Second western réalisé par Sergio Sollima,
Le Dernier Face a Face a la lourde tâche de succéder au génial
Colorado, d'autant que cette fois-ci on lui laisse beaucoup plus de libertés, notamment sur le choix du sujet (et la durée, puisqu'il existe un montage de 2h30 qui avait été projeté lors de la première exploitation du film, mais qui fut très vite remonté a cause de mauvais retours du public, hélas a ce jour ce montage reste désespérément invisible) qui une fois encore pourrait être adapté de manière contemporaine sans que le résultat en soit altéré et que Alberto Grimaldi (producteur des premiers Leone) lui offrira les moyens financiers nécessaires pour réaliser une œuvre de qualité.
En effet, les westerns de Sollima ont cette capacité a être profondément universels dans leur propos et
Le Dernier Face-a-Face, c'est probablement l'une des premières analyses concrètes de la question de la violence chez l'Homme au cinéma, a travers deux êtres opposés, l'un venant du Nord des Etats-Unis qui se présente comme quelqu'un d'éduqué et de réfléchi qui pour des raisons de santé se trouve au fin fond de l'Ouest a errer, c'est là où son chemin croise l'autre protagoniste essentiel de l'histoire, un bandit local alors en pleine évasion qui va le kidnapper, avant de progressivement se lier a lui dans une relation d'attirance/répulsion, pour ensuite devenir comme lui quelque part. Montré comme un être sanguinaire et sans scrupules, il va néanmoins susciter la fascination chez ce type érudit qui a toujours ce besoin irrémédiable de vouloir "questionner" les choses, sauf que ces interrogations vont basculer progressivement dans un changement de tempérament chez Gian Maria Volonté (le professeur donc) qui va franchir la barrière de son dégout pour la violence pour mieux mettre en valeur son génie de petit stratège, se révélant un allié de choix pour la troupe de Tomas Milian mais qui également va se révéler aussi sur le long terme comme un être détestable, ravagé par son désir de pouvoir. Le film n'en oublie pas d'ailleurs le perso de Tomas Milian qui va aussi changer au cours du film, passant de la brute sans foi ni loi, a celui d'un bandit plus modéré dans ses actes, comprenant que la violence gratuite ne peut que engendrer le pire a la fois pour lui et les siens (Sollima a le mérite d'humaniser ce personnage en le montrant comme le patriarche d'une communauté avec femmes et enfants qui dépendent de lui).
Le Dernier Face a Face est un film quelque part assez théorique sur le papier a cause de sa structure, parfois teinté d'une philosophie bien visible dans ses dialogues mais qui sait se démarquer par une maitrise du cinéma de genre, comme
Colorado le film a le mérite de jongler en permanence avec des éléments codés populaires, notamment toute la partie avec William Berger qui infiltre la Horde Sauvage pour saboter leur grand braquage où on est carrément dans une trame de polar déguisée, rendant le film assez ludique au final tout en restant une approche 1er degré, sans parler de la manière dont le film arrive a injecter de manière crédible différents éléments contextuels qui auraient facilement pu virer au gimmick facile (ceci dit comme je l'ai dit en haut, je spécule en me disant que la version de 2h30 doit pas mal changer de choses là dessus), notamment les clivages politiques Nord/Sud où Volonté est pris a parti par une négrière au cours d'un dialogue quand on lui indique d'où il vient. Mais finalement plus que les talents évidents de scénariste et de metteur en scène de Sollima, je pense que le film doit en grande partie sa réussite a ses deux acteurs principaux, superbement castés car aussi antagonistes a la vie qu'a l'écran (il parait d'ailleurs que le tournage n'a pas été de tout repos entre les deux, en sachant que Sollima en rajoutait derrière pour rendre son film encore plus crédible, chose qui se voit sans mal), Volonté comme a son habitude a su parfaitement choisir les (rares) westerns dans lesquels il tourna et Milian excelle dans ce rôle de bête sauvage qui prend de plus en plus conscience de son humanité, c'est d'ailleurs bien dommage qu'en dehors des films de Sollima, on ne l'ait pas aussi bien exploité dans ce registre.
Bien que je reproche désormais au montage le plus "complet" visible de parfois précipiter les choses en ce qui concerne l'évolution psychologique de ses personnages (il y avait clairement moyen d'étoffer surtout dans le premier tiers du film qui a l'air d'avoir le plus souffert),
Le Dernier Face a Face reste néanmoins le chef d'oeuvre définitif de Sergio Sollima et l'un des films majeurs de la vague spaghetti car il n'a finalement pas vieilli, ni thématiquement, ni formellement et ne cesse de tirer le genre qu'il incarne vers le haut, chose qui devrait suffire a imposer le respect a tout bon cinéphile qui se respecte. RIP Sergio.
9/10