Buenos Aires 1977d'Adrián Caetano
Buenos Aires, 1977. Des miliciens au service du gouvernement militaire argentin font irruption chez Claudio Tamburrini, un jeune gardien de but, pour l'emmener de force à la maison Séré, un centre de détention clandestin. Dans ce lieu de cauchemar, Claudio tente de résister aux interrogatoires et à la torture. Au bout de 120 jours, il va tenter de s'échapper...
Sur le fond il s'agit d'un film pour la mémoire collective... Pour le peuple argentin bien sur, qui a directement vécu ces évènements atroces sous le gouvernement militaire au pouvoir de 1973 à 1983, quand presque 30000 jeunes ont été kidnappés car considérés comme "terroristes" (alors que c'était simplement la 1ère génération à bénéficier d'une éducation massive, donc des jeunes capables de vraies idés politiques)... La plupart n'ont jamais refait surface... Et on ne compte pas les exilés. Une génération a été détruite et le pays paye encore aujourd'hui cette terrible erreur, il n'évolue pas dans le bon sens. Buenos Aires 1977 s'inscrit d'ailleurs dans un programme scolaire, ce qui est un léger pas en avant vers une prise de conscience de ce que l'état a autorisé.
Mais le film est important également pour le reste du monde car à la même époque (1978 puis 1986) l'Argentine illuminait la planète grâce à son équipe de football... Quand le futile masque l'atrocité du réel... Et pourtant tout ceci est bien arrivé, et grâce à l'un des survivants, Claudio Tamburrini, personnage principal du film, on a enfin accès à cette sombre page de l'histoire.
Sur la forme le réalisateur Adrian Caetano livre une réalisation surprenante. En effet plutôt que de dévier vers un aspect réaliste ou documentaire, chose courante dans ce genre de film à message, il s'inspire très clairement du film de genre, et en particulier du film d'horreur, comme pour souligner le côté presque surréaliste et la peur viscérale vécus dans ces maisons-prisons. On pense aussi beaucoup au Salo de Pasolini pour l'aspect malsain des ces tortures, l'aspect voyeur en moins. Car c'est là aussi que Caetano fait très fort, on sait que des violences physiques ont eu lieu, on voit le résultat sur le corps des détenus mais à aucun moment il ne cède à la facilité de la démonstration violente, il préfère se concentrer sur la torture psychologique, celle qui laisse les cicatrices les plus difficile à refermer sans doute.
Mise en scène audacieuse, sujet brûlant mais essentiel, Buenos Aires 1977 (dont le titre original "Chronique d'une évasion" est beaucoup plus approprié) est un de ces petits films qu'il faut avoir vu, et un beau moment de cinéma.
8/10