Je découvre enfin ce western dont je n'avais jamais entendu parler avant sa sortie dvd et qui pourtant a une côte énorme chez les spécialistes (même Scalp lui arrache une grosse note, c'est vous dire
), autant dire que mes attentes étaient très élevées même si on sait que dès je vois un saloon et des colts pétarader, je suis déjà content.
Non seulement on me m'a pas menti, mais en plus, j'ai du mal croire qu'en dehors des initiés Chacun pour Soi reste plutôt confidentiel, certes son réalisateur est pas plus le plus célèbre qui soit mais le casting a lui tout seul, devrait convaincre les plus sceptiques de jeter un coup d’œil a ce film atypique qui mélange à la fois la prometteuse jeune garde italienne (le duo Kinski/Hilton) et deux briscards en fin de carrière issu du western américain (Van Heflin/Gilbert Roland), qui vont nous offrir une guerre des nerfs sur fond de convoi d'or. A partir de là, le décor est planté, pas question d'histoire de vengeance si chères au western all'italiana, mais un pur film de convoi a l'américaine, en gros un peu comme si
Coups de Feu dans la Sierra avait été traité avec la radicalité du
Trésor de la Sierra Madre, où nos quatre personnages vont s'allier bon gré mal gré afin d'atteindre leur but, chacun ayant sa personnalité clairement définie (Kinski l'homosexuel sadique peu bavard, Hilton le soumis, Roland l'interessé qui ne cache pas sa méfiance et Heflin le plus "droit" de la bande), tout le sel du projet tient dans sa dimension psychologique bien amenée où l'on se demande comment se finira cette histoire : qui va trahir qui ? qui empochera le magot ? jusqu'où les personnages seront-ils capables d'aller dans la manipulation ?
Capitani a eu l’intelligence de ne pas se soustraire au cahier des charges habituel du genre, notamment sur la surenchère d'action, les séquences de ce type sont assez peu nombreuses, mais parfaitement construites à la fois en spectacle pur (elles sont assez longues et vraiment bien foutues) mais aussi en cohérence scénaristique, lors de la scène pivot de l'embuscade dans le village fantôme en plein milieu du film insistant a fond sur la notion de groupe et d'entraide entre nos quatre antagonistes, chacun étant posté a une position bien précise tout en ayant une singularité dans sa manière d'affronter les ennemis, bref un sens du détail que l'on retrouve rarement dans ce genre de film et qui ne nuit pas aux intentions de base (on est clairement pas dans un délire comics a la
Sabata). Chacun pour Soi est la preuve que l'Italie pouvait renouveler les codes du western américain sans forcément s'opposer a lui, en effet, au lieu de tomber dans la dérision, il fait le choix du respect tout en apposant la trademark latine avec ses décors sales et ses personnages ambigus qui faut le reconnaitre crédibilisent plus que jamais ce récit de pur salopards.
A noter que le duo d'acteur américains, Gilbert Roland et Van Heflin ont vraiment de bons rôles qui les mettent en valeur, dans le sens où ils montrent qu'ils pouvaient être aussi à l'aise dans des rôles moins idéalisés de cowboys en fin de vie, mais ce n'est rien comparé au rôle offert a Klaus Kinski, de loin sa prestation la plus flippante, dès la première scène on dirait un personnage d'outre-tombe qui glace littéralement le sang et ce sera le cas pendant toutes ses séquences, un véritable monstre dans tous les sens du terme. Un dernier mot sur la réalisation qu'on a dite plus proche des codes américains, j'aurais tendance a nuancer ces propos, que les dingos du zoom, de la plongée et du gros plan sur les colts se rassurent, la charte visuelle est respectée sauf que celle-ci se base moins sur ces gimmicks et ne les emploie que lorsque le récit l'exige. Une véritable perle méconnue a (re)découvrir en somme.
8/10