Adaptation fidèle au roman « La princesse de Mars » d'Edgar Rice Burroughs, John Carter of Mars d'Andrew Stanton est le cas typique du blockbuster qui a vu trop gros et trop anti commercial pour un film au budget avoisinant les 250 millions de dollars en 2012. En effet, si le film suit dans les grands lignes le roman original, le trauma du héros est un rajout et cela permet de le rendre plus humain, plus touchant et forcément plus attachant. Le film de Disney est donc quasiment une transcription du roman à quelques détails près.
On pourrait reprocher à Disney d'avoir confié un gros budget à un cinéaste venu tout droit de l'animation (Pixar) mais il faut bien que les jeunes se mettent aussi à la réalisation de gros films (c'est Stanton qui aurait insisté mais Disney ne voulait pas trop au début). George Lucas n'avait réalisé que deux films avant Star Wars . La comparaison est justifiée puisque jusque dans son casting, John Carter peut être vu comme un nouveau film de SF épique. Les acteurs de Star Wars étaient pour la plupart débutants, méconnus ou vieux. Pour John Carter, Disney s'est entouré de figures loin d'être bankables et hypes. La plupart des « gueules » charismatiques du film viennent de la série « Rome » et ne sont célèbres qu'auprès des cinéphiles. On ne peut donc pas reprocher tout cela à Disney qui , pour ce film, a pris des risques (légers vu les moyens de ce studio). Stanton ne voulait pas d'un gros casting pour ce film. Le problème c'est que ça manque franchement d'un bon acting. C'est typiquement le cas de ce genre de film de toute façon.
JOHN CARTER - Sab Than Pursues The Princess - SoundtrackLa promo du film n'avait d'ailleurs -de mémoire- pas été exceptionnelle.Il faut noter qu'à chaque adaptation de roman, les éditeurs ressortent généralement les livres enrichis d'une nouvelle jaquette en tête de gondole or , concernant John Carter, il n'y a même pas eu de réédition...sauf une intégrale invendable de 1000 pages. ( La sortie en Mars n'était pas non plus bien choisie. En période estivale ou hivernale, le film aurait sans doute mieux fonctionné. Cela étant, on peut expliquer cet échec commercial par des raisons assez simples et qui concernent le film directement. Plus haut, je disais que le projet était de toute façon anti-commercial. Pourquoi ?
Intro de 20 min, un hommage au western (genre qui n'est plus à la mode et semble dépassé ou obsolète pour les non-cinéphiles), environnement désertique et aride donc pas propre à l'émerveillement comme l'est AVATAR , un contexte géopolitique qui sert d'analogie avec le conflit américain entre les Sudistes , les Nordistes et les Indiens au milieu + un trauma et quelques scènes trashs/violentes...pour du Disney et pour du blockbuster familial bien sûr.
Des exemples ? La scène de décapitation (hors champ mais on voit la tête tomber au sol) ; le trauma purement westernien du héros , le tout raconté en image (jamais expliqué par le personnage) dans une scène ultime (la meilleure du film) où John Carter se retrouve seul face à une horde et se met à déployer toute sa rage et ses talents - augmentés -de guerrier dans ce qui peut se voir comme une scène jouissive de violence exutoire où le montage alterné enchaîne des plans de gerbes de sang (certes « bleu « mais ça reste du sang et ce choix est compréhensible : étant PG-13, il ne pouvait pas finir en R et il s'agit d'extraterrestres...) , des plans flash-back de John qui découvre les corps de sa femme et sa fille puis de nouveau sur Mars à taillader des dizaines de martiens et enfin, l'enterrement, John qui tombe à genoux pour finir sur les cadavres qui s'entassent autour du héros qui finit par être « noyé » sous une horde de martiens enragés. Chaque coup donné est un coup de pelle. John enterre son passé à ce moment précis.
Une PURE scène d'héroic-fantasy comme on n'en verra plus ou tous les 20 ans sur les écrans dans un film signé Disney. Puissante, évocatrice, poétique, violente. Surprenant. Belle idée de montage et de narration par l'image. Le choix musical est assez atypique puisque au lieu d'un thème héroïque ou guerrier, Giacchino signe un morceau bouleversant et qui correspond à l'étant mental du personnage et au trauma plus qu'au combat.
Au début du film, une fois John sur Mars, on découvre un nid de Tharks, les martiens « verts » et que voit-on ? Le peuple « héros » du film dont le chef (qui deviendra ami avec John) autorise ses hommes à tuer les bébés de leur propre espèce parce qu'ils sont faibles. Plus tard, une fois dans leur village, on remarque que leur mode de vie tribal est assez violent : à chaque « faute » commise par un des membres de la communauté, celui-ci se voit marquer au fer rouge. La seconde héroïne thark du film en est recouverte et l'accepte...Dans l'arène, Carter éventer un grand singe blanc et sort de son corps sans vie, en sang (bleu).
JOHN CARTER - The Prize Is Barsoom - SountrackEt JAMAIS le film ne tombera dans une critique de ces coutumes et de la mentalité des peuples , il ne juge pas. A noter ce plan des Tharks qui dépouillent la carcasse d'un vaisseau (clin d'oeil à Lord of War ?)
Stanton n'est pas tombé dans un délire moraliste sur le féminisme, il n'est pas non plus tombé dans l'idéalisation (le fameux mythe du bon sauvage) et il ne se permet pas de juger les peuples dont il raconte l'histoire. Je me répète : John Carter est donc bien loin d'entrer dans le carcan des blockbusters édulcorés. AVATAR était un grand film en tout point comparable à John Carter puisque les deux mettaient en scène le genre « planet-opera » (rare sur les écrans). Cameron avait mis le paquet : moyens, grande histoire universelle, mise en scène impeccable, personnages caractérisés (même si clichés) et surtout, le film profitait du renom du réalisateur de Titanic et était sorti en Décembre.
Succès à la clé parce qu'AVATAR est un film qui fait « rêver » et qui idéalise les peuples premiers. Les Na'avis sont parfaits , les Tharks de John Carter sont l'opposé radical : ils vivent en tribus certes mais leurs coutumes ne sont ni lisses ni joyeuses. Avatar serait plutoôt pro-tribalisme alors que le message de John Carter est plutôt inverse : le retour du tribalisme signe l'arr^te de mort de Barsoom. On aurait envie d'être un na'avi alors qu'un thark...
Stanton n'a pas réalisé un film « ethnologique » et on peut le dire, si AVATAR est bien mieux réalisé, plus beau, universel et mieux écrit, John Carter est moins simpliste (mais forcément moins passionnant car le background de Barsoom et de ses peuples tient sur 5 lignes). Ce qui peut passer pour une qualité dans l'un devient un défaut dans l'autre et vice versa. Les intentions étaient différentes et même si John Carter est moins émouvant, il possède une certaine ampleur parasitée toutefois par un sens de l'épique pas vraiment bonne. Le climax final faut le voir pour le croire (
RIEN ...5 minutes et je ne mens pas sur la durée) ou la facilité scénaristique une fois le combat enragé de John terminé...
Le contexte géographique et géopolitique et à peu près le même : une planète entrain de mourir à cause de la guerre qui aveugle les espèces de Mars. Deux peuples « civilisés » , riches, et bénéficiant d'une technologie avancée s'opposent à des tribus mais les cités dévorant le monde s'opposent entres elles à cause des Therns (des faux-religieux qui peuvent voyager de planète en planète et qui n'ont pas de cause. Ils sont éternels et manipulent des peuples pour gérer des planètes . Comme l'explique le chef Thern, ce sont les hommes qui s'entretuent, qui délaissent leur planète et se divisent une fois que la surpopulation explose). De plus, à force de piller le "radium" nécessaire à leurs vaisseaux , les martiens épuisent leur environnement. Les océans sont desséchés (peu mis en avant dans le film sauf dans l'ouverture du film) et la princesse de Mars est sur le point de trouver une solution pour redorer la planète (encore une fois, le rapprochement avec AVATAR est justifié : radium/unobtanium). Dans l'ouverture originelle, le contexte était un peu mieux exposé et la scène plus longue avec des plans inédits de Mars mais elle aurait plombé le film. Pour autant, 20 bonnes minutes n'auraient pas été de trop pour un tel film (tous les autres durent 2h30 voir 3h).
Conflits, choc des civilisations, écologie. Mais Stanton reste discret et n'en dit pas trop et c'est ce qui peut gêner d'ailleurs : l'univers de Burroughs est mal développé. On comprend les enjeux mais ça manque d'une dimension épique et d'une richesse pour atteindre un haut niveau mythologique. En fait, tout est là mais on sent que le film a été pensé pour être l'intro d'une trilogie même si, en soi, il a clairement été monté en cas d'échec car la fin se suffit à elle-même (s'il n'y avait pas ce méchant qui a survécu et qui s'est établit dans le palais de la princesse).
Les facteurs de flares , une tare de notre époque ? :
Le gros problème de John Carter c'est qu'il est sortit avec 30-40 ans de retard puisque à la base, c'est bien le roman de Burroughs qui est le précurseur du genre planet-opera mélangé à l'heroic-fantasy (haute technologie qui côtoie des modes de vies et coutumes/armes ancestraux) et il a inspiré quasiment tous le monde depuis (mais pas que lui) , dont Lucas pour STAR WARS, Cameron sur AVATAR etc... A la base, une adaptation était prévue dans les années 50 mais suite à plusieurs aléas, l'adaptation fut finalement abandonnée. Favreau voulait en faire une trilogie mais les droits furent repris par Disney. Une suite était prévue mais suite à l'échec commercial, la franchise fut enterrée. Si le film est loin d'être un chef d'oeuvre, il a la mérité de remettre sur le devant de la scène une histoire inventée il y a 1 siècle pour raison alimentaire certes, mais écrite avec sérieux sur la base des travaux de Percival Lowell. Un univers presque aussi riche que la Terre du Milieu de Tolkien mais dont on n'aperçoit qu'un fragment dans le film.
C'est dommage, car Disney aurait pu marquer un gros coup avec un tel projet. Le roman souffrait de certains « gros » clichés et le schéma narratif aujourd'hui dépassé ne facilitait pas le potentiel commercial du film qui , sous bien des angles, regorge de clichés vu et revus. Mais à y regarder de plus près, le film de Stanton est parfois magnifique et cruel. Je déplore le manque de relief de l'univers (malgré cette info intéressante : Le producteur Jim Morris déclare : « Dans notre film, l'alphabet martien est basé sur de vrais symboles observés sur la surface de la planète Mars. Si l’on scrute la planète de près, on dirait qu'il y a à certains endroits des sortes d’énormes lettres qui font penser à l’alphabet arabe. On sait maintenant que ce sont des dépôts gelés de dioxyde de carbone, mais si on les regarde au télescope, les marques sont comme des objets gigantesques faits par l’homme. Nous avons dessiné l’alphabet barsoomien d’après ces « symboles ». » )et la très mauvaise écriture des personnages tout comme certains « tics » formels très énervant comme les flares omniprésents....mais je félicite tout de même l'effort et la volonté de faire « différent » tout en collant bien sur à l'idée qu'on se fait d'un blockbuster.
Concernant la géographie, on regrettera l'absence de références astronomiques dans le film. Mars ne ressemble pas à Mars. Stanton a donc évité le tout CGI et le tournage a eu lieu en « dur » aux USA pour les extérieurs. En cela, John Carter renouait aussi avec les effets spéciaux d'antan mélangés à ceux d'aujourd'hui en plus d'être un hommage au western. Burné et couillu là encore. Le souci c'est l'expérience : Stanton vient de l'animation et réaliser pour la première fois un film live.
Pour finir, je comparerais les derniers plans d'AVATAR et de JOHN CARTER :
Les personnages "meurent" symboliquement, ils sont allongés et s'apprêtent à pénétrer un nouveau monde dans un corps différent. Alors que Jack s’épanouit dans un monde gigantesque dans lequel il doit « ouvrir » les yeux (son âme) dans un nouveau corps , John quant à lui n'est pas sur Barsoom et doit "voyager" grâce au médaillon. Et la personne qu'ils voient en renaissant se trouve être leur moitié. La main de Neytiri à gauche le laisse suggérer et le visage de Dejah dans John Carter.
La renaissance qui lave des péchés et des traumas en somme (rappelons que les deux personnages étaient au départ des militaires, l'un sudiste, l'autre un marine au service des colons donc tout à se reprocher).6.5/10 tendance 7.J'avais mis 4/10 la première fois. Je suis de bonne humeur ces temps-ci