Pour un premier film, Paul Thomas Anderson se débrouillait déjà plutôt bien, même si ce n'est certainement pas du même niveau que ceux qui suivront. Fort de son petit succès et court-métrage
Cigarettes and Coffee, il commence
Hard Height comme un rapide hommage (son personnage principal est accroc au café et surtout aux cigarettes), et affirmait déjà son talent à utiliser le style choral en liant des destinées qui apparemment ne pourraient avoir aucun rapport les unes avec les autres. Mais surtout, il sait rendre son intrigue intéressante à défaut d'être captivante en passant avec une certaine facilité d'un genre à l'autre, permettant ainsi de préserver un certain effet de surprise. Nous passons donc du
caper movie au film noir, pour enfin passer par une fibre dramatique où s'immisce une thématique que Anderson explorera davantage, à savoir celle de la famille (surtout père) de substitution, via la relation filiale entre Sidney et Clémentine (illustrée entre-autre par une scène fortement ambigüe aux rôles qu'ils sont censés occuper), et surtout John à qui il apprend tout ce qu'il sait.
Malheureusement les segments apparaissent assez inégaux. Si la première partie autour de l'apprentissage au Casino fonctionne bien, ainsi que les deux face-à-face au café dont les parallèles sont intéressants (Sidney qui agit comme une sorte d'ange-gardien pour une raison qui nous échappe encore), on le doit avant tout au casting 4 étoiles (en tête Philip Baker Hall et John C. Reilly), à la (déjà) excellente direction d'acteurs, ainsi qu'à une maîtrise évidente de la mise en scène (je pense notamment à l'utilisation du travelling et du plan-séquence), on ne peut le dire autant à partir de la séquence de kidnapping qui traîne en longueurs et du personnage de Jimmy qui ne paraît pas très crédible en ami de John, et fonctionne (vulgairement) comme simple
cliffhanger. Bon, il faut savoir que PTA n'avait pas bénéficié du DC pour ce film (de 2h30 alors que celui-ci n'en fait qu'1h40), et donc j'ai lu qu'on aurait eu droit à quelque chose d'assez différent (apparemment sa touche "contemplative" n'a pas plu aux producteurs, et les scénaristes ont accentué l'aspect "film noir" de l'intrigue).
Bien que le résultat soit visiblement amputé avec à la clé un scénario certainement plus classique (à base de twists et de révélations) que ce que PTA avait en tête, il n'en demeure pas moins prometteur. En effet, tout en jouant avec les codes (avec plus ou moins de liberté comme on a pu le voir), on peut déjà lui reconnaître une certaine patte tant dans la forme (certains plans qu'on retrouvera presque à l'identique au sein de sa filmo), et le fond (la thématique de l'échec et de la rédemption, inhérente au film noir, il la trimballera au moins jusqu'à
Magnolia avec une approche de plus en plus personnelle). Sans oublier une bande-son qui participe beaucoup aux différentes ruptures de ton, passant de la cool-attitude à une ambiance bien plus oppressante.
En bref, si on peut être déçu de ne pas y retrouver totalement le travail original de PTA, il n'en demeure pas moins de beaux restes, et mérite donc le coup d'oeil (si les noms de Scorsese, Altman, et Kubrick viennent en tête pour ses oeuvres à venir, celle-ci est la plus "tarantinesque" à travers des dialogues recherchés, mais la culture pop en moins).
Note : 6.5/10