signer la grâce de son client jusqu’avant qu’il ne s’envole pour Baden-Baden. Il y a aussi des petites images, souvent amères, dans le non-sens de ces événements – non-sens peut-être rétroactif : Gérard Oury en 1978 estimerait que mai 1968 n’a pas changé grand chose et c’est pourquoi les cris des étudiants sonneraient aussi ternes, c’est pourquoi les lingots d’or des riches inquiets tomberaient au milieu des pavés tandis que les billets de banques flamberaient par erreur au milieu des barricades dans la banquette d’une rolls renversée…
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Cet homme est mon héros.


Bref, c’est mignon, c’est joyeux, c’est touchant. Petit sourire attendri aux lèvres ce soir.
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Film: Carapate (La)
Note: 6/10
Auteur: jean-michel

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Hobbit : La Bataille des Cinq Armées (Le) - 6/10

Messagepar Alyosha » Ven 21 Aoû 2015, 00:07

Le Hobbit : La Bataille des cinq armées

Peter Jackson, 2014
6 / 10



(Comme je me repasse certaines scènes de bataille quand j’ai besoin de me motiver pour le boulot, je serais un bougre d’hypocrite si je mettais moins de 6 / 10 !)

Le dernier volet de la trilogie du Hobbit est un film étrange.

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Grâce à Toy Story 2, je sais qu’il peut être beaucoup plus rigolo de défoncer une porte avec la tête de quelqu’un.


Longtemps j’ai pensé que le dosage qui faisait (à mon sens) de La Désolation de Smaug un film très jouissif (disons pour faire bref : de l’action complètement décomplexée et le bonheur de geek d’évoluer dans un univers aussi cool) avait tourné à la mixture ratée dans le troisième volet du Hobbit. L’action joyeuse et spectaculaire tombait dans l’absurde et le ridicule (Legolas bondissant de pierre en pierre alors que celles-ci sont en chute libre…) et il en était de même pour la fantaisie, avec des créatures aussi boaf que des boucs de combat, des vers de terre géants (des vers de terre géants !) ou un troll-bélier avec un chapeau-rocher, qui démolit les murailles en s’assommant contre elles.

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Dans Le Hobbit 4, Peter Jackson inclura des girafes de guerre et des cockers de combat.


Il me semblait aussi que tout l’ensemble était déséquilibré par des prétentions déplacées à la grandeur et à la solennité, notamment par la volonté de faire de Thorin un roi tourmenté shakespearo-aragornien. (Y a pas : mêler dans un même film la mort tragique de Thorin et des lombrics de combat, c’est comme balancer un paquet de fraises tagada sur un tartare de saumon.)

En fait, avec le recul, je me demande si un tel équilibre (relevant du numéro de funambule) n’était pas possible malgré tout. Et si Peter Jackson (consciemment ou non) n’était pas à deux doigts de réussir cette improbable et signifiante harmonie.

Voilà ma théorie sur ce qu’aurait été ce Hobbit 3 réussi.

Le ridicule de Legolas sautant de pierre en pierre façon Mario Bros et la majesté de Thorin sortant de sa folie, c’est la même chose. Les bouquetins circassiens et les elfes gisant au sol comme de tragiques feuilles mortes, c’est du pareil au même. L’idée derrière, c’est que la guerre, les royaumes perdus, les discours d’avant-bataille, les charges héroïques, le petit manège humain (ou hobbitique ou nanien ou elfique), tout ça c’est ridicule.

Non pas risible : ridicule. Comme est ridicule l’absurdité de la vie. Et au fond de ce ridicule, il y a la mort, qui est grotesque. Pas une blague – la mort n’est pas une blague – mais grotesque, tragiquement grotesque.

Tout le film alors tournerait autour d’une scène minuscule, totalement incongrue.

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Thorin vient de mourir. Et Bilbo est là, assis, les bras ballants. Gandalf s’assoit à côté de lui, soupire, tire sa pipe, commence à la curer, renifle. Il tire une fois, ça ne marche pas, alors il la nettoie à nouveau… ça dure un temps interminable.

C’est drôle ce qu’on ressent devant cette scène. On finit par avoir un petit rire gêné. Et peu comme dans ces scènes d’OSS 117 où, après qu’un personnage a sorti une vanne pas drôle, Michel Hazanavicius étire le temps et où le rire naît justement de ce moment en suspens, de cette dilatation du silence après la vanne vaseuse.

Sauf que la blague ici, c’est la mort de Thorin. Ou la mort tout court.

Voilà, c’est ce qui fait que malgré tout je trouve ce film intéressant, que malgré tout je l’aime. Ce que j’y vois avec ce regard d’amour.
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