[Jed_Trigado] Mes critiques 2015

[angel.heart]

Bah ça ne fait pas envie.

[Dunandan]

Alien : Le Huitième Passager - Ridley Scott (1979)

Mélange parfait entre SF et cinéma d'horreur, le premier Alien fait partie de ces rares films qui ont ce pouvoir de traverser les époques sans jamais pâtir de la concurrence et mieux, de la mettre a l'amende par une mise en scène qui sait autant se faire esthétique qu'intelligente dans l'usage du décor pour créer une véritable tension auprès du spectateur, sans parler de l'Alien qui restera une icone indémodable du cinéma populaire : une créature au look sublimement flippant, capable de se faufiler n'importe où (ces fameux plans en trompe l’œil où ce qu'on l'on pense être des amas de tuyaux sont en fait l'Alien, dans le noir, c'est la trouille assurée ) et pourvu d'acide dans les veines ce qui rend la particulièrement compliquée a affronter.

Bien sur, le succès du film n'est pas dû au hasard, puisqu'en réalité si Alien compte autant de collaborateurs prestigieux aux postes artistiques comme HR Giger, Moebius et la paire Shusett/O'Bannon, c'est parce que Ridley Scott avant d'être engagé, avais pris le relais de Jodorowsky sur le projet d'adaptation de Dune, avant de se barrer avec les membres en question a cause de la lenteur interminable du process, un choix gagnant car le film est davantage à mes yeux une œuvre d'architecte qu'un simple film d'horreur. Depuis quelques années, je suis très critique sur le parcours entamé par Ridley Scott, or j'ai toujours trouvé qu'a ses débuts il avait une façon de concevoir ses films qui était particulièrement fascinante où le moindre détail dans le cadre semble avoir été pensé en amont, du mobilier aux costumes, une volonté prégnante de créer un univers jamais vu et surtout crédible de visu, chose qui est le cas ici, des longs corridors obscurs du Nostromo bardé de tuyaux jusqu'a l'arrivée sur LV-421, Scott nous en montre peu mais nous le montre bien, suffisamment pour le public puisse imaginer tout un background (le plan fascinant du Space Jockey certainement le plus gros mystère de la franchise, jusqu’à la sortie de Prometheus). Mais c'est également une œuvre sous influence affichées, si beaucoup de monde a parlé de 2001 notamment dans sa première partie flottante et quasi-silencieuse, ainsi que la Planète des Vampires de Mario Bava (qui a effectivement repris des élément concrets, mais pas de quoi crier au plagiat), Scott avait également découvert pléthore de films d'horreur pour s'en inspirer pendant le tournage et il se trouve qu'un film en particulier va lui taper dans l’œil (et on comprend vite pourquoi), l'illustre Massacre a la Tronçonneuse dont l'ombre va planer pendant toute la seconde partie en comprenant qu'exploiter le décorum est certes important mais que le sound design (Jerry Goldsmith nous gratifie d'un score étonnement discret de sa part mais parfaitement approprié) est également capital dans la mise en condition du public a chaque passage tendu, chose qui permet également de contourner la censure en montrant le moins possible niveau gore, même s'il fera une entorse a cette "règle" grâce a la mythique séquence du repas et son accouchement ultra-violent qui en aura choqué plus d'un a la découverte car c'est celle qui va faire changer de manière frontale le ton du récit. Venant d'un type qui prétend n'avoir vu que peu de films d'horreurs dans sa vie, on peut qu'il a retenu la leçon avec brio !

Un grand film donc, qui montre qu'on peut faire de la SF de série A sans tomber le divertissement grand public a la Star Wars, également la pierre fondatrice d'une des sagas les plus intéressantes du XXème siècle par sa qualité globale, a réussir se prolonger de film en film sans jamais se répéter (mis à part le Jeunet, aussi sympa soit-il n'apporte pas grand chose a la mythologie Alien) et l'éclosion au grand jour d'un cinéaste au talent fou qui ne fait alors que jouer ses premières cartes....

9/10

[Jimmy Two Times]

Va falloir que je déballe mes disques bleus un de ces quatre, pas revu depuis des années alors que j'ai le coffret sous le coude depuis des lustres.

[Jed_Trigado]

La restauration du premier opus est a tomber, le second a ses détracteurs mais j'aime bien, par contre ça devient problématique a partir du troisième....

[Val]

Nice

Par contre, je n'avais jamais entendu que Scott était sur le projet Dune, je croyais que c'était David Giler qui l'avait repéré avec Les Duellistes à Cannes à l'époque où Walter Hill devait tourner Alien. Il me semblait que c'était O'Bannon qui avait ramené l'équipe de Dune sur le projet (si on en croit les bonus bien sûr^^).

[Jimmy Two Times]

Ça ne peut pas être pire que mes vieilles VHS enregistrées dans les 90's!

[Jed_Trigado]

@Val : Perso, je me fie au Fossoyeur de Films pour le coup, il en parle en détail sur sa vidéo consacré a Dune si je me trompe pas.

[Val]

Ok, il faut que je me mate cette vidéo.

Toutefois, si ce n'est pas fait, je ne peux que te conseiller les extraordinaires making of des 4 Aliens, qui sont sans doute les meilleurs du genre jamais produits. Garanti 100 % sans langue de bois (surtout celui sur Alien 3 ).

[Jed_Trigado]

Je te rassure, je les ai déjà vus (et oui, celui d'Alien 3 est énorme dans son registre, j'ai été bien content de voir qu'ils l'avaient sorti en uncut pour le blu-ray).

[Jed_Trigado]

Blade Runner - Ridley Scott (1982)

S'il y a bien un film de SF archi-défendu dont mon appréciation n'a cessé de croitre au fil du temps, c'est bien Blade Runner. Bien que je lui reproche encore certaines choses, le troisième film de Ridley Scott est en tout points une œuvre fascinante rendant parfaitement hommage a l'univers de Philip K Dick et plus globalement au film noir dont il reprend les codes les plus évidents (la femme fatale, le privé porté sur la boisson, l'univers urbain enfumé, l’enquête qui débouche sur une révélation plus grosse qu'attendue...), mais c'est surtout une œuvre qui serait infaisable aujourd'hui, tant le film pousse dans ses derniers retranchements la notion d'interrogation (après je me base sur la version Final Cut pour dire ça, autrement je n'ai vu que la version de 1992 il y a très longtemps donc j'aurais du mal a les comparer), si Alien restait parfaitement regardable pour un spectateur lambda, Blade Runner au contraire sollicite sans cesse la réflexion du spectateur sur le monde qu'il découvre, quitte a laisser de grosses zones d'ombres et de séquences a la symbolique mystérieuse (le rêve avec la licorne, j'avoue ne pas trop l'avoir compris par exemple, mais c'est pas plus mal dans un sens).

Il est probablement l'un de ceux qui aura le mieux exploité la thématique de l'intelligence artificielle, sous couvert d'une traque d'androides faisant usage de violence (les "réplicants"), en réalité, le perso de Deckard joué par Harrison Ford va comprendre les motivations de ce groupe, a cause de souvenirs implantés virtuellement dans leur mémoire aspire a se rapprocher de l'Homme, sauf que leur condition leur empêche de pouvoir vivre longtemps, leur combat est donc avant tout celui d'une émancipation par tous les moyens pour que leur créateur les élèvent a son rang (le côté Frankenstein m'a vraiment sauté aux yeux). A partir de là tout est dit, a vouloir trop "humaniser" les machines, elles finissent par dérailler et ont des actes incontrôlables mais étrangement compréhensibles (le monologue final de Rutger Hauer sur le toit, j'en ai presque chialé). D'ailleurs, je trouve que le vrai truc qui me dérange c'est justement l’enquête policière, qui clairement office de prétexte pour hameçonner un peu le public, alors que celle-ci s'avère souvent balisée, parfois blindée de raccourcis faciles, de plus je trouve que le personnage de Deckard est le moins interessant (même si la fameuse interrogation qui plane autour de lui : est-il un réplicant ou pas ? reste à débattre, d'autant que j'ai mon idée sur la question...), à l'inverse, les autres réplicants ont peu de séquences mais s'avèrent fascinants a chacun de leur passages, on voit que Scott a réussi a faire parler une grande partie de sa mise en scène pour lui (j'adore la scène de la pièce remplie de mannequins où Darryl Hannah est présente en trompe l’œil, un peu comme l'Alien dans le Nostromo tiens !?). Impossible de ne pas s'étendre un peu sur l'ambiance du film, certes le Final Cut est retouché mais contrairement a un truc comme Star Wars, la direction artistique est tellement avant-gardiste que les ajouts ne dérangement absolument pas, bien au contraire, Blade Runner n'aura jamais été aussi beau (les sources de lumière du génial Jordan Cronenweth sont juste a s'en crever les yeux ) et reste l'un des plus aboutis du genre.

Pour conclure, Blade Runner est encore plus fou qu'Alien, même si cela se fait au détriment d'une structure narrative pas toujours idéale et confirme que Scott est totalement fait pour cadrer des univers a tendance urbaine/industrielle, plus c'est sombre, mieux c'est !

8,5/10

[Val]

Ce monologue

D'autant plus impressionnant qu'il aurait été complètement improvisé par Hauer (avec une grosse influence du Bateau Ivre de Rimbaud).

[Alegas]

Tu fais une rétro Scott ?

[Jed_Trigado]

Non pas vraiment, j'ai revu Alien ce qui m'a donné envie de revoir Blade Runner que je n'avais pas revu depuis de lustres. Je reprendrais ensuite sur la saga Alien derrière.

[Jack Spret]

...quitte a laisser de grosses zones d'ombres et de séquences a la symbolique mystérieuse (le rêve avec la licorne, j'avoue ne pas trop l'avoir compris par exemple, mais c'est pas plus mal dans un sens).

Dans le roman, il est fait notion d'animaux électriques qui remplaceraient les véritables animaux, disparus suite à un virus (ou un truc du genre).
Quand Deckard consulte l'argus des animaux, le lecteur se rend compte que le mouton (l'animal qu'il possède dans le roman) est le moins cher tandis que le cheval (qu'il rêverait d'avoir) coûte le plus cher.
Ce rêve de la licorne exprime justement cette soif de possession, mais le fait qu'il rêve d'une licorne et non d'un cheval rend son rêve encore plus inaccessible et renforce encore plus l'idée que Deckard est un réplicant, incapable de vouloir la même chose qu'un être humain qui serait assez fortuné pour en faire l'acquisition.
AMHA bien entendu

[Jed_Trigado]

Merci pour cet éclairage.

Et oui, pour moi, je pense aussi que Deckard est un réplicant, il y a un dialogue qui met la puce à l'oreille entre lui et Rachael au début du film, puisque il lui parle de son enfance comme s'ils se connaissaient depuis toujours, or il sait qu'elle est une réplicante : comment pourrait-il connaitre les détails d'une vie qu'il pas vécu si on ne lui les avait pas implanté + le fait que les réplicants sont tous d'âge adulte de leur "naissance" jusqu'a leur "mort" ?