L'Homme aux Colts d'Or - Edward Dmytryk (1959)
Le western américain pré-Peckinpah recèle parfois des perles étonnantes a l'image de cet Homme aux Colts d'Or (dont je préfère le titre original Warlock) qui démarre comme un énième film du genre avec des maychants bandits qui terrorisent une ville entière et des hommes de loi qui vont faire le ménage, pendant vingt bonnes minutes, on se retrouve devant un produit vu et revu dont on se dit connaitre d'emblée l'issue, sauf que l'argument va se transformer en une intéressante réflexion sur la justice et la violence a une époque où le Far West est coincé entre deux époques (la fin de la vie "sauvage" si je puis dire, représentée par les bandits, et le début des grandes villes), les persos joués par Fonda et Quinn savent que leur temps est compté, les gens les ayant engagés pour effectuer la sale besogne sont partagés sur leur compte, certains les voyant comme des êtres providentiels et d'autres comme de simples mercenaires avides de sang et d'argent. Par là, Warlock se rapproche d'un autre western, L'Homme de la Loi qui questionnait également les limites d'une justice expéditive, a trop vouloir employer les gros moyens pour éradiquer le moindre voyou, ne finit-on pas par être pire que ceux que l'on est censé stopper ?
Il est amusant de voir lors de la scène qui fait la bascule entre le récit de base et ses velléités psychologiques sur le long terme, l'excellente séquence du saloon, c'est là où l'on prend la pleine mesure de la force du duo Fonda/Quinn, en en faisant presque des sur-hommes capables simplement par la menace de faire battre en retraite des bandits numériquement supérieurs a eux (le passage fait penser a du Leone par sa dilatation du temps et sa tension). De vrais pros donc, certes pas dénués d'humanité ne serait ce que dans leur amitié bien visible (on sent que Fonda représente tout pour Quinn, lui le paria vu de haut par tous, de loin le personnage au background le plus interessant) ou dans leur capacité de toujours laisser une chance a leurs adversaires de se raviser, même si là il était difficile pour un acteur comme Fonda de jouer les ordures a cette époque, il dégaine le premier certes, mais ne TIRE jamais le premier. Mais il y a également un autre personnage qui détache dans cette histoire, celui de Richard Widmark, qui symbolise le mieux ce passage de témoin entre deux époques, présenté au départ comme un voyou qui se destine a finir en chair a canon, il va prendre conscience de l'absurdité de la situation qui se déroule sous ses yeux et décide de remettre un véritable ordre moral en prenant la place du shérif et faire son job dans les règles de l'art, par son évolution (il lui faudra une bonne heure pour devenir enfin le protagoniste principal du film) c'est une manière évidente d'en finir avec la sauvagerie où le moindre règlement de compte prend des allures dramatiques, c'est d'ailleurs la première fois que dans un western que je redoute l'issue des duels.
En ce qui concerne la mise en scène, on peut dire que le tout est emballé avec soin dans un joli 2.35 Technicolor bien old school, il y a pas de folie de montage ou de cadrage (western de cette époque oblige) mais c'est largement suffisant pour illustrer son récit. Une vraie surprise, étonné que ce film ne soit pas plus mis en avant dès qu'on cite cette période précise du genre, car c'est vraiment du solide sur tout les points.
8/10