Premier des cinq gialli tournés par Sergio Martino entre 1971 et 1973, L'Etrange vice de Mme Wardh a, paraît-il, vu son intrigue modifiée suite au succès fulgurant de L'Oiseau au plumage de cristal de Dario Argento.
Cette modification se ressent quelque peu au visionnage du film, les exactions d'un tueur en série ganté étant montées en parallèle aux passages voyant évoluer l'héroïne Mme Wardh, sans que leurs itinéraires ne se croisent avant que le film ne rentre en mode thriller dans sa seconde partie. Mais finalement, cela s'avère cohérent avec l'histoire qui nous est montrée.
D'abord parce que
Ensuite, parce que cela laisse le temps au scénario de développer la personnalité de son héroïne, bourgeoise insatisfaite, délaissée par son mari, harcelée par son ancien amant Jean avec lequel elle entretenait des rapports sadomasochistes, et qui trompe son ennui en nouant en nouant une relation amoureuse avec le beau gosse George.
La première heure est l'occasion pour Martino de signer deux très beaux flashbacks qui nous décrivent les rapports troubles entre Jean et Julie. Filmés au ralenti, ils distillent une certaine poésie: le premier où Jean prend sauvagement sa compagne sous une pluie diluvienne, le second où il la lacère avec une bouteille de champagne brisée.
Les scènes mettant en scène le tueur sont loin d'être mémorables mais offrent des moments de respiration à suspense ou sanglant venant nous rappeler qu'on est bien dans un film à vocation horrifico-policière. Et le suspense reprend ses droits dans la deuxième heure, d'abord grâce à une belle scène de meurtre où l'amie de l'héroïne se fait attaquer dans un parc public fermé (similaire à une scène de
Quatre mouches de velours gris d'Argento), puis par une attaque dans un parking souterrain.
Dans le dernier tiers, le réalisateur délocalise l'action en Espagne, tout comme il le fera dans son film suivant
La Queue du scorpion, le climat ensoleillé tranchant avec l'atmosphère urbaine du reste du métrage.
Cette dernière partie est l'occasion de démêler les fils de l'intrigue.
Les révélations s'enchaînent alors à un rythme soutenu un peu comme lors du dénouement de
Ton Vice est une chambre close dont moi seul ai la clé. La scène de maquillage de l'assassinat rythmé par les pulsations cardiaques de la victime constitue, elle, un beau morceau de suspense.
Sergio Martino livre un travail soigné et bénéficie de la jolie photo d’Emilio Foriscot et Floriano Trenker. Nora Orlandi signe une partition réussie, avec trois thèmes distincts: le premier pour illustrer l'idylle naissante entre Julie et George, le deuxième à base de coeurs étranglés pour la personnalité trouble de Jean et sa relation SM avec Julie (repris par Tarantino dans
Kill Bill vol. 2) et le dernier comme thème du tueur.
S'il met un peu de temps à démarrer, L'Etrange vice de Mme Wardh se densifie au fur à mesure de son déroulement pour constituer, au final, un giallo de très honnête facture. Le cycle giallo de son réalisateur démarrait sous de bons auspices...